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Promesses électorales: Une légèreté coupable face à la réalité ?

5 décembre 2024, 11:54

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Il est si facile de promettre, surtout lorsque l’on cherche à séduire un million d’électeurs. En pleine campagne électorale, tout semble possible. Un 14ᵉ mois de salaire ? Bien sûr! Une baisse immédiate du prix des carburants? Certainement! Pourquoi se restreindre, quand les mots, ces outils légers, ne coûtent rien ? Pourtant, une fois les urnes refermées et le pouvoir en main, la réalité s’impose, brutale et implacable. Derrière les discours flamboyants, il y a les finances publiques, les lois, les résistances et l’urgence. Promettre sans savoir, c’est s’aventurer les yeux fermés sur un terrain miné, et c’est précisément ce qu’a fait le gouvernement nouvellement élu.

Lors de la dernière campagne, les deux principaux camps politiques se sont livrés à une escalade des promesses. Quand l’un annonçait un 14ᵉ mois pour tous les travailleurs, l’autre renchérissait avec des mesures encore plus ambitieuses. Les discours se succédaient, enflammaient les foules, mais reposaient sur une base fragile : une ignorance volontaire de la situation économique réelle. «C’est nous qui allons payer!», claironnaient-ils, oubliant que ce «nous» inclut les contribuables, les entreprises déjà fragiles, et les finances publiques déjà sous tension.

Et maintenant? La promesse du 14ᵉ mois, si chère aux électeurs, reste suspendue, prisonnière de complications juridiques et économiques. Pour que cette mesure devienne réalité, il faudrait amender la Workers’ Rights Act de 2019. Actuellement, les employeurs sont tenus de verser un bonus de fin d’année équivalent à un douzième du salaire annuel. Introduire un 14ᵉ mois nécessite une modification législative complexe, mais surtout une volonté politique d’aller au-delà des paroles.

L’histoire récente offre des exemples édifiants des difficultés qu’implique la mise en œuvre de promesses non réfléchies. Lors de la tentative d’instauration de la relativité salariale en août, des erreurs dans les réglementations et des retards dans leur publication avaient conduit à une confusion généralisée. Certaines entreprises avaient refusé de se conformer, invoquant des incohérences. Business Mauritius, représentant le secteur privé, a même engagé une action judiciaire pour contester la légalité des régulations.

La leçon ? Promettre, c’est facile. Concrétiser, c’est autre chose. Chaque mesure doit être minutieusement préparée, encadrée par la loi, et soutenue par des moyens financiers clairs. Le 14ᵉ mois, tant promis, risque de devenir un nouveau chapitre de désillusion, à moins que le gouvernement ne fasse preuve de rigueur et de transparence.

• L’illusion du «prix magique»

Une autre promesse emblématique illustre cette déconnexion entre discours et réalité : la baisse du prix des carburants. Annoncée avec tambours et trompettes par le nouveau ministre du Commerce, Michael Sik Yuen, cette mesure devait entrer en vigueur «d’ici samedi». Mais une semaine plus tard, rien n’avait changé. Pire, des pénuries artificielles ont émergé dans plusieurs régions du pays, les propriétaires de stations-service hésitant à acheter des carburants à un prix élevé, craignant de devoir les vendre à perte après une éventuelle baisse.

La confusion était palpable : des automobilistes à bout de nerfs, des files interminables, des stations-essence fermées, et un gouvernement pris au piège de ses propres promesses. Le ministre a tenté de rassurer, évoquant des stocks suffisants pour 41 jours et l’arrivée prochaine d’un nouveau pétrolier. Mais le mal était fait. Derrière les discours optimistes, il y avait une absence de planification, une méconnaissance des dynamiques du marché, et une incapacité à anticiper les réactions des acteurs économiques.

Les conséquences de ces promesses non tenues vont bien au-delà des aspects économiques. Elles érodent la confiance, fragilisent le lien entre les électeurs et leurs dirigeants, et affectent ce qu’on appelle le «Feel Good Factor». Beaucoup, séduits par les discours des politiciens, avaient déjà anticipé ces mesures dans leur budget personnel. Des dépenses effectuées à crédit, des attentes gonflées par l’illusion d’un changement immédiat: autant d’espoirs aujourd’hui trahis ?

Cette situation rappelle une vérité essentielle : les promesses électorales ne sont pas des paroles en l’air. Elles créent des attentes, façonnent des comportements, et influencent des décisions. Les trahir, c’est trahir la confiance même sur laquelle repose le contrat démocratique.

Ce constat appelle à une réflexion plus large sur la manière dont les campagnes électorales sont menées. Les promesses doivent être réalistes, basées sur des données concrètes et des analyses approfondies. Les électeurs, eux aussi, ont un rôle à jouer: celui d’exiger des comptes, de poser des questions, et de refuser les discours simplistes. Car la démocratie, pour être vivante, doit être exigeante.

Aujourd’hui, alors que le gouvernement tente de rattraper ses erreurs, il lui reste une opportunité : celle de prouver qu’il est capable d’agir avec sérieux, de reconnaître ses failles, et de rétablir la confiance. Cela passera par une meilleure communication, une transparence totale sur l’état des finances publiques, et un engagement ferme à respecter les règles du jeu démocratique.

En fin de compte, promettre est facile. Mais gouverner, c’est affronter le réel, avec toutes ses contraintes, ses incertitudes, et ses défis.