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L’Oiseau du Paradis: enfer pour enfants ?

20 novembre 2022, 17:00

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L’Oiseau du Paradis: enfer pour enfants ?

L’affaire de la petite S., âgée de trois mois et admise aux soins intensifs à l’hôpital du Nord, alors qu’elle se trouvait dans un «shelter» du ministère du Développement de l’enfant et du bien-être de la famille, fait des vagues depuis un mois. Démission, allégations de maltraitance, «fact-finding committee», arrestations… mais aussi l’avenir incertain d’un bébé toujours branché à des tubes. Retour sur le calvaire de celle que l’on surnommera Sisi.

Elle ne pèse que quelques kilos. Sur son lit d’hôpital à l’unité néonatale des soins intensifs (NICU) de l’hôpital du Nord, la petite Sisi n’a aucune idée de tout ce qui peut bien se passer à l’extérieur la concernant. Si elle pouvait parler, elle dirait sans doute qu’elle ne souhaite que vivre. D’ailleurs, la force dont elle a fait preuve en moins d’un mois pour que son état, qui était jugé critique, inspire dorénavant moins d’inquiétudes aux médecins qui tentent de la sauver, le prouve. En effet, bébé Sisi va mieux, même si elle demeure a la NICU et qu’elle doit encore passer des tests pour savoir si elle portera des séquelles de la méningite aiguë dont elle a souffert, et elle se bat...

Cependant, hors de l’hôpital, il y a toute une bataille sur les circonstances qui ont mené cette petite innocente jusqu’à sa mise sous respiration artificielle. Tout commence quand la petite Sisi vient au monde en juillet. Dès qu’elle pointe le bout de son nez, elle doit déjà faire face à la dure réalité de la vie. Née un mois trop tôt, elle présente des défaillances cardiaques, ce qui la conduit à rester à l’hôpital. Selon la ministre Kalpana Koonjoo-Shah, qui répondait à la PNQ du leader de l’opposition Xavier-Luc Duval, le jeudi 27 octobre, bébé Sisi aurait été abandonnée par sa maman quand elle est née.

Des propos que réfute la mère que l’express a rencontrée la semaine dernière. Après avoir recouvré la liberté pour une charge d’abandon d’enfants, la maman de Sisi, qui a trois autres enfants, affirme que la Child Development Unit (CDU) a pris son bébé au quatrième jour après sa naissance. «Mé a okenn moman pann dir mwa mo zanfan inn gagn désarz. Monn aprann CDU inn pran li.»La CDU l’a placée dans un shelter du ministère qui n’est autre que L’Oiseau du Paradis à Cap-Malheureux, qui a souvent fait la une des journaux mais pas toujours pour les bonnes raisons. Le bébé y passera trois mois avant de commencer à tomber malade de nouveau.

Une semaine avant d’être admise pour une méningite aiguë, bébé Sisi présente des symptômes de gastroentérite comme plusieurs autres petits du shelter. Cependant, son cas empire dans la nuit du 20 au 21 octobre, sans que personne ne le réalise... Ce n’est que le lendemain matin, que les caregivers qui auraient dû s’en occuper et veiller sur elle toute la nuit, se rendent compte du fait qu’elle ne va pas bien du tout. Bébé Sisi atterrit alors aux soins intensifs.

Depuis son admission, il y a eu une succession d’événements. En premier lieu, une enquête pour savoir qui a fuité des photos de l’entry book du shelter révélées par l’activiste Bruneau Laurette sur sa page Facebook. L’entry book suscite de nombreuses questions concernant les heures où le bébé a été nourri et des «entrées» qui semblaient «falsifiées». Le jeudi 27 octobre, répondant aux questions du leader de l’opposition, la ministre Koonjoo-Shah affirme qu’un fact-finding committee a été mis sur pied pour faire la lumière sur les circonstances qui ont mené bébé Sisi à la NICU. Le 31 octobre, le manager du shelter démissionne. Selon nos sources, il refusait qu’on «lui mette des fautes sur le dos» et il a claqué la porte.

Photos «incriminantes»

Le 4 novembre, une douzaine de policiers, en uniforme et en civil de plusieurs unités – CID, SOCO, Cybercrime, etc. – descendent au shelter L’Oiseau du Paradis, à Cap-Malheureux et des téléphones portables sont confisqués. Nos sources indiquent que cette descente concernait l’enquête du ministère pour savoir comment les informations comme des photos du log book et des lieux, entre autres, ont été fuitées. Trois jours plus tard, la maman du bébé est arrêtée pour abandon d’enfant. Le 14 novembre, quatre caregivers du shelter sont arrêtées et deux autres le 16 novembre. Toutes les six sont sous le coup d’une accusation provisoire d’ill treatment of child under the child Act 2020. Elles ont toutes pu regagner leur domicile après avoir fourni chacune une caution de Rs 10 000.

Alors que l’affaire n’est pas bouclée, les problèmes des shelters demeurent. Le manque de professionnels de santé, psychologues, nutritionniste, etc. dans les shelters du ministère est décrié. D’ailleurs, en mettant la lumière l’affaire de bébé Sisi, on aura appris que les caregivers, qui s’occupait d’elle et de 11 autres bébés la nuit où son cas a empiré, n’ont pas les qualifications requises dans les Residential Care Homes Regulations pour exercer à ce poste. En sus du manque de qualification, le manque d’hygiène, comme l’avait démontré la députée rouge Stéphanie Anquetil à travers des photos au Parlement le 26 octobre . Malgré l’état des shelters, les enfants ne cessent d’y être placés. Est-ce qu’à part les arrestations, la gestion des shelters du ministère sera revue complètement ? Est-ce que la ministre tiendra compte des recommandations du rapport récemment publié de l’Ombudperson for Children, Rita Vencatasawmy ?