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L’économie face au mensonge et à la réalité
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L’économie face au mensonge et à la réalité
«Enfin les ennuis commencent», déclarait François Mitterrand en 1981 à l’annonce de sa victoire présidentielle. Ces mots, empreints d’une lucidité rare, résonnent aujourd’hui dans les salles de pouvoir, à Paris comme à Port-Louis, où deux nations confrontent des réalités économiques implacables.
Les chiffres ne mentent pas, dit-on : les caisses sont vides, les engagements électoraux se heurtent aux limites budgétaires, et les illusions d’une prospérité ou boom factice s’effondrent sous le poids des audits et des révisions statistiques.
En France, François Bayrou, fraîchement nommé Premier ministre, fait face à une tâche herculéenne : composer avec un déficit budgétaire de 6,1 % du PIB, une Assemblée nationale paralysée et une agence Moody’s qui a déjà abaissé la note du pays. À Maurice, Navin Ramgoolam, confronté à des caisses exsangues et des attentes populaires démesurées, peine à honorer sa promesse d’un 14ᵉ mois pour tous payable en une seule tranche en cette fin d’année. Ce dernier a dû se limiter à une aide partielle, en deux tranches, réservée aux revenus plafonnés à Rs 50 000 ; «cut-off» (choix politique difficile) laisse nombre de citoyens désabusés, surtout ceux issus des classes dites moyennes, dont certains auraient déjà consenti à des dépenses sur la base des promesses répétées.
Certes, le rapport The State of the Economy révèle un maquillage systématique des chiffres de croissance par le précédent gouvernement, transformant une économie vacillante en une illusion de «boom économique». Les révisions du PIB de 2023 et 2024 sont vertigineuses : une contraction nominale de Rs 36 milliards qui laisse peu de marge de manœuvre au nouvel exécutif.
Loin d’être une nouveauté, l’instrumentalisation des données économiques pour des gains politiques est une pratique rodée. De Joseph Goebbels à la propagande numérique actuelle, les méthodes varient, mais l’objectif reste le même : transformer des contre-vérités en faits acceptés. Maurice, à son échelle, n’échappe pas à ce phénomène.
Mais les chiffres ont leur propre vérité. Ils résistent, parfois tardivement, aux manipulations. Les agences de notation, les institutions internationales et les auditeurs indépendants sont autant de garde-fous, révélant les dérapages et forçant les gouvernements à affronter la réalité.
Ces crises posent une question fondamentale : l’économie doit-elle être dirigée par des politiciens, souvent prisonniers de leurs ambitions électorales, ou par des technocrates, garants d’une rationalité pure mais parfois déconnectée des réalités sociales ? En France, Bayrou incarne un choix intermédiaire, tentant de bâtir des ponts entre les blocs politiques antagonistes, sans toutefois garantir une issue durable. À Maurice, Paul Bérenger propose des mécanismes comme une Fiscal Responsibility Act et une commission budgétaire indépendante, inspirés des modèles internationaux, pour encadrer les dérapages futurs.
Cependant, aucune structure institutionnelle ne peut suppléer le manque de vision ou de courage politique. Les gouvernements, qu’ils soient composés de politiciens ou de technocrates, ne peuvent se contenter de mesures palliatives. Ils doivent engager des réformes structurelles profondes : 1) réduction des dépenses utiles ou inutiles (en montrant l’exemple à la population, comme tente de le faire Alain Gordon-Gentil à la MBC et qui a exigé que son salaire soit réduit de 10 %), 2) augmentation de la productivité nationale, et surtout, 3) restauration de la confiance publique (ce qui prendra un peu plus de temps après le 14ᵉ mois qui est retombé comme un soufflé mal calculé).
Dans un contexte où la vérité et le pouvoir empruntent souvent des chemins divergents, il appartient aux citoyens et aux leaders éclairés de tracer une voie commune. La démocratie repose sur la transparence et la responsabilité, non sur des mythes savamment entretenus. Une alternance claire et assumée est essentielle pour sortir du cycle des désillusions et des extrêmes.
L’heure est donc venue pour les nouveaux gouvernants, à Paris comme à Port-Louis, de dépasser les clivages et de réconcilier économie et éthique. Car ce n’est qu’en affrontant la réalité des chiffres que les dirigeants pourront offrir aux générations futures un avenir libéré des entraves de la dette et des faux-semblants.
***
François Mitterrand, en son temps, comprenait que le véritable défi du pouvoir réside dans la capacité à concilier attentes populaires et contraintes économiques. Aujourd’hui, cette leçon demeure d’actualité. L’enjeu pour Bayrou et Ramgoolam n’est pas seulement de gérer une crise, mais de transformer un moment d’adversité en une opportunité pour rebâtir un contrat social fondé sur la vérité, l’équité et la durabilité.
L’économie, trop souvent otage des ambitions personnelles, doit redevenir un bien commun, guidé par des principes universels et une vision collective. Car, comme le montre l’histoire, ce n’est qu’en regardant en face le «trou noir» des finances publiques que l’on peut espérer en sortir. En attendant, il serait grand temps que les agences internationales comme le FMI, la Banque mondiale et l’OCDE, ainsi que le MSM et ses alliés, qui avaient un (tout) autre récit économique, sortent de leur mutisme pour expliquer et apporter d’autres perspectives, s’il y en a, au discours politique actuel (et dominant)...
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