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Thérapie cranio-sacrée: la danse interne des corps
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Thérapie cranio-sacrée: la danse interne des corps
Avec des enfants souffrant de handicaps et des femmes alcooliques en réhabilitation, la thérapie craniosacrée donne des résultats étonnants, en agissant à la fois sur la détente du corps et le lâcher prise du mental.
Au service d’intervention précoce de l’Association des Parents d’Enfants inadaptés de l’île Maurice (APEIM) à Trianon, Jenny Yip Tong intervient trois jeudis matins par mois bénévolement. Assise au sol sur un matelas, la craniothérapeute prend chaque enfant dans ses bras. Et c’est parti pour une quinzaine de minutes de mouvements ressemblant à des étirements. Mais rien à voir avec de la kinésithérapie; le moteur c’est l’enfant, pas la praticienne.
Alexia, 4 ans est la première patiente. Maintenue avec une certaine pression dans les bras de Jenny, la fillette handicapée commence à se mouvoir lentement. Jenny accompagne alors les gestes de l’enfant, en soutenant sa tête dans ses rotations ou ses jambes et ses bras, qui ondulent tour à tour en l’air... «Je danse avec Alexia, mais dans une danse bien à elle», souffle Jenny à voix basse.
Après une quinzaine de minutes, Alexia commence à bailler de contentement. «Les enfants parviennent beaucoup plus facilement à s’étirer en suivant le mouvement naturel du liquide céphalo-rachidien, qui s’écoule partout le long du système nerveux (au niveau du cerveau, des sinus, de la colonne vertébrale…) pour, au final, irriguer le corps dans son ensemble… Avec mes mains, j’agis sur les pulsations de ce liquide afin qu’il retrouve son rythme et le corps sa vitalité», précise Jenny Yip Tong.
Après Alexia, c’est au tour de Benoît, 6 ans, de venir se lover dans les bras de Jenny. Il se tortille dans tous les sens. Puis, au bout de quelques minutes, il commence à se frotter les yeux. Son corps se détend et il sourit. Habituellement, Benoît souffre notamment d’hypertonus, avec les muscles de sa jambe et de sa main gauches toujours en extension. Un handicap qui nécessite des injections de botox pour relâcher ses muscles, et également la pose de plâtre.
Jenny invite la maman de Benoît à prendre le relais pour une initiation à la craniothérapie. Elle accepte volontiers, ce qui n’est pas le cas de tous les parents. Certains craignent de faire souffrir encore davantage l’enfant en le manipulant.
Renforcer le lien maternel
Pourtant, Jenny Yip Tong voit beaucoup d’avantages à la craniothérapie de la mère sur l’enfant : «Cette approche douce peut être un moyen de renforcer le lien maternel, car
pour certaines mamans, l’annonce du handicap est un choc qui provoque déni et repli physique. Or, l’enfant ressent tout, y compris les crispations de la maman », remarque-t-elle.
Tous les enfants ne sont pas aussi «tranquilles» qu’Alexia et Benoît. «Parfois, avec la thérapie cranio-sacrée, les enfants pleurent ou poussent des cris. Mais c’est positif, car ils se débarrassent ainsi de leurs frustrations et de leur colère. Cette extériorisation est importante, car certains enfants handicapés n’ont pas beaucoup d’autres moyens à disposition pour s’exprimer et ils accumulent beaucoup de nervosité au fi l du temps», observe Jenny Yip Tong.
L’évaluation des bienfaits de la thérapie craniosacrée n’est pas faite en tant que telle à l’APEIM, puisque les progrès de l’enfant sont le résultat d’un travail collectif mené par les thérapeutes et les éducatrices spécialisées (Lire par ailleurs).
La craniothérapie apporte un confort à l’enfant, par une libération des tensions; c’est ce qu’on appelle «le déroulement fascial». Pour prendre une image, c’est comme si le corps sortait de son carcan pour évoluer plus librement, comme il le ferait dans l’eau.
«On observe presque toujours une très grande détente; ensuite, sauf pour certains enfants qui ont des zones sensibles, liées par exemple à des mauvais souvenirs, comme le passage durant l’accouchement. Quand ces enfants se laissent toucher la tête, c’est déjà une victoire ! », constate Jenny Yip Tong.
La thérapie cranio-sacrée agirait même simultanément sur le relâchement du corps et sur le lâcher prise du mental, pour les enfants comme pour les adultes.
«Les adultes peuvent aller plus loin, en interprétant après la séance les visions ou les images qui leur sont venues à l’esprit, lorsqu’ils étaient allongés sur la table de massage. C’est pourquoi, je trouve plus intéressant de travailler avec les adultes, avec une préférence pour les femmes», confie Jenny Yip Tong.
Boîte de Pandore
La thérapeute travaille avec le grand public dans son cabinet et également à l’association Étoile d’Espérance, résidence pour la réhabilitation des femmes alcooliques à Quatre-Bornes.
«J’essaie d’aider ces femmes à dénouer des tensions, en appliquant des pressions légères sur leur corps, des pieds vers la tête. Et comme avec les enfants, j’accompagne les mouvements qui naissent naturellement. Certaines ressentent de la chaleur, d’autres gesticulent dans tous les sens ou éclatent en sanglots… Travailler avec un adulte, c’est potentiellement ouvrir une boîte de pandore. La thérapie craniosacrée lui permet de relâcher le conscient et d’atteindre un bien-être intérieur lui permettant de s’écouter avec compassion. Le corps peut alors envoyer des messages. C’est déjà arrivé pendant une séance à Étoile d’Espérance qu’une femme remonte à la racine d’un traumatisme, puis à la source de sa dépendance à l’alcool. Une autre est parvenue à visualiser un objectif de vie et de réinsertion. Et c’était, dans les deux cas, le point de départ d’un nouveau chemin, d’une psychothérapie avec un psychologue»,se souvient Jenny Yip Tong.
La thérapie cranio-sacrée comporterait donc bien des atouts, mais elle n’est pas encore reconnue officiellement. Certains osthéopathes la pratiquent. Jenny Yip Tong n’est pas osthéopathe, mais a suivi une formation à Maurice en 2010, avec des experts étrangers de la South African Institute of Cranial Studies, et obtenu un Diploma Course in Cranio Sacral Therapy.
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