Publicité

Interview de... François Calvia

«L’inceste est un acte odieux qui ne doit plus exister dans une société dite civilisée»

15 février 2025, 22:11

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

«L’inceste est un acte odieux qui ne doit plus exister dans une société dite civilisée»

François Calvia , auteur du roman «Le dernier des Serra»

Dans un style direct et dépouillé de fioritures comme à son accoutumée, l’auteur français François Calvia signe son troisième livre intitulé «Le dernier des Serra», après avoir publié en 2022 «Coïncidence», qui a remporté le prix du Roman Gay dans la catégorie Gay-Friendly, et en 2023, un essai sur la parentalité au titre provocateur «Tu prends perpète quand tu fais un enfant.» Cet écrivain, qui passe annuellement plusieurs mois à Maurice, aborde, dans son dernier livre, un crime qui doit à tout prix être dénoncé, à savoir l’inceste.

Votre dernier livre «Le dernier des Serra» est en quelque sorte une saga familiale dont le thème fort et récurrent est l’inceste. Pourquoi avoir choisi d’aborder ce thème?

J’aime bien écrire sur des sujets souvent tabous, qui touchent à l’actualité, même s’ils dérangent parfois et dont on n’a pas souvent envie de débattre en public. L’inceste en est un parmi d’autres comme ceux que j’ai traités précédemment: les relations conflictuelles en famille ou l’injonction morale, sociale et écologique à procréer, permettant de réfléchir sur le thème de la parentalité et les enjeux de la procréation dans la société contemporaine, tout en abordant la question de l’aptitude des couples à procréer et à élever des enfants. De nombreux auteurs ont publié des ouvrages sur le thème de l’inceste au cours de ces trois dernières années, dont le célèbre «Triste tigre» de Neige Sinno, qui a remporté le prix Femina 2024. J’ai voulu, quant à moi, écrire sur ce thème à travers une histoire moins classique, avec en son centre, une intrigue familiale. C’est la raison pour laquelle je ne l’ai pas dévoilée dans le résumé de la quatrième de couverture de mon livre afin de laisser le lecteur la découvrir au fur et à mesure, un peu comme dans un roman policier. Mon roman fait des va-et-vient entre présent et passé.

Pourquoi l’avoir développé sous forme de roman plutôt que d’essai ? Avez-vous le sentiment que le message passe mieux ainsi ?

Un essai est une réflexion philosophique sur un sujet donné, exposant des idées et des opinions. Le roman, quant à lui, laisse l’écrivain donner libre cours à son imagination et inventer une histoire, même si celle-ci est inspirée de faits réels comme ce fut le cas pour moi dans ce dernier ouvrage. L’inceste est un sujet grave mais à l’inverse des autres auteurs, qui ont écrit sur ce thème, j’ai voulu pour ma part, le traiter avec plus de légèreté, avec des traits d’humour, de dérision ou de provocation parfois et de façon plus intrigante pour le lecteur, en y mêlant des anecdotes historiques sur la Corse ou bien sur l’île de Saint Barthelemy. Je pense que le rôle de l’écrivain, en tout cas c’est ma conception personnelle, c’est aussi de donner des informations au lecteur sur des réalités historiques qu’il ne connaissait sans doute pas et qu’il prend plaisir à découvrir. Voilà la raison de mon choix porté sur l’écriture d’un roman plutôt que d’un essai.

Pourquoi ce titre ?

Au début de l’écriture de mon manuscrit, je pensais à un autre titre pour mon livre, «Adrien, fils de…» Adrien, le personnage central de l’histoire a été abandonné à la naissance par sa mère et placé en famille d’accueil dans laquelle il est maltraité et il y restera jusqu’à son adolescence. C’est alors qu’il décide de se mettre à la recherche de ses parents biologiques. Après avoir vécu de nombreuses péripéties, il parviendra enfin à retrouver sa mère, qui entretiendra le mystère de sa naissance, et qui malgré son insistance, ne lèvera pas le voile, laissant apparaître la vérité, avant de disparaître prématurément en emportant ce lourd secret avec elle. Adrien qui n’aura alors de cesse de retrouver son père, se posait cette sempiternelle question : «De qui suis-je le fils ?» D’où l’idée du titre «Adrien, fils de ...» C’est alors qu’à ce stade de l’écriture, je décidais de changer de titre. Adrien ne sait pas encore qu’il est le dernier descendant d’une illustre famille bourgeoise du cap corse, la famille Serra. Après avoir surmonté de nombreux obstacles sur son chemin, il finira par découvrir ses origines, en même temps que l’existence de son père biologique. Je trouvais alors que le titre «Le dernier des Serra» était plus approprié et décidais donc définitivement de le garder. Chaque auteur, avant de choisir un titre définitif à son ouvrage, se renseigne s’il n’a pas déjà été utilisé par une autre personne. Dans cette démarche, je suis tombé sur un titre qui m’a interpelé «Le dernier des Dulac» de François Antelme, qui raconte une formidable saga familiale, qui se déroule à Maurice dans les années 1920. D’une traite, j’ai lu ce livre que j’ai beaucoup aimé et y ai trouvé des similitudes avec le mien, la description de Maurice à cette époque-là, comme je l’ai fait un peu avec la Corse, et un personnage central Marc, qui recherche son identité autour du mystère de sa naissance, tout comme mon personnage, Adrien, qui recherche son père géniteur pour découvrir le mystère de sa naissance.

Le roman a pour toile de fond surtout la Corse et St Barthélémy. Est-ce parce que ce sont des îles où l’inceste est plus répandu ou tout simplement parce que ce sont des îles que vous connaissez bien ?

L’histoire qui m’a été racontée et qui a servi de point de départ à l’écriture de mon roman s’est déroulée dans un lieu que j’ai promis de ne pas dévoiler par discrétion et de ce fait, il m’a fallu la transposer ailleurs, dans un autre cadre. J’ai choisi non pas le Sud de la Corse dont je suis originaire mais l’extrémité du Cap corsin que je préfère parce que c’est sans doute la partie de l’île la plus préservée et qui a su garder toute son authenticité. C’était pour moi l’occasion de m’attarder un peu sur son histoire passionnante et particulière au XIXe et au début du XXe siècle. Une autre partie de l’histoire se déroule à Saint Barthelemy aux Antilles où j’ai vécu, il y a quelques années. Mais ni en Corse ni à Saint Barthelemy l’inceste est plus courant qu’ailleurs. En revanche, les mariages entre parents proches y étaient assez répandus autrefois dans ces deux îles, engendrant une consanguinité maléfique, un autre sujet que j’aborde aussi dans mon roman.

Quelle est la part de fiction et la part de vérité dans «Le dernier des Serra» ?

L’histoire m’a été racontée par hasard, un jour, au cours d’une fête d’anniversaire par un trentenaire, qui avait lu mon premier roman et qui avait pensé que son histoire assez incroyable pourrait m’intéresser et peut être me donner envie de l’écrire. Ce fut le cas. Si le fond de l’histoire est véridique, je ne possédais que la trame mais avec assez peu de détails. Aussi j’ai dû faire appel à mon imagination pour reconstituer ce qui me manquait, à la façon d’un puzzle. Ce sont donc la fiction et le réel qui se sont entremêlés tout au long de mon écriture. À travers cet ouvrage, j’ai essayé de faire la part belle aux émotions complexes liées à l’abandon, à la recherche des origines et à la réconciliation avec soi-même.

Y a-t-il aussi une partie autobiographique dans ce livre ?

Ce n’est pas un roman autobiographique, même si j’y ai introduit des souvenirs personnels de faits, qui se sont déroulés dans ma propre famille alors que j’étais adolescent ou étudiant à Paris, puis à l’âge adulte et même plus tard, avec des souvenirs de différents voyages.

Quand votre livre est-il sorti et quel est l’accueil qui lui a été réservé ?

Mon roman a été publié en juillet dernier et il a été très bien accueilli par les médias français et sur les réseaux sociaux. Des vidéos sont regardées sur YouTube, entre autres. De nombreux lecteurs aiment mon roman et m’apportent en permanence des témoignages de sympathie auxquels je suis très sensible.

Où peut-on se procurer «Le dernier des Serra» ?

«Le dernier des Serra»* peut être commandé, sans frais d’envoi, directement auprès des éditions Maïa en cliquant le titre sur la bande de recherche Google, puis en observant la marche à suivre. C’est très simple. En cas de problème, je répondrai à chacun par mail sur francoisfelixcalvia@gmail.com

Quel message voulez-vous transmettre avec ce livre ?

Le message que je veux transmettre à travers mon livre c’est de lutter contre les actes criminels d’inceste et de viol. Des associations de protection de l’enfance existent et peuvent apporter leur aide efficace aux mineurs que j’encourage à s’exprimer à la moindre occasion délictueuse et les aider à porter plainte devant la justice, qui sanctionne sévèrement ces actes odieux, qui ne devraient plus exister dans une société dite civilisée.

Trois écrits en trois ans. Qu’est-ce qui vous inspire ?

Effectivement, j’ai publié trois ouvrages en trois ans, chacun en rapport avec des sujets d’actualité intéressants. Je vais faire un break en 2025 pour me consacrer à l’apprentissage du piano, qui demande beaucoup de temps, et ce, avec l’aide de mon professeur mauricien.

Vous revenez souvent pour des séjours à Maurice. L’île représente quoi pour vous ?

Je suis résident mauricien et Maurice est ma patrie de cœur. Son ambiance sereine et chaleureuse m’est propice pour l’inspiration et pour l’écriture. C’est donc ici que j’écris, loin du tumulte. Les couchers de soleil de Tamarin m’enchantent et je ne m’en lasse jamais, tous toujours différents, avec un ciel et des nuages qui se parent de nouvelles couleurs presque chaque soir, comme une succession de tableaux, œuvres de peintres talentueux. Je suis né au bord de la mer en Corse et je retrouve à Maurice cette immense étendue bleue, vivante, qui change en fonction des marées, même si la Méditerranée et l’océan Indien sont très différents. Leurs couleurs restent toutefois très semblables et propices à la baignade, un de mes passe-temps préférés avec la photographie. À Maurice, les paysages sont tellement magiques que chaque jour, je prends conscience que nous sommes très gâtés de vivre dans un tel environnement.