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Sateeaved Seebaluck: «Le secteur privé est atteint d’une maladie chronique»

17 octobre 2016, 21:00

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Sateeaved Seebaluck: «Le secteur privé est atteint d’une maladie chronique»

Il a pris sa retraite comme secrétaire au cabinet et chef de la fonction publique le 14 septembre. Sateeaved Seebaluck occupe désormais le poste de Special Adviser au Prime Minister’s Office. Chagos, Metro Express ou encore la Vision 2030… Autant de dossiers sur lesquels il est à présent appelé à travailler.

Vous avez pris votre retraite mais vous revoilà à l’hôtel du gouvernement. Expliquez-nous…

J’ai effectivement pris ma retraite comme secrétaire au cabinet et chef de la fonction publique. Avant que je me retire, le Premier ministre m’a proposé de rester une année encore pour m’occuper de dossiers spécifiques. Parmi ceux-là, le dossier des Chagos qui est compliqué. Étant donné que j’ai travaillé dessus, le Premier ministre a suggéré que je reste encore un peu en attendant que mon successeur (NdlR, il s’agit de Nayen Koomar Ballah) prenne les rênes.

Donc ce n’était pas votre choix de rester ?

Je suis resté à la demande du Premier ministre.

Vous faites partie de ces anciens hauts fonctionnaires qui sont toujours en poste. Quand laisserez-vous la place aux jeunes ?

Écoutez, dans mon cas c’est clair, je suis dans une phase de transition. Je pense que c’est une bonne chose de pouvoir rester encore un peu de temps pour pouvoir travailler sur mes dossiers et passer la main convenablement à mon successeur. Les gens d’expérience ont toujours quelque chose à apporter.

Là, il s’agit d’un contrat d’un an, c’est au Premier ministre de décider s’il souhaite le renouveler ou pas, dépendant du besoin ou pas de mes compétences. Et puis, vous savez, il faut savoir quand se retirer pour se reposer…

Vous étiez avec le Premier ministre aux Nations unies récemment. Pourquoi les débats sur les Chagos ont-ils été renvoyés à juin 2017 ?

Sur les Chagos, je n’ai pas grand-chose à dire. Tout a déjà été dit, le Premier ministre fera des commentaires en temps et lieu. Cependant, je tiens à présenter mes plus vives condoléances aux Mauriciens d’origine chagossienne et particulièrement à la famille de Fernand Mandarin. Il était un défenseur des droits humains et une figure proéminente de la lutte pour le retour dans l’archipel des Chagos. La communauté chagossienne et le gouvernement travaillent ensemble, la lutte continue.

Outre les Chagos, quels autres dossiers vous ont été confiés ?

La Vision 2030. Nous préparons en ce moment le document final – le blueprint. Je m’occupe aussi de l’Air Access Policy, y compris l’Air Corridor. Il y a également les dossiers concernant le plateau continental, Metro Express, le développement durable et récemment, on m’a attribué la tâche de coordonner les projets qui seront présentés à la COP 22.

«Certaines compagnies sont prêtes à investir au Ghana, en Côte d’Ivoire mais pas dans leur propre pays.»

Justement un des principaux objectifs de la Vision 2030 était la création d’emplois. Malgré tout, cela ne semble pas avoir servi à grand-chose. Où en sommes-nous ?

Le problème de l’emploi ne date pas d’hier. J’ai l’impression que quand les gens parlent du chômage, ils pensent que ce n’est le cas que maintenant. Le chômage est un problème qui existe depuis longtemps. Cela est aussi dû aux actions ou aux inactions dans le passé.

À travers la Vision 2030, le gouvernement tente à présent de créer de l’emploi. C’est la vision du Premier ministre, mais pour la réaliser, il faut l’apport de tous les acteurs : l’État, le secteur privé, les organisations non gouvernementales, bref nous tous, y compris vous et moi ! Aussi longtemps que tous les partenaires font ce qu’est attendu d’eux, nous y parviendrons.

Ceux qui croient que ce n’est que le gouvernement qui devrait créer de l’emploi se trompent. Depuis que le gouvernement est au pouvoir, plusieurs mesures ont été prises notamment pour permettre au secteur privé d’investir.

À un certain moment, le gouvernement semblait irrité par le secteur privé… Quel est le sentiment actuel ?

Je suis chagriné. C’est avec beaucoup de regrets que je constate que le secteur privé est atteint d’une maladie chronique : l’attente. Ce secteur est toujours en mode attente. Il dit attendre la stabilité, je ne comprends pas. Il n’y a pas d’élections générales anticipées, on n’est pas en campagne électorale, les Mauriciens savent dans quel contexte ils vivent et malgré tout, l’investissement ne vient pas.

Il faut sortir de cette léthargie et commencer à investir. Je dois souligner que ces propos n’engagent que moi, mais je ne crois pas que j’aurai tort de dire que c’est le sentiment général.

Pourtant, le taux de croissance économique laisse à désirer…

D’après vous, comment la croissance est-elle créée ? Mo lévé gramatin mo cré croissance ? Il faut de l’investissement pour créer la croissance ! Le secteur privé dit attendre un signal du gouvernement pour créer la croissance. De quel signal s’agit-il ?

Depuis le début de ce mandat, nous avons quand même eu droit à trois ministres des Finances…

Oui et alors ? Nous avons eu trois ministres des Finances mais un seul gouvernement. Un seul Conseil des ministres et un seul Premier ministre. Le secteur privé n’investit pas car il ne le veut pas. Certaines compagnies cherchent des astuces, elles sont prêtes à investir au Ghana, en Côte d’Ivoire mais pas dans leur propre pays.

Un Joint Public-Private Steering Committee a été mis en place dans le cadre de la Vision 2030. Y a-t-il eu des réunions récentes depuis décembre dernier et quelles en sont les retombées ?

La dernière rencontre remonte à décembre. Mais pour pouvoir en arriver là, il faudrait qu’il y ait du progrès. Nous avons expliqué toutes les mesures prises pour faciliter l’investissement et le développement. Toutes ces décisions ont été prises pour faciliter le secteur privé.

D’ailleurs, lors de la dernière rencontre, le Premier ministre avait dit clairement de ne pas attendre la réunion du panel pour discuter des problèmes. Il avait dit qu’à n’importe quel moment, les ministres sont disposés à rencontrer les personnes du secteur privé et régler les soucis. Il y a des Fast Track Committees qui ont été mis sur pied.

Aussi, au niveau du Prime Minister’s Office, la porte est ouverte. Nous sommes là pour débloquer tous les dossiers. Si le secteur privé ne va pas de l’avant, je ne peux qu’en déduire qu’il n’a pas de problème ou qu’il n’est peut-être plus intéressé…

Donc il n’y aura plus de réunion ? C’est terminé ?

Il y en aura encore sans doute. Surtout après le dernier Budget. Et avec la mise à exécution de la Vision 2030.

Un peu plus d’une année après la présentation de la Vision 2030, qu’en est-il des réformes dans la fonction publique ?

D’abord, je tiens à dire qu’il est facile de critiquer la fonction publique. Les fonctionnaires ont plusieurs contraintes, ils travaillent dans un contexte particulier. Ensuite, pour moi, la performance est relative. Là encore, il faut prendre en considération le contexte. Certains projets prendront le temps qu’il faut car il faut respecter les règlements.

Cela dit, je suis d’accord que certains collègues ne jouent pas le jeu. Mais ces cas sont rares dans la fonction publique. Le ministère de tutelle a créé un Public Sector Re-Engineering Bureau. Sauf que jusqu’à présent, aucun candidat n’a pu être retenu pour le poste de directeur.

Un consultant envoyé par le Commonwealth Secretariat travaille également sur la réforme de la fonction publique. Son rapport est très attendu. Mais la réforme a déjà commencé, prenons par exemple la fusion de certaines institutions publiques. Il y a également le Civil Service College qui forme déjà les fonctionnaires.

Le Premier ministre avait quand même utilisé des mots forts à l’égard des fonctionnaires lors de son discours dans le cadre de la Vision 2030. Il parlait de «libération»…

Oui. Les fonctionnaires étaient terrorisés, en mode bouz fix. Ce gouvernement-ci laisse la liberté aux fonctionnaires de travailler dans de bonnes conditions tout en respectant les règles. En retour, l’on attend qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes.

Quel espoir pour les jeunes dans la fonction publique ?

Il y a plein de débouchés. La fonction publique devient de plus en plus technique et professionnalisée. De ce fait, avec la modernisation même de la fonction publique, les jeunes ont toutes leurs chances, la route est déjà toute tracée. De nouveaux postes sont également créés dans plusieurs ministères : celui des Services financiers, Blue Economy. Des postes pointus dans les domaines de la technologie et de l’innovation. J’ai beaucoup d’espoir en ce qui concerne les nouvelles recrues.