Publicité
Accord avec le Royaume-Uni
Les Chagossiens fuient Maurice dans l’angoisse d’un avenir sans repères
Par
Partager cet article
Accord avec le Royaume-Uni
Les Chagossiens fuient Maurice dans l’angoisse d’un avenir sans repères

Bagages à la main et le cœur lourd, des familles chagossiennes quittent précipitamment Maurice pour tenter de reconstruire leur vie en Angleterre avant que ne soit signé l’accord de souveraineté entre le Royaume-Uni et Maurice. Face à ce qu’ils considèrent comme un second abandon, ils réclament justice, reconnaissance et un véritable accompagnement.
Alors que le Royaume-Uni s’apprête à finaliser un accord controversé de transfert de souveraineté des Chagos à Maurice, un véritable exode chagossien se joue dans l’ombre. Inquiètes pour leur avenir, craignant d’être une fois de plus mis de côté, de nombreuses familles quittent précipitamment Maurice pour tenter de reconstruire leur vie au Royaume-Uni dans l’espoir d’y trouver enfin sécurité, dignité et reconnaissance. La semaine dernière, plusieurs familles ont embarqué pour l’Angleterre avec, dans leurs valises, quelques effets personnels… et dans leur cœur, l’espoir d’un avenir meilleur. Couples avec enfants, jeunes célibataires ou familles entières ont atterri à Heathrow. Certains ont été hébergés dans des hôtels, d’autres, notamment ceux sans enfants, ont trouvé temporairement refuge chez des proches ou connaissances.
Mais cette vague migratoire n’est pas sans répercussions. L’Hillingdon Council, autorité locale où se situe l’aéroport d’Heathrow, a tiré la sonnette d’alarme. Dans un entretien au journal The Standard, il a alerté sur la hausse du nombre de Chagossiens arrivant sans solution de logement. Entre juillet 2024 et mi-février 2025, 171 personnes – issues de 51 foyers et majoritairement avec enfants – se sont présentées aux services sociaux pour obtenir de l’aide. Le coût pour le Council est estimé à plus de 1,2 million de livres sterling d’ici la fin de l’année, alors même qu’il doit absorber une coupe budgétaire de 34 millions. «Heathrow fait de nous une autorité portuaire majeure, ce qui engendre des défis croissants. Nous comprenons que ces personnes sont des citoyens britanniques, mais le gouvernement doit intervenir», a déclaré Steve Tuckwell, responsable du logement, dans The Standard.
Face à ce manque de préparation institutionnelle, le collectif British Indian Ocean Territory (BIOT) Citizens, mené par Misley Mandarin, tente de combler les failles. Présents à l’aéroport pour accueillir les nouveaux arrivants, les membres du groupe offrent écoute, et accompagnement moral et administratif. Un système de counselling a été mis en place et des démarches sont menées auprès des Councils locaux pour permettre aux Chagossiens de s’intégrer dignement. «Nou fer tou seki nou kapav pou zot sorti latet dan delo», confie un membre du collectif.
Mais au-delà de ces départs, c’est une profonde amertume qui s’exprime. De nombreux Chagossiens dénoncent le deal entre le Royaume-Uni et Maurice, qu’ils estiment être conclu sans leur consultation ni prise en compte de leur histoire. «Mo pa konsider mwa kouma enn Morisienn. Mo enn Sagosienn avek fierte. Mo bann zanset ti pe viv bien lor zot zil avan zot finn deporte. Zot pa finn dimann sa. Aster, zot donn nou enn paspor britanik, me nou bizin mem drwa kouma bann lezot sitwayen. Leta britanik ena enn det anver nou. Larzan loyer Diego Garcia bizin servi pou reloz Sagosian UK», confie une femme nouvellement installée à Londres.
Un autre Chagossien, qui a quitté Maurice il y a un an, raconte son parcours : «Kan mo trouv komanter bann Morisien, sa degout mwa. Zot kritik bann Sagosien san konn listwar. Se gras a nou ki Moris finn gagn so lindepandans. Mo ti ariv isi san fami, zot ti met mwa homeless. BIOT Citizens inn ed mwa, mo finn gagn mo alokasion, mo finn swiv bann kour, aster mo ena enn travay stab ek enn ti stidio. Mo lavi trankil. Mo’nn kapav mem vwayaz dan lezot pei dan Lerop.»
Programme de naturalisation gratuite
Pour Sharon V., qui compte les jours avant de prendre l’avion, le malaise est profond : «Se bann Sagosien ki’nn konn soufrans, ki fer pa servi sa larzan-la pou amelior nou lavi? Pou fer lindepandans-la, pou lepep Sagosien, se enn zour de dey. Pou mwa ti bizin pa al de lavan ek sa deal-la, ek servi larzan-la pou ed lafami sagosienn.» Elle remercie aussi les membres du groupe BIOT Citizens qui milite pour la cause chagossienne. Grâce à son travail, beaucoup de Chagossiens ont maintenant un toit.
En novembre 2022, le gouvernement britannique avait lancé un programme de naturalisation gratuite pour les personnes nées sur les Chagos et leurs descendants. Mais sans plan structuré de relogement, les arrivées se succèdent dans la précarité, exacerbant les tensions locales. Le passeport britannique, seul, ne suffit pas à panser les blessures d’un peuple déraciné. Les Chagossiens réclament plus : réparation, justice, dignité. Et l’exode se poursuit. De nombreuses autres familles se préparent à quitter Maurice dans les jours à venir, convaincues que ce départ est leur ultime recours avant que le sort des Chagos ne se joue définitivement, sans elles. Londres reste la destination principale, mais certaines optent aussi pour d’autres villes britanniques, selon les possibilités d’accueil.
Quant à Misley Mandarin, il rappelle que ce peuple est sans foyer depuis trop longtemps: «We are a people without a country. This is very important. C’est maintenant qu’ils comprennent que ce n’est pas logique que nous ayons une maison à Maurice alors que Maurice n’est pas notre pays. Notre pays, c’est les Chagos.» Il questionne également la transparence sur les fonds alloués par le Home Office : «Mo ti tande ki ti ena enn som Rs 18 milion ki ti met a dispozision bann local authorities ek council pou ed bann Sagosien. Kot sa larzan-la? Dan ki bann proze sa finn ale? Si Hollingdon Council dir li cash trapped, nou ena drwa kone kot sa larzan-la finn pase.»
Publicité
Les plus récents




