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Pierre Argo: «Les artistes sont tous prêts à déclarer la guerre»

30 mai 2017, 00:14

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Pierre Argo: «Les artistes sont tous prêts à déclarer la guerre»

Vous avez participé à la réunion prébudgétaire entre les artistes et le Premier ministre et ministre des Finances, Pravind Jugnauth. Pensezvous que les demandes des artistes seront entendues ?
Il y a un grand espoir. Je pense qu’il y a des gens qui y sont sensibles, qui écoutent.

Qu’est-ce qui change des précédents ministres des Finances ?
Rencontrer les artistes, c’est très fort comme signal. C’est déjà un geste ô combien merveilleux.

Et au-delà du geste ?
C’était un excellent départ, maintenant attendons voir. Si l’espoir peut faire vivre, ben… (rires)

Vous avez vécu d’espoir pendant toutes ces années ?
Il y a eu une grande première, le Premier ministre nous a rencontrés. C’est déjà un pas. Ce n’est pas le pas vers la lune, vous savez (rires). Un petit pas vers le Premier ministre, un grand pas pour la culture (rires).

Vous demandez que 1% du budget de tous les gros projets de construction aille à la culture. Pourquoi est-ce important ?
Il y a beaucoup de projets à Maurice. Il y a des smart par-ci, des smart par là. Mettons du smart art dedans (rires). On enjolivera les smart cities avec du smart art. C’est pas mal comme trouvaille, non ? Comme cela, pas besoin d’aller chercher des budgets. Il n’y a que 3 % du budget du ministère des Arts et de la culture qui va aux artistes.

Vous avez fait le calcul ?
Non, cela a été donné par le ministère. Tout le reste va surtout dans le fonctionnement de l’establishment.

Entre les gros chantiers, comme le Metro Express ou le remboursement aux détenteurs du Super Cash Back Gold, pensez-vous qu’il reste des fonds publics pour la culture ?
Avec le métro, et si on demandait aux artistes de s’occuper des stations ? Cela leur donnerait de l’originalité. Cela enrichirait le métro. C’est pas mal, non ? Moi je serais partant. Ou alors le ticket de métro peut aussi avoir des oeuvres dessus. Il y aurait le ticket Dausoa, le ticket Luchoomun, etc…Cela donnerait une touche artistique à ce pays.

Revenons à la question : pensezvous que la culture fasse partie des chantiers prioritaires, au même titre que le Metro Express ?
Quand on aime les arts et la culture, on a besoin d’être nourri par cela. Si on n’aime pas les arts et la culture, on est nourri par le vrombissement des grosses cylindrées. Alors que l’on n’a pas besoin de grosses cylindrées mais de choses pour nourrir son âme. Le jour où on aura de l’art, on va commencer à comprendre son importance pour notre équilibre.

Parmi les revendications des artistes, figure la séparation des arts et de la culture de la religion auprès du ministère de tutelle. Vous la réclamez aussi ?
Oui, mais entendons-nous. Il y a des choses qui viennent du sacré, comme la musique. Mais on n’a pas besoin de l’église pour écouter les oratorios composés par Bach. Je les écoute chez moi. À chaque fête religieuse, on voit des discours d’hommes politiques, donc vaut mieux attacher cela au bureau du Premier ministre plutôt qu’au ministère des Arts et de la culture. Au moins, il pourra en faire l’usage qu’il entend.

Pourquoi la culture attend-elle des fonds de l’État ?
Pourquoi ne se débrouille- t-elle pas par elle-même ? Dans le secteur privé, les gens n’ont pas une grande culture non plus. Chez nous, il n’y a pas beaucoup de Bernard Arnault ni de Fondation Louis Vuitton, pour faire de la culture de haute volée.

Vous dites que les entreprises qui brassent des millions n’ont pas assez de culture pour soutenir la culture ?
La culture ne fait pas partie de leur vie de tous les jours. C’est pour cela que la présence artistique et culturelle à Maurice, qui est dépendante du privé, est nulle, nulle.

Donc, il n’y a pas d’autre choix que de se tourner vers l’État ?
Même là, c’est terrible. C’est pour cela que la culture à Maurice n’a jamais pu monter d’un cran. On a tout le potentiel pour avoir un rayonnement extraordinaire, pour attirer les touristes, mais le problème, c’est qu’on est empêtré dans des affaires financières, dans l’organisation structurelle. Les artistes sont tous prêts à déclarer la guerre. Le problème, c’est qu’il faut des armes, il faut développer un marché.

Votre regard critique sur le secteur privé qui ne soutient pas la culture, est-ce parce que ce secteur ne vous a pas soutenu ?
Les gens qui achètent mes oeuvres sont de tous les horizons. Il y a des gens qui suivent ma production depuis longtemps. Il y a un mécène mauricien qui avait 27 de mes oeuvres. Il avait même une pièce spéciale pour conserver ces oeuvres. Si les artistes ne vendent pas, ils ne produiront plus. Plus un artiste est encouragé, plus sa créativité est stimulée. C’est dans la pratique qu’on excelle.

L’État a-t-il déjà acheté un Argo ?
L’État m’a acheté une fois quand il y avait la rénovation du bâtiment du Trésor. C’est l’architecte Caroline Wiehe qui m’a accroché là-bas. Je suis aussi à la Banque de Maurice. Bheenick (NdlR, Rundheersingh Bheenick, ancien gouverneur de la Banque de Maurice) me l’a demandé, quand ils ont fait le bâtiment. C’était pour le 17e ou 18e étage, là où il y a l’État-major, il y a de grands murs blancs magnifiques. J’ai fait des machins pour eux.

Combien vaut un Argo ?
Euh… L’argent va dépoétiser ce débat.