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Interview
Tania Diolle : «Koup Internet ti The Bad Move»
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Interview
Tania Diolle : «Koup Internet ti The Bad Move»

L’ancienne PPS de la circonscription n° 18, Belle-Rose-Quatre-Bornes, a eu une semaine mouvementée après sa démission du Muvman Patriot Morisien et la création de son parti Repiblik Sitwayen Popiler pour les prochaines élections municipales. Elle revient sur sa défaite aux dernières élections générales.
🟦Comment avez vous vécu les dernières élections générales ?
C’était assez intense, mais fondamentalement, je l’avais dit dans l’express en 2021 : je n’avais aucun problème si, demain, il s’avérait que je perde les élections, car ce qui comptait pour moi, c’est que j’aie fait mon travail. Je peux dire que je ne l’ai pas mal vécu, car je crois toujours en la liberté du peuple, qu’il nous choisisse ou non. Comme je le dis toujours, au final, c’est le peuple qui décide. C’était bien avant qu’il y ait une échéance électorale. Cela ne doit pas nous déranger que la population décide si c’est nous qui devons être au pouvoir ou non, car nous ne devons pas être de mauvais perdants. Nous sommes là pour vous convaincre. Si vous n’êtes pas convaincus, eh bien, vous n’êtes pas convaincus.
🟦Quelle serait votre analyse de cette défaite de 60-0 ?
Comme je l’ai dit à plusieurs reprises, en premier lieu, même avant de démissionner ou quand j’étais au gouvernement, j’étais PPS et j’étais très présente sur le terrain, en contact avec la population. Tout le monde me disait, surtout les personnes âgées, qu’il y avait l’usure du pouvoir, et ça, je l’ai senti. Il y a une culture à Maurice qui dit que trois mandats ne sont pas acceptables pour un Premier ministre. C’est une culture très généralisée, et ça, je l’ai entendu depuis un bon moment. Les Mauriciens y croient.
Deuxièmement, quand il y a eu la coupure de l’Internet, même les enfants étaient en colère contre nous (rires). Imaginez-vous, on dit que les enfants ne s’intéressent pas à la politique ! La coupure de l’Internet a fait que les enfants ont eu une opinion politique. J’étais choquée. Zanfan ti ankoler ar nou! Franchement, je n’étais pas au courant de cette coupure, car j’avais déjà un VPN sur mon téléphone. Ce sont les gens qui me le disaient. Je voyais les enfants très en colère, les mères de famille qui me disaient que les enfants avaient besoin d’Internet et de You-Tube pour leurs examens. C’est là que j’ai compris ce qu’il se passait. Kan monn trouv enn zanfan ena l’opinion politik, monn konpran zafer pa bon la.
Après, il y a les révélations de Moustas Leaks. Je ne sais pas à quel point c’est vrai, mais jusqu’ici, personne ne s’est manifesté pour authentifier. Ça a choqué beaucoup de personnes émotionnellement. Je pense que c’est ça. N’oublions pas les stratégies de circonscription. Je pense que c’était mal calculé, enfin, selon moi, en tant que simple membre de cette équipe.
🟦Cette coupure d’Internet a fait que les jeunes s’intéressent à la politique. Vous pensez, en tant que jeune politicienne, que la coupure d’Internet était ce qu’on appelle THE BAD MOVE ?
Hmmmm, je ne suis pas juste une jeune politicienne. Je suis aussi une personne qui a travaillé dans un système électoral et dans l’équité. Nous ne pouvons pas couper Internet en pleine campagne électorale. Nous ne pouvons pas, en pleine dissolution, couper Internet, un moyen de com- munication. C’était une très mauvaise décision.
🟦Vous étiez beaucoup sur le terrain dans la circonscription n° 18, dans le bureau CAB. A l’approche des élections, on vous voit changer de circonscription pour atterrir dans la circonscription n° 14. Pensez vous que ça a pesé dans la balance pour faire que vous ne soyez pas élue ?
Si vous regardez les résultats des élections, c’est un peu émotionnel pour moi, j’ai un attachement particulier avec les mandants de la circonscription n° 18. Dans toutes les circonscriptions, on a vu un record de vote. Dans la circonscription n° 18, il y a eu 5 % de plus d’abstention que dans les autres circonscriptions. Beaucoup de personnes étaient en colère, car ce n’était pas juste. Quand on est dans une équipe, je suis d’avis qu’il y ait un capitaine qui prend des décisions, mais il y a aussi une certaine réciprocité. On ne peut pas faire travailler une personne pendant cinq ans et après décider, sans raison concrète ni logique, qu’elle doit partir. Quand elle ne veut pas partir, toutes sortes de méthodes sont utilisées pour la faire partir. C’était très blessant. Je ne crois pas en une équipe qui a cette manière de procéder, car si nous travaillons dans une équipe, le travail se fait ensemble, et si nous devons tomber, nous allons tomber ensemble et gagner ensemble.
🟦Dans cette équipe justement, avez-vous l’impression de ne pas avoir le droit d’exprimer votre ressenti ou d’être dans une équipe où une seule per- sonne décide ?
Non. Vous savez, dans notre système politique, ce n’est pas comme un système américain. Si vous êtes membre d’un parti, vous devez suivre la ligne de ce parti, sinon ça ne va pas fonctionner. Le système en luimême est comme ça. Il faut qu’il y ait une cohésion dans le parti. Bien sûr, à l’intérieur du parti, vous avez le droit de dire si vous n’êtes pas d’accord avec certaines choses. Ce que je faisais, mais cela ne veut pas dire que ce que je disais était pris en considération, car il y avait même une équipe stratégique qui avait supposément plus d’informations que nous, et pourtant, nous avons perdu par 60-0.
🟦C’est un sentiment qui se ressent aussi dans votre circonscription n° 18, le fait que votre changement de circonscription a joué en votre défaveur ?
Tout le monde me dit que si j’étais restée dans la circonscription n° 18, ils ne m’auraient pas laissé tomber. Ils me disent qu’ils ont été blessés. C’est comme une relation qu’on a bâtie. Imaginez-vous, vous avez une relation avec quelqu’un pendant cinq ans et du jour au lendemain, cette personne disparaît et vous dit qu’une autre personne vient comme remplaçant. Humainement, ce n’est pas correct.
🟦Vous avez récemment démissionné du Muvman Patriot Morisien. Pourquoi ?
Comme je le disais, c’est une collaboration de douze ans. Il y a eu des hauts et des bas, et je ne souhaite pas dévoiler trop de choses. Ce n’est pas correct d’être dans une équipe pendant tout ce temps et, après votre départ, de la critiquer. Je n’ai pas envie d’attaquer Alan Ganoo, car j’avais beaucoup d’amitié pour lui.
🟦Vous aviez ?
Oui, j’avais… Maintenant, il y a une grande différence dans notre façon de faire. Depuis novembre, il ne communique pas, et même pendant la campagne électorale, il allait de son côté. Ensuite, je devais suivre ses décisions.
Pour les municipales, il est important de se souvenir qu’il y a des gens qui veulent se relever. Même si nous sommes tombés, il y a des gens derrière qui souhaitent se relever. C’est une équipe. On ne peut pas baser notre décision sur notre personne, surtout si nous sommes dans une équipe. La décision doit se baser sur l’équipe et le collectif. Voilà la différence fondamentale entre Alan Ganoo et moi.
🟦Vos anciens mandants accueillent cette décision favorablement ?
Ah oui, j’ai eu des applaudissements. Depuis plus d’un an, j’ai une certaine pression où on me disait de partir, mais comme je l’ai dit, la loyauté est une valeur fondamentale, et je n’oublie pas que je suis dans une équipe. Je ne peux pas vaciller face à des difficultés. On a un objectif, et il est important de rester et de tenir ferme face à ces difficultés. Chaque chose en son temps. Dans une équipe, on doit rester ferme, même si tout le monde s›attendait à ce que je parte.
🟦Il y a eu beaucoup de scandales sous le précédent régime, entre Wakashio, Misie Moustas ou la coupure de l’Internet. La question que beaucoup se sont posée, c’est pourquoi vous n’avez pas démissionné lorsqu’il y a eu la coupure de l’Internet, par exemple ?
Ce n’était pas facile, mais c’était après le Nomination Day. Tout était déjà enclenché. Des fois, les gens ne comprennent pas et ne se mettent pas à notre place pour comprendre ce que nous vivons. On doit rester solide face à certaines choses. Même vous, en tant que journaliste de l’express, vous devez rester aligné sur l’objectif principal. L’objectif principal était de gagner. Tout ce qui se passe autour, c’est comme une guerre. Il y aura des bombes ou autres, mais vous devez avancer et une fois sur la ligne d’arrivée, vous pouvez regarder en arrière et réaliser tout ce que vous avez traversé. Vous devez savoir que la décision de coupure d’Internet n’est pas passée par le cabinet ni aucune instance. On a juste entendu dire que l’Internet a été coupé. La décision d’un politicien lors d’une campagne électorale est compliquée, et beaucoup ne peuvent pas comprendre malheureusement.
🟦Quelle est la raison qui vous pousse vers les municipales ?
Il y a un grand travail à faire à Quatre-Bornes, et il y a une équipe. Il y a beaucoup de jeunes qui méritent leurs chances, et les moins jeunes aussi. Une municipale est une occasion pour beaucoup d’entrer dans le système. Je pense que si une personne a montré un intérêt pendant cinq ans et a de bonnes valeurs et des intentions nobles, je pense qu’elle mérite sa chance, car ils m’ont donné ma chance. Pendant cinq ans, ils ont cru en moi et m’ont épaulée. Je peux le faire en retour.
🟦Pourquoi le nom Repiblik Sitwayen Popiler ?
On voulait un nom avec le mot République, car la Ré- publique, c’est un petit peu ce qui nous manque à Maurice. Nous sommes devenus une République, mais nous n’avons pas adopté les valeurs républicaines dans notre système pour l’heure. De toute évidence, nous prônons des valeurs républicaines.
La République et le citoyen sont très associés, car être une République, c’est différent d’une démocratie, dans le sens où une démocratie peut être monarchique. Il y a une reine ou un roi à la tête. Dans une République, aucun poste n’est héréditaire. On ne peut pas hériter d’un poste d’État. Dans une République, toutes les institutions sont régies par des gens, donc il y a une certaine responsabilité des institutions envers la population. Dans une démocratie, ce n’est pas le cas. La notion de responsabilité et que les institutions appartiennent au peuple n’est pas la même. C’est une monarchie. C’est la reine qui possède les institutions. La notion est différente. Nous n’avons pas beaucoup amélioré la Constitution ou la culture politique. Quand vous regardez les 60-0 et la réaction de la population, nous sommes propices à une République, car la population a sa propre opinion, son mot à dire et le droit de réagir. Ce n’est pas tout le temps dans une démocratie que nous avons une population active. Par exemple, pour qu’une démocratie fonctionne, il faut que la population croie en ce qu’on appelle une règle du jeu avec des débats, sinon on va adopter un régime autoritaire. Analysez le citoyen et son opinion, il a adopté cette culture. La culture mauricienne se tourne vers ce qui est républicain, chose qui n’était pas le cas quand je venais de démarrer ma carrière politique. Je suis étonnée par le changement de culture et de discours de la population. Voilà pourquoi on a choisi Repiblik et Sitwayen. Pour le mot Popiler, c’est parce que nous voulions que notre abréviation soit RSP, comme le mot Respect.
🟦Vous venez de dire hériter d’un poste d’État. C’est quand même une réalité un peu similaire à la nôtre où il y a une perception que c’est toujours la même famille qui doit être Premier ministre ou à la tête d’un pays…
Ça, dans une démocratie, c'est acceptable. Le peuple a accepté les règles du jeu. Là, nous parlons d'une République où les gens affirment leur culture. Je me souviens quand je venais de quitter l’université, je disais qu'il n'y avait pas de culture politique à Maurice, mais maintenant je le ressens.
🟦RSP compte combien de membres actuellement ?
On a démarré la semaine dernière, et pour l’heure, nous avons trois membres principaux à Quatre-Bornes. Attendons de voir jusqu’à la semaine prochaine pour voir combien de personnes vont adopter RSP ou non. Nous avions une première réunion jeudi avec 120 personnes. Nous allons faire le cheminement pour voir.
🟦Et vous ne serez pas candidate pour les municipales…
Je ne pourrais pas, car c’est une contrainte de temps et de logistique. C’est difficile d’être en arrière-plan pour contrôler cinq quartiers et d’être candidat. Humainement, c’est impossible et irréaliste.
🟦Lorsque vous avez annoncé la création de RSP, plusieurs personnes ne comprenaient pas le choix de votre logo dont la fleur de lys. Certains disaient que la fleur de lys représente le logo du scout, d’autres que c’était la marque utilisée pour marquer les esclaves à l’époque. Pourquoi ce logo ?
Bah, parce que la fleur de lys représente la pureté et la loyauté. Tous les logos peuvent être interprétés différemment, dépendant du contexte. Ça ne veut pas forcément dire que c’est sa signification. La fleur de lys ne veut pas dire que c’est l’esclavage. C’est absurde qu’en 2025, il y ait ce genre d’accusation. Je discutais avec une personne la dernière fois et je lui ai demandé s’il réalise que j’ai participé à la Truth and Justice Commission et que j’étais dans le comité du 1er février pour l'abolition de l'esclavage. Pourquoi m'accusez-vous ? Donc, le symbolisme qu’ils essayent de donner à la fleur de lys et à la personne que je suis n’est pas adapté du tout. Si c’était une autre personne qui a un certain antécédent ou qui va dans cette direction, j’allais comprendre. Je suis le contraire de ce qu’ils essayent de dire. La fleur de lys ne symbolise pas une chose. C’est la pureté et la loyauté. Qu’on associe la fleur de lys à l’esclavage dans ce context là en 2025, c’est ridicule. Je trouve que c’est ridicule et farfelu.
🟦Vous en parlez et je pense qu’il serait important de revenir sur la question. Les attaques sur les réseaux sociaux sont monnaie courante envers les politiciens. Comment gérez-vous cette situation ?
C’est ce qu’on appelle du harcèlement des partis opposants. C’est facile de voir sur les profils qui le font. Ce que je dis toujours aux personnes victimes de harcèlement, c’est de l’affronter. Si vous montrez à celui qui vous harcèle que vous avez peur, il va continuer de plus belle. Dans ma vie, je n’ai jamais eu peur d’un harceleur. Je n’ai jamais laissé la chance à un harceleur d’atteindre mon mental. Un harceleur n’est pas bien dans sa peau. Il est frustré et jaloux de ce que vous représentez et de ce que vous êtes. Vous ne devez pas laisser ces personnes vous atteindre.
🟦Sans transition, pensez-vous qu’une victoire de 60-0 est bien pour une démocratie ?
Ça dépend de la maturité de la démocratie et de ses institutions. C'est un choix du peuple, et je ne vais pas oser critiquer le choix du peuple, car l'écart de vote est massif, on parle de 15 000 votes. Donc, c'est un ressenti, et si le peuple l'a ressenti, je ne peux pas critiquer. Bien sûr, quand il y a ce genre de situation, il faut une toute autre armada autour pour contrer toute dérive totalitaire.
🟦La place de la femme en politique, vous pensez qu’il y a une certaine amélioration ?
Dans une certaine mesure, oui, mais je ne veux pas diminuer la place des femmes qui ont eu des postes de ministre, car ce sont des femmes capables. Ces femmes ont une contribution significative. L’espace politique est très masculin. Je ne veux pas dire que les hommes et les femmes ne peuvent pas vivre ensemble, mais je pense que vous avez dû le remarquer, quand il y a plus de femmes dans une région, la culture change. L’interaction et la culture de travail changent. Les femmes doivent occuper plus d’espace, peu importe qui est à la tête, pour que les femmes puissent imposer leur culture. Néanmoins, c’est vrai. Il manque beaucoup de femmes en politique.
🟦Comment s’annonce l’avenir politique pour vous ? Une rumeur en circulation dit que vous allez rejoindre les rangs du Parti travailliste ?
Je ne sais pas d’où vient cette rumeur. J’entends beaucoup de rumeurs sur moi. De toute évidence, il doit y avoir une personne qui m’aime beaucoup et qui sème des rumeurs à mon égard. Je ne vais pas m’auto saboter alors que j’ai monté un parti politique pour les municipales. Ça semble ridicule.
🟦Quel est l’avenir de ce parti RSP et la vision ?
On veut prôner les valeurs républicaines, et on veut le faire depuis la base. J’ai toujours eu cette ambition de pouvoir donner une cohésion à la culture politique mauricienne. Ce parti veut se connecter avec les citoyens mauriciens pour comprendre comment ils trouvent leurs institutions et leur gouvernance.
🟦Une femme au poste de Premier ministre de Maurice. C’est quelque chose qui revient souvent sur l’échiquier politique. Est-ce que c’est quelque chose que vous chérissez un jour ?
Il est encore trop tôt pour parler de ça. Ce n’est pas parce que j’ai fondé ce parti RSP que je serai un leader éternel. Tel n’est pas le cas. Consolidons d’abord, et bien sûr, c’est dans la durée. Nous ne sommes pas là pour plaisanter. Une femme au poste de Premier ministre, ça va arriver au moment où ça doit arriver. S’il y a plus de femmes en politique, ce sera encore plus facile. Pour l’heure, parlons de gestion d’une ville…
🟦Après les municipales, quels seront vos projets pour RSP ?
On va procéder étape par étape. Attendons voir. Ne nous précipitons pas. Je félicite la population pour sa maturité politique, et je souhaite que nous réussissions à créer une culture politique mauricienne par rapport à nos valeurs et à les établir. Il y a eu trop de divisions et de tiraillements à Maurice. Pour la première fois, je sens une cohésion politique à Maurice dans sa culture, et je souhaite la développer ensemble pour qu’elle soit ancrée.
🟦Pour conclure, vous étiez présente pour la marche contre la drogue par le Kolektif 420. Votre position sur la question de légalisation ?
Je suis d’accord à 100 %, car je suis agacée de voir des jeunes dans la drogue, et c’est dérangeant non seulement pour la famille, mais aussi les personnes qui les connaissent. On ne veut pas voir une société avec la drogue. On veut une société où les jeunes ont l’espoir et la vanité de vivre. Il est temps de trouver une solution contre la drogue. Concernant la légalisation du cannabis, je suis pour et je l’ai toujours été, mais je n’ai jamais dit qu’il faut le faire dans l’immédiat, car je prends en considération les personnes qui ont des craintes par rapport à ça. Il faut vraiment composer. J’ai de bons amis qui sont contre, et je comprends leur point de vue.
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