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Fanfan: «Mo dimann Dieu le Père ramass mwa»

28 juillet 2016, 19:48

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Fanfan: «Mo dimann Dieu le Père ramass mwa»

Il a été transformé en statue de son vivant. Fanfan a célébré ses 86 ans à l’hospice Saint-Jean-de-Dieu, dans le Nord, le mercredi 27 juillet. Ce, en présence de ses deux filles notamment. 

Un gâteau létaz serré dans du ruban bleu et un peu de pétillant sans alcool. Qu’il est loin le temps du «dinosaure» de Beau-Vallon. Ces fruits amoureusement macérés dans du rhum que Fanfan vous servait en salivant. Non sans avoir approché le goulot de vos narines, pour que vous humiez tous les arômes de sa simplicité, quand il vous recevait.

Mercredi 27 juillet, pour les 86 ans de ce monument vivant, c’est vrai que l’on a applaudi. On a repris en chœur Ala la ki zoli zoli, nou lil Moris ki zoli zoli. Les musiciens de l’Espri Ravann ont accompagné le grand-père, tous fiers d’être, pendant ces instants précieux, à côté d’un ancêtre musical.

Alors, à 86 ans, Fanfan a fait sonner sans faiblir le 6/8, le rythme du séga. En deux temps trois mouvements, ses mains ont montré qu’elles n’avaient rien perdu de cette façon bien à lui de faire battre la ravanne, même quand celle-ci est de moyen format. Même quand elle est synthétique.

Mais tous les sourires ne pouvaient faire oublier que cet anniversaire avait lieu à l’hospice Saint-Jean-de-Dieu, à Pamplemousses. Dans un «kouvan», comme on dit. Là où Fanfan regarde passer les heures, rythmées par les repas. Déjeuner à 11h30, goûter à 13h30, dîner de bonne heure et longue nuit. Même refrain le jour suivant.

C’est à Pamplemousses que Louis Gabriel Joseph a été placé après avoir quitté le Sud, où sa maison tombait en ruine. Ses deux filles étaient bien là. D’autres proches encore, sans oublier le petit dernier. Encore innocent. Au premier rang des convives, les organisateurs; le centre Nelson Mandela pour la culture africaine qui s’est souvenu que le 27 juillet c’est la date anniversaire de «bolom-la». Dans le cercle, il y avait aussi Yannick Cornet, président du National Heritage Fund. Mais allez faire comprendre à Fanfan ce que c’est que «national heritage». Après qu’on lui ait répété «national heritage» trois fois, l’octogénaire lance: «nasional lavérité». Lalang fité, créateur jusqu’au bout, c’est tout lui, ça.

A-t-il seulement envie de comprendre qu’on l’a transformé en statue de son vivant? Lui, l’homme de l’oralité, de la spontanéité… Des histoires cent fois racontées mais toujours renouvelées. Jamais fatigué de nous dire pourquoi les animaux ont des comportements qui ressemblent, à s’y méprendre, à celui des humains.

Fanfan vous explique en pointant un index vers une oreille qu’il a du mal à vous entendre. D’instinct, vous vous rapprochez pour lui poser la question qui tue. Dans cette salle où, si on additionnait l’âge de tous les pensionnaires, on aurait plusieurs siècles d’expériences. Des pensionnaires qui attendent sagement leur manger. Que certains n’auraient pu avaler sans l’aide et la patience des employées de l’hospice.

Fanfan lui, qu’est-ce qu’il attend. Il attend son heure. Celle où le «gran dimounn» passera le chercher, après qu’il a enduré tant de difficultés. De combien d’artistes est-ce là la «nasional vérité»?