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La petite Esteer Enaelle jolicœur tuée par sa maman

Deux vies brisées par l’inertie du système

30 novembre 2024, 16:00

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Deux vies brisées par l’inertie du système

Éloïse Raffin, 22 ans, la mère d’Esteer Enaelle Jolicoeur et d’Elliana Cupidon.

Le lundi 25 novembre, le pays a été ébranlé par la mort tragique d’Esteer Enaelle Jolicœur, 18 mois. Ce qui semblait initialement une mort naturelle s’est révélé être un meurtre d’une violence glaçante, commis par la mère de l’enfant, Rowena Raffin, plus connue comme Éloïse, 22 ans. Dans un moment de colère incontrôlable, elle a porté un coup fatal à sa fille. Cet acte, bien que monstrueux, ne s’inscrit-il pas dans une toile plus complexe de traumatismes, de problèmes, dans une société qui peine à protéger les plus vulnérables, de même que de négligence institutionnelle ? Ce drame bouleverse non seulement par sa brutalité mais aussi par le contexte tragique et compliqué entourant cette affaire.

Quelques semaines plus tôt, Elliana Cupidon, la sœur aînée d’Esteer, âgée de trois ans, née d’un père différent, est décédée dans des circonstances aussi troublantes. Ces drames successifs révèlent une situation de détresse psychologique aiguë, résultant d’un passé marqué par des abus et un manque criant de soutien.

Éloïse Raffin, qui aurait été victime de viols répétés durant son enfance par un pasteur de Rodrigues, n’a jamais bénéficié d’un véritable accompagnement. Cette affaire, qui avait secoué l’île en 2021, n’a toujours pas été examinée par la justice. Pendant que les procédures s’enlisent, les victimes comme Éloïse Raffin voient leur espoir de justice s’étioler, alimentant un sentiment profond d’abandon.

Éloïse Raffin, qui aurait été victime de viols répétés durant son enfance par un pasteur de Rodrigues, n’a jamais bénéficié d’un véritable accompagnement. Cette affaire, qui avait secoué l’île en 2021, n’a toujours pas été examinée par la justice. Pendant que les procédures s’enlisent, les victimes comme Éloïse Raffin voient leur espoir de justice s’étioler, alimentant un sentiment profond d’abandon.

Chaque jour qui passe sans décision renforce un climat d’incertitude et donne l’impression d’une impunité accordée à l’accusé. «Dans les affaires criminelles, le temps est un facteur crucial. Une justice retardée n’est pas seulement une justice refusée, mais elle entrave aussi le processus de guérison des victimes. Cette jeune mère aurait peut-être pu commencer à se reconstruire si un verdict avait été rendu rapidement. Au lieu de cela, cette attente a causé d’autres torts», souligne un avocat.

Absence de suivi

Lors de son interrogatoire, Éloïse Raffin a exprimé ses regrets : «Je n’avais pas l’intention de tuer ma fille.» Dans un moment de détresse, elle dit avoir agi sans réfléchir car l’enfant la dérangeait pendant qu’elle dormait. La violence d’une mère ou d’un père, et plus encore la haine destructrice à l’encontre de son enfant, nous semble toujours aussi «diabolique» et énigmatique. Toutefois, cet acte, bien que monstrueux en apparence, n’est-il pas un cri de désespoir ? Une tentative de résoudre une souffrance insoutenable ?

Bien qu’elle soit une possible victime de maltraitance et qu’elle ait été abusée, Éloïse Raffin a continué à évoluer dans un environnement où la justice et l’aide psychologique étaient inexistantes. Les mécanismes de défense qu’elle a développés, tels que le déni et le clivage, auraient pu avoir contribué à un profond déséquilibre émotionnel.

Les experts soulignent que les victimes de maltraitance, si elles ne reçoivent pas de soins adéquats, risquent de reproduire ces comportements sur leurs propres enfants. Éloïse Raffin, laissée à elle-même, n’a bénéficié d’aucun suivi ni de soutien pour surmonter ses épreuves. Le manque de suivi médical et psychologique pour elle, après ses expériences traumatiques, a laissé place à des cicatrices invisibles, alimentant un cycle de violence.

À noter que plus d’une semaine après ce drame, Éloïse Raffin n’a toujours pas été examinée par un médecin légiste ou encore moins un psychologue alors que l’enquête se poursuit. Sa situation financière et sociale, marquée par la précarité, aurait également joué un rôle. Dans un contexte familial instable, où le stress du quotidien domine, comment une jeune mère déjà fragilisée peut-elle espérer s’épanouir ?

La tragédie d’Éloïse Raffin révèle des lacunes criantes dans les structures de soutien aux victimes de violence à Maurice. Débordés, les services sociaux n’ont pu intervenir efficacement, laissant une mère et ses enfants dans une vulnérabilité extrême. La perte de son premier enfant en septembre, souffrant d’épilepsie, n’a donné lieu à aucun suivi psychologique ni à aucune enquête approfondie sur les circonstances de ce décès.

Pourtant, Jokenson Cupidon, père de cet enfant de trois ans décédée en septembre, avait des questions sur les circonstances de sa mort. Il a affirmé avoir constaté une importante bosse sur la tête de sa fille lorsqu’il avait pu la tenir dans ses bras, peu avant son inhumation. Il s’interrogeait sur l’absence d’autopsie, une démarche pourtant cruciale pour éclaircir les causes d’un décès inexpliqué. À noter que ce mercredi, il a porté plainte au poste de police d’Abercrombie et demande l’exhumation du corps d’Elliana.

Ce manque de suivi souligne une défaillance institutionnelle préoccupante. Face à ce drame, il devient de plus en plus important de renforcer les mécanismes de protection pour les mères et les enfants en détresse, et d’investir dans des structures adaptées pour prévenir de telles tragédies. Ce drame soulève également des questions sur le rôle des autorités dans la prévention de tels actes. Comment une jeune mère, visiblement en détresse, a-t-elle pu être laissée seule face à ses démons ?

La mort d’Esteer Enaelle Jolicoeur est un signal d’alarme. Il est impératif de renforcer les dispositifs d’accompagnement psychologique, d’accélérer les procédures judiciaires pour les victimes de violence et d’établir un filet de sécurité sociale pour prévenir de telles tragédies.


«Ombudsperson For Children» : Le système de protection des enfants à Rodrigues est à bout de souffle

Dans son rapport annuel, publié en septembre, l’«Ombudsperson for Children» consacre un chapitre sur Rodrigues et ses défis en matière de protection des enfants. Il en ressort que la Child Development Unit (CDU) fait face à un grave manque de personnel : trois personnes, soit un fonctionnaire responsable, son collègue et un psychologue, assurent la protection de tous les enfants rodriguais. Cette insuffisance entrave la qualité des services. Du côté des «Probation and Aftercare Services», l’absence d’un psychologue dédié et l’inexistence d’un foyer pour les enfants aux comportements problématiques compliquent la prise en charge. Le manque de mentors pour le «Parents Support Intervention Programme» aggrave la situation. La Brigade pour la protection de la famille a dénoncé un manque de coordination entre elle, la CDU et les «Probation and Aftercare Services», ce qui ralentit l’intervention dans des cas critiques. De plus, les acteurs ont pointé du doigt l’absence de formations continues et de plateformes éducatives pour les professionnels. Enfin, la fermeture du centre de désintoxication post-Covid-19 laisse les victimes de drogue sans soutien adapté, les redirigeant uniquement vers l’hôpital. Dans ses recommandations, l’«Ombudsperson for Children» exhorte le ministère de l’Égalité des genres et du bien-être familial à agir pour améliorer la protection des enfants à Rodrigues. Il est recommandé de recruter au moins quatre fonctionnaires pour la CDU et deux psychologues afin de prévenir l’épuisement du personnel et garantir des services de qualité. Une commission de suivi pour les cas relevant du «Mentoring Order» doit également être mise en place. Par ailleurs, les services de probation doivent employer un psychologue dédié.