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Private Notice Question

Le ministre Assirvaden justifie le projet «powership» face à la crise énergétique

25 juin 2025, 09:00

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Le ministre Assirvaden justifie le projet «powership» face à la crise énergétique

Maurice fait face à une urgence énergétique. Le ministre de l’Énergie, Patrick Assirvaden, a longuement répondu hier à la Private Notice Question du leader de l’opposition, Joe Lesjongard, sur son déplacement officiel en Turquie et les discussions autour de la possible location d’un navire-énergie (powership). Entre urgence, héritage jugé chaotique et projet controversé, les débats ont mis en lumière les défis majeurs auxquels fait face notre secteur énergétique.

La visite officielle du ministre de l’Énergie, Patrick Assirvaden, en Turquie, du 21 au 23 avril 2025, a suscité de nombreuses interrogations au sein de la classe politique. Le leader de l’opposition dans sa Private Notice Question (PNQ) voulait savoir si cette mission était liée à des négociations pour la location d’un powership pour pallier la crise énergétique actuelle. Le ministre a confirmé avoir rencontré le ministre turc de l’Énergie et des Ressources naturelles ainsi que le viceministre des Transports et des Infrastructures. Il a reconnu que ces échanges portaient sur la technologie de barges électriques, expertise où la Turquie «fait aujourd’hui figure de référence mondiale».

Ce déplacement visait, dit le ministre, à explorer une solution technologique que Maurice ne maîtrise pas et à répondre à une situation jugée critique. Interpellé sur les dépenses de mission, Patrick Assirvaden a indiqué que le coût total s’élève à Rs 695 000. Somme qui couvre les frais de voyage et de séjour du ministre et du président du Central Electricity Board (CEB), qui l’accompagnait. Il a soutenu qu’il lui fallait se rendre sur place pour évaluer directement les options disponibles, avant d’engager le pays dans un projet stratégique à fort impact économique et environnemental.

🔴 Une situation jugée alarmante

Le ministre a dressé un tableau inquiétant de la situation énergétique du pays. Il a expliqué que depuis sa prise de fonction en novembre 2024, il a constaté un vieillissement avancé des centrales, une absence d’augmentation des capacités de production et une demande en forte croissance. Il a dénoncé «une faillite énergétique» causée par l’inaction du gouvernement précédent. «Durant l’été 2024-2025, nous avons atteint une demande de pointe de 567,9 MW, contre une prévision de 544 MW. Le 25 avril, nous avons évité de justesse un black-out grâce à la contribution des hôtels privés, qui se sont temporairement déconnectés du réseau», a précisé Patrick Assirvaden.

Il a aussi mentionné un déficit ponctuel de production de 167 MW à cause de la panne simultanée de plusieurs unités majeures. Le CEB, en difficulté financière avec un découvert de Rs 7 milliards, se retrouve dans l’incapacité d’honorer 87 MW de demandes de promoteurs pour de nouveaux projets.

🔴 Solution urgente conforme à l’environnement

Pour répondre à cette crise, le ministre a affirmé que le Conseil des ministres a approuvé l’utilisation en urgence d’un navire-énergie (powership), capable de produire entre 90 et 110 MW. Un appel d’offres international a été lancé le 18 juin, avec une date de clôture fixée au 15 août 2025. Cette barge devrait alimenter le réseau jusqu’à la mise en service de nouvelles capacités. Le ministre a insisté : «Nous ne faisons pas cela par plaisir. C’est une mesure de survie énergétique.»

Face aux critiques sur l’impact environnemental d’une telle installation flottante, avec l’utilisation de heavy fuel oil, Patrick Assirvaden a rappelé que le projet sera soumis à une étude d’impact stratégique (EIA) et que toute entreprise retenue devra se conformer aux normes environnementales internationales sur la teneur en soufre du carburant. Il a rejeté les accusations selon lesquelles le projet aggraverait la pollution dans la région de Port-Louis. «Le promoteur retenu devra prouver sa conformité environnementale. Nous n’allons rien faire qui mette notre environnement en danger.»

🔴 Le ministre contre-attaque l’opposition

La PNQ a donné lieu à de vifs échanges. Patrick Assirvaden n’a pas mâché ses mots à l’encontre du leader de l’opposition et ancien ministre de l’Énergie, Joe Lesjongard, qu’il accuse d’avoir laissé le réseau énergétique se détériorer durant ses années aux commandes. «Depuis 2017, aucun nouveau projet énergétique majeur n’a été connecté. La centrale St-Louis, en 2017, était le dernier ajout. Vous avez vendu des rêves avec vos 60 % d’énergies renouvelables d’ici 2030. Résultat : on est à 17,6 %, y compris la bagasse.»

Lorsque l’opposition a évoqué les rapports indiquant que certaines centrales, notamment à Fort-George, pouvaient fonctionner encore dix ans, le ministre a répondu avec fermeté : «Peut-être sur papier, mais dans la réalité, ces machines tombent en panne tous les jours.» Interrogé sur le leasing de cinq ans alors que des projets d’énergies renouvelables sont censés démarrer d’ici 2026, Patrick Assirvaden a précisé qu’une clause d’exit anticipé est incluse dans le contrat. «Ce leasing est un filet de sécurité, pas une solution à long terme. Mais nous devons éviter les délestages massifs à court terme.»

Le ministre a aussi souligné que l’appel d’offres a été élaboré avec l’aide de la Facilité africaine de soutien juridique, une entité expérimentée dans ce type de contrats, garantissant ainsi un processus transparent et conforme aux meilleures pratiques. Il a terminé en soulignant la gravité de la situation : «Si nous n’ajoutons pas plus de 100 MW sur notre réseau d’ici décembre ou janvier, nous subirons des délestages partiels ou complets. C’est une certitude.» Il a affirmé que le gouvernement était prêt à agir, tout en appelant à un débat national mature et à ne pas politiser l’énergie.

Joe Lesjongard, pour sa part, est resté sceptique. Il a rappelé qu’entre 2019 et 2024, il n’y a eu aucun délestage. Il s’interroge sur la réelle urgence du projet, son coût environnemental et l’absence d’étude d’impact préalable. Il a aussi critiqué le fait que le ministre ne puisse pas nommer les entreprises rencontrées en Turquie spécialisées dans les barges électriques.

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