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Vérité, dissimulation et impasse économique
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Vérité, dissimulation et impasse économique
Le Premier ministre et ministre des Finances, Navin Ramgoolam, en dressant un tableau sombre de l’économie nationale, défie les perspectives optimistes annoncées par son prédécesseur, Renganaden Padayachy. Les deux discours, opposés dans leur essence, révèlent une crise de confiance non seulement dans les chiffres présentés, mais aussi dans les institutions censées les valider. FMI, Banque mondiale, OCDE : comment ont-elles pu passer à côté d’une telle divergence ?
À l’aube des élections de novembre 2024, Padayachy s’est voulu rassurant. Il vantait une économie en pleine reprise, portée par des politiques budgétaires audacieuses et des réformes axées sur la compétitivité. À ses yeux, Maurice entamait une nouvelle ère de croissance durable. Quelques mois plus tard, Ramgoolam prend la parole pour dévoiler une toute autre réalité : une dette publique alarmante, des déficits inquiétants et une économie qu’il qualifie de vulnérable. Les chiffres ne mentent pas, dit-on. Mais encore faut-il savoir qui les manipule, et pourquoi.
Si les données de Padayachy étaient biaisées pour des raisons électoralistes, le problème dépasse le cadre local. Les institutions internationales, garantes d’une transparence économique globale, auraient-elles failli à leur mission ? Ou bien ces contradictions révèlent-elles un mal plus profond, celui d’un modèle économique mauricien à bout de souffle ?
Le mirage de l’État-providence
Depuis plus de trois décennies, Maurice oscille entre deux modèles économiques : celui d’un État-providence généreux et celui d’un État compétitif. Ce balancement a conduit à un système hybride, où les politiques redistributives dominent, mais sans investissement suffisant dans des projets structurants. Ce déséquilibre a produit des résultats prévisibles :
1. Un déficit budgétaire qui se creuse durablement.
2. Une stagnation de la création de richesse.
3. Une faible productivité freinée par une pression fiscale dissuasive.
4. Des déficits extérieurs chroniques.
5. Des infrastructures dépassées face à une démographie croissante.
L’incapacité à effectuer la transition vers un modèle compétitif laisse Maurice piégée dans un statu quo coûteux et insoutenable. Les symptômes s’aggravent et les remèdes restent trop souvent au stade des discours.
Les défis actuels ne sont pas nouveaux. La dépendance aux importations énergétiques et le manque d’innovation dans les secteurs clés – tourisme, textile, canne à sucre – aggravent la vulnérabilité économique du pays. Pourtant, les solutions sont connues depuis des décennies :
• Diversifier les exportations et développer les produits locaux.
• Réduire les dépenses improductives pour investir dans des projets à forte valeur ajoutée.
• Exploiter les énergies renouvelables et valoriser les ressources marines.
Mais ces solutions nécessitent une vision à long terme et un consensus national. Or, la scène politique mauricienne est trop souvent fragmentée par des querelles partisanes.
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Un autre enjeu réside dans la présentation des Budgets en période électorale. Ces exercices, teintés d’opportunisme, compromettent la crédibilité des finances publiques. Certains suggèrent de confier cette tâche à des techniciens indépendants, capables de garantir la neutralité et l’intégrité des projections économiques. Une réforme en ce sens permettrait de restaurer la confiance dans les institutions financières du pays.
Les contradictions entre les chiffres de Padayachy et ceux de Ramgoolam pointent aussi une faille au niveau des institutions internationales. Pourquoi le FMI et la Banque mondiale, voire l’OCDE, qui saluaient récemment les performances mauriciennes (dans leur jargon diplomatique), n’ont-ils pas détecté les signes avant-coureurs de cette divergence ? Leur méthodologie, trop souvent standardisée, semble mal adaptée aux économies émergentes comme Maurice, où les signaux faibles nécessitent une analyse plus fine.
Le mandat de Navin Ramgoolam s’annonce comme un moment décisif. La survie économique du pays dépend de réformes structurelles audacieuses. Il ne s’agit plus seulement de réajuster les chiffres ou de corriger les écarts budgétaires, mais bien de repenser le modèle économique dans son ensemble. Cela implique de dépasser les logiques de redistribution court-termistes pour bâtir une économie compétitive, résiliente et durable.
Maurice, longtemps vantée comme un modèle de réussite dans l’océan Indien, doit aujourd’hui choisir entre stagnation et transformation. Le chemin est clair : seule une réinvention profonde permettra d’éviter les écueils d’un État-providence inefficace tout en relevant les défis d’un monde globalisé. Pour cela, il faudra du courage politique, une vision claire et une mobilisation collective. Sans cela, le déclin semble inévitable.
PS : Fin mai 2024 : le FMI nous disait ceci : «The 2024 Article IV Consultation discusses that Mauritius has rebounded strongly from the pandemic on the back of buoyant tourism, social housing construction, and financial services. The outlook for growth remains favorable, headline inflation is projected to ease further, and public debt is projected to continue moderating over the medium term. Risks to the outlook are on the downside, including from deterioration in global growth, higher-than-anticipated fuel and food prices, and extreme climate events. The macroeconomic policy mix should be recalibrated to rebuild fiscal and external buffers and maintain financial stability. Achieving high-income status will require continued structural reforms to promote competitiveness and economic diversification. Advance structural reforms, including those that bolster skills in the domestic labor market and support female labor force participation, foster digitalization, and enhance climate-resilient infrastructure investment. It is imperative to strengthen the effectiveness of the new monetary policy framework and stand ready to tighten the monetary policy stance should inflationary pressures re-emerge.»
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