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Paul Caboche raconte Diego pendant la guerre
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Paul Caboche raconte Diego pendant la guerre

A la mi-août 1980, l?express a l?heureuse idée d?interviewer Paul Caboche, alors Factory Manager de l?usine sucrière de Solitude, après avoir été assistant-ingénieur de la Mauritius Hydro Electric de Rose-Hill, et surtout officier-radio-télégraphiste à bord du Zambezia, à Diego Garcia, et au sein de l?armée anglaise. A Diego, il monte toutes les installations de radio-télégraphie. Aux casernes de Vacoas, il est affecté aux services secrets des armées de Sa Majesté. Il s?entraîne avec d?autres résistants à faire face à toute invasion japonaise.
A l?express , il confie d?abord l?origine de sa vocation de sans-filiste. La radio-télégraphie l?a toujours intéressé. Après ses études, il est avec son père à Salomon, une île des Chagos. Son père et celui de Marcelle Lagesse, Raoul Caboche, lui dit un jour : ?Nous sommes-là à ne rien faire alors que dans l?air au-dessus de nos têtes, des ondes transportent toutes sortes de choses. Pourquoi ne ferais-tu pas de la radio ??
Sitôt dit, sitôt fait. Paul Caboche rentre à Maurice, se lance à fond dans l?étude de la radio et prend de l?emploi comme officier radio-télégraphiste. Son capitaine se nomme Albert Nicolin. Une référence dans la marine marchande. Il découvre surtout qu?il n?a pas le pied marin. Il débute alors comme dépanneur-radio sur la terre ferme. Il dépannera surtout son successeur, tombé malade, ce qui ne surprend guère quand on travaille et vit à bord du Zambezia.
Le début de la guerre 1939-45 le surprend à bord de ce navire du côté des Chagos. Il y croise son premier sous-marin anglais. Le monde est petit, le commandant de ce submersible n?est autre que l?arrière-petit-fils du gouverneur William Nicolay, plus connu pour sa route que pour avoir posé la première pierre de la citadelle du Fort Adelaïde sur la Petite Montagne, Port Louis, en 1834.
De retour à Maurice, il est mobilisé. Il doit retourner à Diego pour maintenir un contact permanent avec Maurice, Colombo, l?Afrique de l?Est. La vie n?est pas de tout repos car à tout moment, il peut être appelé à décoder des messages, à suivre le déroulement de graves événements militaires, à prendre note de l?éventuelle approche de ?raiders? ennemis. La radio devient indispensable. Par mesure de sécurité, les navires doivent passer par Diego pour communiquer avec leur base, sans révéler leurs positions à l?ennemi. Au bout de quatre ans, on lui permet de rentrer à Maurice mais c?est pour apprendre qu?il doit rentrer de toute urgence à Diego qui est en panne de communications depuis son départ.
Il raconte son angoisse quand il reçoit son premier S.O.S. Il s?agit de l?appel au secours d?un navire marchand que l?ennemi bombarde sans relâche. Un des quatre hydravions Catalina, postés à Diego, ne regagne pas sa base après un exercice de contrôle aérien. Après des heures de vaines tentatives d?entrer en contact radio avec l?appareil manquant, il perçoit un faible grésillement indiquant une tentative d?amerrir du côté de l?île aux? Dangers. On déconseille au pilote ce coin d?amerrissage d?autant qu?il n?est plus qu?à 128 kilomètres de Diego. Silence radio. On braque tous les projecteurs disponibles en direction de l?île Dangereuse. Le lendemain matin toute la flotte disponible à Diego quadrille la zone. L?hydravion demeure introuvable. L?angoisse reprend de plus belle quand Singapour tombe aux mains des Japonais.
Angoisse non partagée par la population chagossienne. Elle ne dispose pas de moyens radiophoniques pour être tenue informée?
? de cette pluie de fer,de feu, d?acier de sang. Quand les Chagossiens vont à Maurice, ils n?ont qu?une seule envie c?est de retrouver au plus vite leurs îles qu?ils jugent paradisiaques. On évoque certes des souvenirs de guerre. De la Première Guerre mondiale. On se souvient toujours de l?escale du croiseur allemand ?Emdem? en pleine guerre 1914-18. Malin comme un singe, le capitaine comprend que si la population ignore que Benoît XV a succédé à Pie X sur le trône de Saint-Pierre, c?est qu?elle ne sait pas que la guerre est déclarée entre l?Allemagne-Autriche et la France et ses alliés.
Il ordonne donc à son équipage de ne pas prononcer le mot ?guerre? ni tout ce qui s?y rapporte. Et c?est ainsi qu?une escale de guerre resta une visite de courtoisie, une croisière touristique aux Chagos. L?erreur ne devait pas se répéter. Paul Caboche évoque le souvenir de cet employé qui se cachait dans un puits à l?approche de tout vapeur. De temps en temps, il s?enhardissait à sortir la tête du puits pour demander à un employé : « Croisère là fine allé ? » Il suffisait d?une réponse négative pour ne plus avoir son patron sur le dos.
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