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Au Caudan Arts Centre
Le Moris Orkestra signe un chef-d’œuvre entre séga et Classique
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Au Caudan Arts Centre
Le Moris Orkestra signe un chef-d’œuvre entre séga et Classique

Ce samedi, le Caudan Arts Centre a vibré d’une énergie rare. Dès l’entrée dans la salle, on sentait que quelque chose d’exceptionnel allait se produire. Salle comble, public suspendu d’attente, regards brillants : c’est dans ce décor vibrant qu’a eu lieu la grande soirée de clôture de la 3e Académie d’Orchestre du Moris Orkestra.
Le Moris Orkestra, ensemble novateur né de la passion de musiciens mauriciens et internationaux, proposait un voyage inouï : fusionner la noblesse de la musique classique et la fougue authentique du séga mauricien. Une ambition folle, portée par un amour immense pour la culture de notre île.
Lorsque le rideau s’est levé, un frisson a parcouru la salle. Une cinquantaine de musiciens, arc-boutés sur leurs violons, violoncelles et contrebasses, attendaient, concentrés, la baguette du chef d’orchestre Sébastien Taillard. Dès les premières notes, une atmosphère quasi mystique s’est installée. Pas une mouche ne volait dans la salle, tant l’auditoire était suspendu à la musique.
Le programme s’est ouvert sur une création contemporaine commandée spécialement pour l’académie : une œuvre du compositeur Simon Barbanneau, pleine de modernité et de nuances. Puis se sont succédé les Danses roumaines de Bartók, la Danse d’Anitra de Grieg, le lumineux Palladio de Jenkins, les touchants Impromptus pour cordes et la Valse triste de Sibelius, le délicat Menuet de la Vallière orchestré par Simon Barbanneau, et enfin l’éblouissant Andante et Rondo hongrois de Weber.
La synchronisation entre ces musiciens, venus de Maurice et de France, était absolument remarquable : chaque respiration, chaque mouvement d’archet semblait parfai- tement aligné. Une harmonie impressionnante, fruit de longues heures de travail et d’une passion partagée.
Bilygane version orchestre symphonique
Le Moris Orkestra a invité sur scène des artistes mauriciens emblématiques pour un mariage inédit entre séga et musique symphonique.
Sous un tonnerre d’applaudissements, Kurty O’clou est apparu, coiffé de son fameux chapeau, sourire en coin, prêt à enflammer la scène. Lorsqu’il a entamé Mo Belmer, l’orchestre en arrière-plan lui offrant une majestueuse envolée symphonique, la salle entière a repris les paroles en chœur. Un moment de communion pure. Les yeux brillaient, des frissons parcouraient les bras, tant l’émotion atteignait des sommets.
Puis ce fut au tour de Bilygane (photo), artiste engagé et voix vibrante du séga moderne, de rejoindre l’orchestre. Avec Ki zot problem, magnifiquement réarrangé pour l’occasion, il a démontré que la chanson New Gen pouvait s’élever aux cimes de l’art orchestral sans rien perdre de son âme. Ses paroles fortes, portées par la puissance de l’orchestre, ont résonné longtemps dans les cœurs.
Le Cholo Trio – Mathieu Michel, William Ross et leur guitariste – a apporté sa touche de fraîcheur et d’authenticité, jonglant entre instruments traditionnels et arrangements modernes. Leur approche du séga, à la fois respectueuse et inventive, a parfaitement épousé l’esthétique orchestrale du Moris Orkestra.
Henri Roman, parrain de cette troisième édition, n’était pas en reste. Au basson, il a apporté sa signature sonore raffinée et chaleureuse, liant classique et traditions mauriciennes avec une aisance qui forçait l’admiration.
Et que dire des autres musiciens, sans qui cette aventure n’aurait pas été possible : 14 professionnels venus de France, mêlés à de jeunes talents mauriciens comme David Daronnat (violon), Anisha Marimootoo (violoncelle), Clémentine Donat (alto), Kévin Perle (clarinette), Marianne Bellamy (flûte), Julie Chevrier (cor anglais), William Delavault (trompette), et tant d’autres, qui ont porté haut les couleurs de l’île Maurice.
Entendre le séga, cette musique née dans les entrailles de notre histoire, s’enlacer avec la majesté de la musique classique occidentale, c’était tout simplement bouleversant. Les cordes, les vents, les percussions et les voix se répondaient, s’entremêlaient, créant un univers sonore nouveau, vibrant, profondément mauricien. L’émotion était à son paroxysme. Beaucoup dans le public avaient les larmes aux yeux, touchés par cette beauté brute et sincère.
Le Moris Orkestra nous a montré que nos traditions ont encore tant à dire et que notre île peut rayonner bien au-delà de nos rivages. Mais pour que cette aventure extraordinaire continue, pour que Maurice s’inscrive durablement sur la carte du monde de la musique, il faudra plus qu’une soirée magique : il faudra le soutien du public, des institutions, de l’État, et de tous ceux qui croient en la force de notre culture.
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