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Chagos
Recours juridique contre l’accord et motion rejetée par les Lords
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Recours juridique contre l’accord et motion rejetée par les Lords

Des Chagossiens rassemblés devant la Haute cour, dans le centre de Londres.
La Haute cour britannique a décidé d’examiner en urgence un recours juridique contestant l’accord de souveraineté conclu entre le Royaume-Uni et Maurice sur l’archipel des Chagos, rapporte GB News du lundi 30 juin. Ce recours, déposé par le Chagossien Louis Misley Mandarin, avec le soutien du Great British Political Action Committee (PAC), reproche au gouvernement de ne pas avoir consulté les Chagossiens avant de négocier le traité.
Les plaignants invoquent une violation de l’Equality Act 2010, du droit international et des principes de justice. Le gouvernement doit soumettre sa défense d’ici le 4 juillet, et une première audience est prévue le 11 juillet. Louis Misley Mandarin, principal plaignant, a déclaré : «Nous voulons être entendus, pas ignorés une fois de plus.» La Shadow minister aux Affaires étrangères, dame Priti Patel, a, elle, dénoncé un «traité de reddition à 30 milliards de livres» et une «trahison des Chagossiens britanniques». Le Great British PAC a appelé à suspendre tout processus parlementaire lié aux Chagos jusqu’au verdict final.
Mᵉ Gavin Glover, «Attorney general» : «La motion des lords ne bloquera pas la ratification»
Présent sur le plateau de la Mauritius Broadcasting Corporation dans l’émission Grand Titre, le lundi 30 juin, l’Attorney General, Mᵉ Gavin Glover, a commenté les récentes motions débattues à la Chambre des lords au Royaume-Uni. «Il n’y a pas lieu de s’inquiéter de ces motions car selon les échanges avec nos homologues britanniques, même si la motion déposée par les Conservateurs devait être adoptée par la Chambre des lords, cela ne stopperait pas le processus de ratification à la Chambre des communes», a-t-il affirmé.
Il a toutefois reconnu que l’adoption d’une telle motion constituerait «un revers politique pour le gouvernement britannique», susceptible de ralentir le processus à long terme, mais sans impact immédiat. Gavin Glover a souligné que cette motion avait été introduite avant même que la Chambre des communes n’examine l’accord. «Dès le départ, les autorités britanniques nous ont indiqué que le processus de ratification pourrait prendre environ dix mois avant d’être finalisé.» Ainsi, si toutes les étapes sont franchies comme prévu, Maurice pourrait recevoir son premier versement dans le cadre de cet accord entre mars et mai 2026, soit avant la clôture de l’année financière, le 30 juin 2026.
Relations avec la Chine
Interrogé sur les inquiétudes soulevées quant au rapprochement de Maurice avec la Chine, Gavin Glover a déclaré : «Maurice entretient des relations diplomatiques cordiales avec tous les pays amis. Les États-Unis, par exemple, sont très présents à Maurice. Certains peuvent mal interpréter cela, mais nous avons signé un accord, nous avons des engagements à respecter et nous le ferons.» Il a ensuite rappelé que si l’accord n’était pas ratifié et si un futur gouvernement britannique refusait de céder la souveraineté de l’archipel, Maurice reprendrait sa campagne devant les juridictions internationales pour obtenir une décision contraignante contre le Royaume-Uni. «C’était justement la crainte du gouvernement conservateur en 2022 lorsqu’il a décidé d’ouvrir les négociations. Ils savaient que Maurice disposait d’arguments solides sur le plan juridique, notamment devant la Cour internationale de justice.»
Des travaux préparatoires déjà entamés entre les deux pays
Dans l’attente de la ratification, Gavin Glover a confirmé que les travaux préparatoires se poursuivent activement entre les deux États : «Le 12 juin 2025, une réunion s’est tenue dans mon bureau avec les représentants du Royaume-Uni à Maurice, ceux basés à Londres ainsi que notre équipe juridique et des représentants du Bureau du Premier ministre. Il s’agissait de discuter des modalités de mise en œuvre de l’accord après sa ratification.» Il a précisé que ce comité technique se réunira à nouveau ce 2 juillet et qu’un autre comité, auquel il participe personnellement, se réunira toutes les six semaines. «Nous regardons l’avenir avec beaucoup d’optimisme.»
Vers une visite officielle à Peros Banhos et à Diego Garcia
Concernant les perspectives de réinstallation sur les îles des Chagos, Gavin Glover a indiqué qu’une visite officielle à Peros Banhos est envisagée avant la saison cyclonique, probablement vers la fin de l’année. «Ce déplacement nécessite une planification logistique importante car il faut deux semaines de bateau pour s’y rendre. Le Premier ministre et le Premier ministre adjoint sont très désireux de faire ce voyage et les discussions sont en cours.» Maurice pourrait demander une assistance logistique aux Britanniques, mais le pays est prêt à entreprendre l’opération par ses propres moyens si nécessaire. Des experts techniques seront également mobilisés pour évaluer les conditions sur le terrain, notamment en ce qui concerne l’approvisionnement en eau, l’électricité et les infrastructures portuaires.
Gavin Glover a aussi évoqué le souhait du gouvernement mauricien d’effectuer une visite officielle à Diego Garcia. «Vu l’évolution positive de nos relations avec le Royaume-Uni depuis novembre 2024, je ne vois pas d’obstacle à une telle visite. Pour le moment, la priorité est d’examiner les grandes îles de l’archipel et de mener des études techniques.» Enfin, il a précisé que les États-Unis, bien qu’utilisateurs de la base militaire de Diego Garcia, ne sont pas directement concernés par cet accord bilatéral. «Pour l’instant, les Américains ne jouent aucun rôle dans cet accord.»
Débat houleux à la Chambre Haute : «Un deal honteux», «une trahison des intérêts britanniques»
Deux motions distinctes ont été présentées contre la ratification de l’accord sur les Chagos à la Chambre des lords, le lundi 30 juin : l’une par lord Callanan (conservateur), l’autre par lord Purvis of Tweed (libéral démocrate), chacune soulevant des interrogations majeures sur les implications stratégiques, juridiques, financières et humaines du traité. Lors du vote sur la motion présentée par lord Callanan, 185 membres ont voté en faveur (content), tandis que 205 se sont prononcés contre (not content).
Lord Callanan n’a pas mâché ses mots. Il a décrit l’accord comme un «acte stupéfiant d’auto-sabotage national». Selon lui, il s’agit ni plus ni moins que d’une reddition stratégique, par laquelle le Royaume-Uni renonce à la souveraineté sur un territoire stratégique qu’il contrôle depuis plus de deux siècles, tout en finançant ce transfert par une somme colossale estimée à 30 milliards de livres sterling. Il a dénoncé le manque de débat au sein de la Chambre des communes, jugeant inacceptable qu’un traité d’une telle importance n’ait pas été soumis à un vote substantiel. «Si cet accord est si bon, pourquoi le gouvernement a-t-il peur d’en discuter ?», s’est-il interrogé. Selon lui, la véritable motivation du gouvernement ne relève ni d’un impératif juridique ni d’un calcul stratégique, mais d’un «désir idéologique de plaire aux activistes du droit international» et de signaler une vertu sur la scène mondiale au détriment de l’intérêt national.
Lord Purvis : «La suite de la politique du précédent gouvernement»
Face à cette attaque, lord Purvis of Tweed a répliqué avec méthode. Il a rappelé que les négociations sur la souveraineté des Chagos avaient été initiées en 2022 par le précédent gouvernement conservateur, alors dirigé par Liz Truss, et sous la houlette du ministre aux Affaires étrangères, James Cleverly. L’intention de transférer la souveraineté à Maurice, tout en assurant la protection des intérêts de défense britanniques et américains à Diego Garcia, était donc déjà entérinée sur le plan politique. Il a souligné que la décision répondait aux conclusions de l’avis consultatif de la Cour internationale de justice de 2019, qui avait estimé que la décolonisation de Maurice n’avait pas été menée conformément au droit international en raison de la séparation de l’archipel des Chagos. Le Royaume-Uni faisait face à une pression croissante de la part d’instances internationales, notamment des Nations unies, pour se conformer à cet avis.
Des garanties pour la base militaire ?
Pour les défenseurs de l’accord, notamment lord Goldsmith, président du comité des accords internationaux, le traité assure la continuité des opérations britanniques et américaines sur la base de Diego Garcia. Rien, selon lui, ne change fondamentalement dans l’utilisation de l’île à des fins militaires pendant la durée du bail de 99 ans. Cette position est renforcée par le soutien explicite du gouvernement américain à l’accord. Toutefois, des figures conservatrices comme la baronne Goldie et lord Ahmad of Wimbledon ont exprimé des doutes sur les clauses du traité qui exigent que le Royaume-Uni informe Maurice en cas d’attaque militaire ou d’utilisation du territoire par des alliés non britanniques ou non américains. Ils craignent que cela entrave la réactivité du Royaume-Uni lors de crises internationales.
Coût faramineux
Le coût financier du traité a également suscité l’indignation. Bien que le chiffre exact reste flou, les estimations oscillent entre 3,4 et 30 milliards de livres selon les intervenants. Une part importante de cette somme financera un fonds de développement pour Maurice ainsi qu’un fonds en faveur de la communauté chagossienne. Mais les modalités d’administration, de contrôle et d’audit de ces fonds demeurent vagues. Plusieurs pairs ont jugé cette dépense incompréhensible dans un contexte budgétaire tendu. «Le gouvernement dit ne pas avoir assez d’argent pour les retraites ou les hôpitaux, mais trouve des milliards pour céder un territoire stratégique», a lancé lord Callanan avec virulence.
Les grands absents : les chagossiens
Tous les intervenants s’accordent sur un point : les Chagossiens, population autochtone expulsée de force entre 1967 et 1973, n’ont pas été suffisamment consultés. L’accord mentionne simplement que Maurice «pourra» organiser une réinstallation, à l’exclusion de Diego Garcia, sans garantir ce droit. Aucun mécanisme formel de consultation des Chagossiens n’est prévu. Lord Grocott et lord Alderdice ont insisté pour qu’au minimum, une partie des Chagossiens puisse être employée sur la base ou bénéficier d’un programme de réinstallation sur d’autres îles de l’archipel. L’absence de représentation des Chagossiens dans les négociations est perçue comme une erreur politique et morale majeure.
Protéger l’environnement marin ou exploiter les ressources ?
Autre sujet de discorde : la préservation de la zone marine protégée de 640 000 km² autour des Chagos. Alors que l’accord affirme une volonté commune de la préserver, plusieurs intervenants ont exprimé leurs craintes quant à la capacité de Maurice à maintenir un niveau de protection équivalent à celui du RoyaumeUni. Une déclaration du ministre mauricien de la Pêche, évoquant l’éventualité d’accorder des permis de pêche dans la zone, alimente les inquiétudes.
Entre devoir moral et impératif stratégique
En toile de fond, un clivage profond est apparu entre ceux qui considèrent l’accord comme la correction nécessaire d’une injustice historique – une manière de respecter le droit international et de réparer les torts infligés à une communauté déplacée – et ceux qui y voient une menace à la souveraineté britannique et à la sécurité de ses alliés. Les comités parlementaires ont souligné que ne pas ratifier le traité pourrait conduire Maurice à obtenir un jugement contraignant devant une juridiction internationale, compromettant potentiellement l’accès futur à la base. Pour certains, comme lord Hannay of Chiswick, respecter les règles de l’ordre international est une question de cohérence et de crédibilité diplomatique.
N.M.
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