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Human Rights Watch: les Chagossiens devraient pouvoir aussi profiter de la prospérité de Maurice

6 mai 2023, 06:40

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Human Rights Watch: les Chagossiens devraient pouvoir aussi profiter de la prospérité de Maurice

J’ai entendu parler pour la première fois du Chagos Welfare Fund – le Fonds d’assistance pour les Chagossiens – en interviewant certains d’entre eux à Port-Louis, la capitale de Maurice, en août 2022. Cela a immédiatement suscité mon intérêt, car je n’avais pas réalisé qu’il existait un effort spécifique de soutien aux droits économiques des Chagossiens, dont beaucoup vivent dans une pauvreté abjecte, alors que la prospérité de Maurice est reconnue. Ce pays, qui a atteint le statut d’économie à revenu élevé en 2020, a été régulièrement le mieux classé dans l’indice Ibrahim de la gouvernance en Afrique au cours de la dernière décennie. 

Le 15 février, Human Rights Watch a rendu public un rapport, basé sur des entretiens menés entre novembre 2021 et septembre 2022, avec des Chagossiens vivant à Maurice, au Royaume-Uni et aux Seychelles. Notre rapport conclut notamment qu’un demi-siècle après avoir été déplacés de force vers l’île Maurice par le gouvernement britannique pour permettre aux États-Unis de construire une base militaire sur leur propre île, de nombreux Chagossiens ont souffert et continuent de souffrir de la pauvreté, de la stigmatisation et de la discrimination. 

À leur arrivée, certains résidants mauriciens se sont moqués d’eux, leur disant de retourner aux Chagos en les couvrant d’insultes. Cinquante ans plus tard, certains d’entre eux continuent à être victimes de discrimination et de stigmatisation et, malgré l’existence du Welfare Fund pour les Chagossiens, nombre d’entre eux sont confrontés à un niveau de vie inadéquat. 

J’ai trouvé de nombreux Chagossiens vivant dans des maisons délabrées au toit en tôle, qu’ils fuient lors des précipitations abondantes, dans les quartiers les plus pauvres de l’île Maurice. Ils m’ont confié ne pas gagner un revenu décent et avoir du mal à subvenir aux besoins alimentaires de base de leurs familles. Il est inquiétant de constater que près d’un demi-siècle après la dernière déportation de cette population de ses îles, ils sont encore nombreux à vivre dans de telles conditions. 

Maurice a ratifié le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, qui contraignent son gouvernement à réaliser les droits économiques, sociaux et culturels de tout individu vivant à Maurice, indépendamment de son ethnicité, de sa nationalité, de son lieu de naissance ou de tout autre critère. 

Le gouvernement mauricien a déclaré que les Chagossiens ont les mêmes droits que les autres citoyens du pays, outre les avantages qui leur sont conférés par le Chagos Welfare Fund. La loi relative à ce Fonds stipule que ses objectifs sont, entre autres, de «faire progresser et promouvoir le bien-être des membres de la communauté chagossienne et de leurs descendants à Maurice, et de développer des programmes et des projets en vue de leur intégration totale aux îles de Maurice». 

Dans son rapport périodique de 2021 soumis au Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination raciale, le gouvernement mauricien a déclaré avoir pris, par l’entremise du Chagos Welfare Fund, certaines mesures pour améliorer leur niveau de vie à Maurice. Parmi elles, des bourses d’études, des camps résidentiels et la distribution de produits alimentaires pour les personnes âgées, de la nourriture et des matériaux de construction pour réparer les toits endommagés et pour ceux dont les maisons ont été détruites par le feu, des frais d’obsèques, des examens médicaux annuels gratuits, une aide financière pour ceux qui vont se faire soigner à l’étranger, le transport pour les rendez-vous à l’hôpital et l’amélioration des centres de loisirs des Chagossiens. 

Toutefois, ces mesures ne suffisent pas à atténuer les souffrances de certains Chagossiens. Selon la présidente de Chagos Asylum People, Claudette Pauline Lefade, née à Peros Banhos : «Tous les Chagossiens n’ont pas bénéficié de ces mesures, et beaucoup luttent encore pour survivre financièrement au quotidien. Même si ces interventions existent, elles sont insuffisantes.» 

Le budget du Fonds pour l’année 2022-2023 est d’un montant de sept millions de roupies mauriciennes (environ 155 200 dollars, ou 140 800 euros). Le président du conseil d’administration du Chagos Welfare Fund, Olivier Bancoult, né à Peros Banhos, a déclaré que ce montant est insuffisant pour répondre à tous les besoins des Chagossiens. «Nous avons demandé au gouvernement d’augmenter ce montant, afin que le Fonds puisse atteindre ses objectifs», a-t-il indiqué. «Le montant que nous recevons est insuffisant pour payer les salaires des employés et aider efficacement tous les Chagossiens.» 

Les autorités mauriciennes devraient revoir leur stratégie pour garantir le droit de tous les Chagossiens à un niveau de vie adéquat. Cette stratégie devrait inclure une augmentation budgétaire pour les activités du Fonds. 

Elles devraient également veiller, dans le cadre des négociations en cours avec Londres, à ce que tout accord entre le Royaume- Uni et les États-Unis prévoie des réparations complètes pour le peuple chagossien, en raison du préjudice que ces deux gouvernements lui ont causé, avec une compensation financière versée directement aux Chagossiens eux-mêmes. Les autorités mauriciennes devraient également prendre des mesures en vue de promouvoir le respect et la protection des droits des Chagossiens à Maurice en matière de non-discrimination et de racisme, notamment en mettant en place des mécanismes faciles d’accès pour les plaintes et les enquêtes liées aux abus.