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Collectivités locales

Les municipalités croulent sous les dettes

19 avril 2025, 20:13

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Les municipalités croulent sous les dettes

Alors que les élections municipales se profilent après une décennie de silence électoral, plusieurs conseils municipaux affichent des finances dans le rouge. Endettement croissant, caisses de retraite déficitaires, dépenses incontrôlées, la situation financière préoccupante.

Les municipalités sont des acteurs clés dans la gestion des services publics, des infrastructures et du développement local. Malgré le cadre légal strict imposé par la Local Government Act de 2011, certaines autorités locales sont prises dans une spirale d’endettement difficile à enrayer. Cette loi prévoit pourtant deux garde-fous importants. Premièrement, les emprunts ne doivent pas dépasser deux fois les recettes de l’année précédente. Deuxièmement, les charges d’emprunt – soit le remboursement du capital et des intérêts – ne doivent pas dépasser 20 % des revenus annuels. Ces mesures visent à garantir la stabilité financière et à prévenir les dérives fiscales. Mais dans la réalité, ces balises sont parfois insuffisantes pour empêcher les déficits de s’accumuler.

La municipalité de Quatre-Bornes est l’un des exemples les plus révélateurs. Interpellé à ce sujet à l’Assemblée nationale mardi dernier par la députée Stéphanie Anquetil, le ministre des Collectivités locales, Ranjiv Woochit, a levé le voile sur les chiffres. «The deficit situation of the Municipal Council of Quatre-Bornes is a reflection of what is happening in other local authorities also», a-t-il déclaré.

Selon les données disponibles, les dépenses revues pour le conseil municipal de Quatre- Bornes atteignent Rs 543,4 millions pour l’exercice 2024-2025, alors que les revenus prévisionnels ne suivent pas. Le déficit anticipé serait de Rs 89 millions. La subvention du ministère des Finances s’élève à Rs 344 millions, à laquelle s’ajoutent Rs 110 millions de revenus générés à ce jour. Le total disponible avoisine Rs 454 millions et laisse un trou béant dans les finances locales. Le ministre a également mentionné que des gains d’efficience de l’ordre de Rs 44,2 millions étaient escomptés, mais ne se sont jamais concrétisés.

La capitale n’est pas en reste. À Port-Louis, les dettes en fin d’année financière 2024/2025 sont estimées à environ Rs 200 millions. En juin 2023, les revenus du conseil municipal atteignaient Rs 89 millions, bien loin des Rs 120 millions nécessaires au bon fonctionnement de ses services. Une dette importante – Rs 21 millions – est notamment due à la société Victoria Station Ltd, opérateur du Victoria Urban Terminal. Le faible taux d’occupation des étals mis à disposition des anciens marchands ambulants a sérieusement compromis les rentrées prévues. Pour combler ce manque à gagner, une subvention spéciale aurait été accordée par le ministère concerné.

La municipalité de Beau-Bassin/Rose-Hill prévoit des dettes de Rs 38 millions. Son rapport annuel 2022–2023 fait état de revenus totaux de Rs 729,9 millions, pour des dépenses de Rs 643,8 millions. Bien que l’équilibre paraisse possible sur le papier, la réalité budgétaire demeure fragile. À Vacoas/Phoenix, les dettes s’élèveraient à Rs 130 millions, tandis qu’à Curepipe, elles dépasseraient les Rs 100 millions. Selon un Chief Executive d’un des conseils municipaux, une des causes de cet endettement réside dans le recrutement massif au sein des collectivités, ce qui alourdit considérablement la masse salariale. À cela s’ajoute le dépassement de certains budgets de projets d’infrastructure, aux coûts plus élevés que prévu.

Les fonds de pension aussi en péril

À cette situation financière préoccupante s’ajoute une autre menace, silencieuse mais lourde de conséquences : les déficits croissants des fonds de pension municipaux. Le dernier rapport de l’Audit, daté du 30 juin 2023, met en lumière une réalité inquiétante. Les cinq municipalités du pays affichent toutes des caisses de retraite dans le rouge – des chiffres qui ne cessent de grimper année après année.

La capitale, Port-Louis, enregistre le déficit le plus important. De Rs 1,7 milliard en juin 2021, le trou dans les caisses de pension a atteint Rs 2,1 milliards au 30 juin 2023. Une tendance qui se répète dans les autres villes du pays.

À Curepipe, le déficit est passé de Rs 947 millions à Rs 1,1 milliard sur la même période. À Vacoas/Phoenix, il a bondi de Rs 933 millions à Rs 1,2 milliard. Du côté de Beau-Bassin/Rose-Hill, la situation n’est guère meilleure : le déficit est passé de Rs 881 millions en 2021 à Rs 1,1 milliard en 2023.

Quatre-Bornes, bien qu’affichant un déficit moindre en comparaison, n’échappe pas à cette spirale. De Rs 689 millions en 2021, le manque à gagner a grimpé à Rs 900 millions en l’espace de deux ans.

Cette accumulation de déficits pose la question de la viabilité à long terme de ces fonds de pension, censés garantir la sécurité financière des employés municipaux à la retraite. Dans un contexte où les municipalités peinent déjà à équilibrer leurs budgets, le financement futur des retraites apparaît de plus en plus incertain.