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Musique: Nouvelle reconnaissance de l’héritage de Michel Legris

7 juillet 2021, 10:45

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Musique: Nouvelle reconnaissance de l’héritage de Michel Legris

Écouter les derniers enregistrements de Mo kapitenn. Émouvant, parce que réalisés un an avant sa mort. Poignant parce qu’il avait voulu retrouver l’authenticité de sa musique. Captivant pour sa valeur de patrimoine. Cette pépite – et tant d’autres – ont été mises en ligne le 21 juin, à l’occasion de la Fête de la musique. Cela ne s’est pas passé à Maurice, mais à l’île soeur, grâce aux efforts de la Phonothèque Historique de l’océan Indien (PHOI).

Fanie Précourt, chargée du patrimoine au Pôle Régional des Musiques Actuelles de La Réunion (PRMA) et cheffe du projet PHOI, nous fait vibrer au rythme de cette initiative de longue haleine de préservation de la musique de la zone océan Indien.

Le site de la PHOI n’est pas encore complet, avoue-t-elle. Une petite équipe de trois personnes s’y consacre. Mais derrière ces moyens limités, il y a un vaste réseau qui s’étend dans huit îles. Avec un partenariat avec une institution de chacune des îles. À Maurice, le collaborateur n’est autre que le conservatoire national de musique François Mitterand. Alors qu’à Rodrigues, la commission Arts et culture sert d’interface.

D’emblée, Fanie Précourt, jointe au téléphone à la Réunion, précise que la vocation de la PHOI n’est pas d’acheter des documents. «Ce qui nous intéresse c’est de créer nous-mêmes des archives en allant à la rencontre de musiciens pour les enregistrer. De préférence des musiciens âgés. Chacun des partenaires du projet a une mission spécifique, voilà pourquoi le but n’est pas de faire des acquisitions.» Fanie Précourt poursuit : «Nous préférons nous appuyer sur les populations en les invitant à partager des enregistrements. Si elles ne peuvent pas numériser les enregistrements, la PHOI s’en charge. Ensuite nous restituons les enregistrements. Notre principe n’est pas de dépouiller les gens.» Les propriétaires peuvent alors télécharger les œuvres – en se créant un compte au préalable – sur la plateforme de la PHOI. Dans chaque île, l’institution partenaire est disposée à traiter les documents : photos et sons. La cheffe de projet répète, «nous ne voulons pas de marchandage de l’art, ni faire monter les enchères».

Parmi les pépites de la PHOI, il y a les derniers enregistrements de Michel Legris. Fanie Précourt revient sur les conditions de leur réalisation. Il s’agit d’une collaboration avec le conservatoire Francois Mitterand. Avant de gérer la PHOI, Fanie Précourt s’occupait du label Takamba. Il a sorti un album avec Marclaine Antoine, Fanfan et Louis L’Intelligent. «Je suis restée en lien avec Michel Legris. Je suis sur le terrain depuis l’an 2000. Comme Michel Legris connaissait le travail de Takamba, c’est lui qui a demandé qu’on l’enregistre. Il disait qu’il en avait marre de faire de la musique commerciale. Il voulait faire ses morceaux sans les arrangements contemporains et retrouver l’authenticité.» Elle garde le souvenir de l’enregistrement d’un «séga lakour», un an avant la disparition du ségatier. Une soirée où il a joué, accompagné de ses enfants. Durant ce moment privilégié, le ségatier et fabricant de ravanne a aussi été filmé donnant des explications sur ses techniques de fabrication de l’instrument. Le but était d’en faire un livre-disque comme dans le cas de Marclaine Antoine. Mais le projet n’avait pas abouti à la suite de changements de direction à la PRMA. «Tout le monde disait que ça ne sert plus à rien de faire des disques.» Si l’édition papier n’est «jamais sortie», comme ces archives tiennent «vraiment à cœur» à Fanie Précourt, elles vont avoir une nouvelle vie. «Nous avons une vingtaine de titres de Michel Legris. Je dois reprendre contact avec la famille pour des demandes d’autorisation.»

Phonothèque, Quésaco ?

«Nous avons hésité entre phonothèque et sonothèque», confie Fanie Précourt. La différence ? «La phonothèque parle des supports commercialisés alors que la sonothèque englobe à la fois les produits, les ‘paysages sonores’ ou encore des entretiens inédits avec des artistes.»

Financement européen

La phonothèque a été rendue possible grâce à un financement de l’Union européenne sur deux ans. «Nous arrivons au terme de cette période. Un nouveau dossier sera présenté.» Il servira à continuer le traitement des documents et à des actions pédagogiques. Comme des «résidences d’artistes et des ateliers avec des gramoun dans les écoles de musique».

La Genèse

D’où vient l’idée de la PHOI ? Fanie Précourt est chargée du patrimoine depuis 20 ans au PRMA. «Quand j’allais sur le terrain pour enregistrer pour le label Takamba, je me rendais compte que je ne pouvais pas valoriser l’ensemble de tout ce qui avait été collecté alors qu’on passait parfois une semaine avec l’artiste.» Sur le terrain toujours, la chargée de patrimoine dit avoir vu, «l’urgence de recenser les enregistrements parce que ce sont des supports qui vont se perdre. Si on veut remonter l’histoire de la musique dans la zone, il faut un inventaire de tout ce qui est paru».

Lors de discussions avec le conservatoire Francois Mitterand, elle apprend par exemple l’existence d’un fonds de partition. À partir de 2015, des liens collaboratifs sont tissés avec des institutions et des personnes ressources pour savoir où sont les documents. «Le rôle du partenaire est de faire un travail de terrain et de sensibiliser les gens au besoin de préservation.»

Racines communes

Fanie Précourt rappelle que ce qui fait vibrer la zone, ce sont des origines communes. «Surtout dans les Mascareignes, on a les mêmes flux migratoires, les mêmes influences.» Le défi étant d’observer les différentes évolutions à partir d’une même base.