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Gérard Paya, «Il faut redonner une âme à notre tourisme»

9 mai 2025, 22:00

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Gérard Paya, «Il faut redonner une âme à notre tourisme»

Ancien député et figure du secteur touristique mauricien.

Ancien député et figure du secteur touristique mauricien, Gérard Paya plaide pour une refonte en profondeur de l’offre touristique nationale. Dans cet entretien, il interpelle l’État, les opérateurs privés et les institutions sur la nécessité de réinventer Maurice en tant que destination, en s’appuyant sur ses atouts humains et culturels.

Pourquoi le tourisme restet-il un secteur stratégique pour Maurice ?

Le tourisme est l’un des piliers de l’économie mauricienne. Il génère des milliers d’emplois directs et indirects, tout en stimulant d’autres secteurs comme l’artisanat, l’agriculture ou encore les services. C’est un moteur de croissance et un levier d’opportunités pour plusieurs strates de la société.

Quelle est la forme de tourisme la plus représentative de l’île ?

Maurice attire principalement pour son environnement naturel, son héritage culturel pluriel, son climat tropical et ses plages réputées. À cela s’ajoutent les activités nautiques, les croisières, la randonnée ou encore les découvertes culinaires, qui séduisent un public diversifié.

Certains sites touristiques semblent toutefois négligés…

Malheureusement, depuis une décennie, j’observe un recul alarmant dans l’entretien des sites emblématiques. La promenade du front de mer de Mahébourg en est un exemple : on y trouve des déchets plastiques, des infrastructures délabrées, et l’ancienne gare a été transformée en décharge. C’est une image désolante, aux antipodes de l’expérience que nous voulons offrir aux visiteurs.

Le nouveau gouvernement peut-il inverser cette tendance ?

J’estime que oui, et qu’il en a le devoir. L’État doit revoir l’état des musées, des jardins, du patrimoine bâti. Il faut s’entourer de professionnels qualifiés et impliquer les opérateurs du secteur pour une remise à niveau globale. L’offre touristique ne peut reposer uniquement sur les plages ; elle doit refléter la richesse culturelle et historique du pays.

Faut-il repenser la destination Maurice ?

Absolument. Malgré un rebond post-Covid et de nombreuses distinctions internationales, la concurrence régionale est rude. Je plaide pour que nous retrouvions l’âme des hôtels mauriciens, l’hospitalité qui faisait notre renommée, les spectacles culturels, la cuisine métissée, les expériences authentiques.

Le secteur hôtelier semble privilégier une logique de réduction des coûts…

C’est exact. La plupart évoquent la nécessité de cost-cutting depuis la crise sanitaire. Mais je m’interroge : comment les fonds injectés par la Mauritius Investment Corporation (MIC) ont-ils été utilisés ? Ont-ils servi à maintenir la qualité ou simplement à équilibrer les bilans ?

Que proposez-vous concrètement ?

Je suggère un soutien fiscal sous forme de tax rebates pour inciter les hôtels à collaborer avec les artistes mauriciens. Nous devons redevenir cette île que l’on quitte avec regret et à laquelle on revient avec plaisir. L’expérience client ne peut se résumer à un service standardisé.

Qu’en est-il de la promotion touristique à l’étranger ?

Je regrette l’effacement de la dimension humaine dans les foires et les roadshows. À l’époque de sir Gaëtan Duval et de Cyril Vadamootoo, Maurice se vendait avec des performances artistiques, de la cuisine locale, du tangible. Aujourd’hui, je m’interroge sur les retombées d’événements comme la foire de Berlin, malgré la présence de hauts responsables de la MTPA et de la Tourism Authority (TA) (que va faire la TA dans cette foire, en passant !).

La gouvernance du secteur a-t-elle été à la hauteur ?

Non. Le choix de confier le portefeuille du tourisme à Steve Obeegadoo était une erreur. Ce dernier n’avait, selon lui, ni l’appétence ni les solutions pour moderniser le secteur.

D’autres défis à relever ?

La connectivité aérienne. On attend une restructuration efficace d’Air Mauritius. Par ailleurs, on se félicite de la croissance du tourisme de croisière : 49 navires et plus de 80 000 passagers en 2024. Mais ici aussi, il faudrait un travail coordonné entre autorités et opérateurs pour consolider cette dynamique.

Un mot sur l’avenir ?

Il faut revenir sur deux autres sujets essentiels : la formation dans le secteur et le désintérêt croissant des jeunes pour les métiers de l’hôtellerie. C’est un autre symptôme du malaise que nous devons affronter…