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Boom des grandes surfaces et changement de mode d’achat à Maurice ?

9 juin 2015, 18:48

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Boom des grandes surfaces et changement de mode d’achat à Maurice ?

Le récent rapport 360° Retail de DCDM Research nous apprend que malgré la multiplication des grandes surfaces, le commerce traditionnel (boutiques, tabagies) représente toujours 60 % du nombre des points de vente en opération à ce jour, totalisant 6 099 points de vente, soit 11 fois plus que le nombre de grandes surfaces (599) en 2015 (le canal HORECA – Hôtels, restaurants, cafés : 3 103). Du point de vue du nombre de points de vente, nous sommes loin de la disparition du commerce de proximité comme on peut parfois l’entendre.

 

 


Néanmoins, les gérants de magasin (7 500 détaillants interrogés) se révèlent majoritairement pessimistes face à l’avenir de leur business (55 % d’entre eux), et 16 % se révélant très pessimistes. Il demeure cependant une grande hétérogénéité : 60 % du commerce traditionnel se dit inquiet (68 % parmi les tabagies). On observe que les plus optimistes sont ceux qui proposent MCB Juice (57 % d’optimistes), les franchisés (83 % d’optimistes), et ceux qui sont situés dans un centre commercial  (80 % d’optimistes). Un climat globalement difficile pour le petit commerce qui subit l’impact de la grande distribution, mais qui, en partie, tire sa subsistance de sa nature même de proximité ; il serait passé du mode d’approvisionnement principal des consommateurs à une alternative, un modèle qui offre une variété limitée de produits, mais des produits d’achat d’impulsion ou de première nécessité. Ces derniers occupent aussi une place dans la vie quotidienne des Mauriciens et sont en quelque sorte un vecteur de lien social, certains offrant encore des facilités de crédit.

 

En considérant l’évolution de l’univers du retail entre 2000 et 2015, le bilan est très contrasté (sur les catégories mesurées) ; le nombre de supermarchés, supérettes, snack et cold storages a plus que doublé en 15 ans. Les cold storages notamment ont su se réinventer, passant d’un format proche des boutiques en 2000, à celui, soit spécialisé soit proche des supérettes en 2015. Néanmoins, le nombre de boutiques diminue fortement en 2015 – une baisse de 15 % –, de même que les tabagies qui, après avoir fortement augmenté en 2006, baissent de façon importante en 2015 (-11%).

 

Du point de vue du consommateur, de réels changements accompagnent cette transformation du paysage de la grande distribution : les hyper-supermarchés deviennent ainsi le nouvel espace de référence dans la vie de 9 consommateurs sur 10 qui y font leurs provisions, alors qu’ils étaient 6 sur 10 il y a seulement trois ans. En 2015, ils sont moins de 7 % à ne jamais se rendre en grandes surfaces. La fréquence de l’acte d’achat a également évolué : 2 consommateurs sur 3 s’y rendent plusieurs fois par mois, alors que trois ans plus tôt ils étaient 1 sur 3. L’habitude de «courses mensuelles» s’efface progressivement au profit d’une fréquentation plus fractionnée dans le mois, comportement probablement renforcé par l’expérience d’un shopping «loisir» qu’offrent les nouveaux centres commerciaux et qui en fait une raison nouvelle de se rendre dans les grandes surfaces.

 

Avec 29 % du marché en fréquentation à lui tout seul, Winner’s et ses 20 points de vente sur l’île sont le pilier de la grande distribution à Maurice. Un leadership établi mais peut-être menacé au fil du temps, par l’augmentation du nombre de magasins concurrents et l’apparition de nouvelles enseignes. D’après les données du Tracking Distribution de DCDM Research, la deuxième enseigne est désormais Dream Price qui totalise 13 % de la fréquentation au premier trimestre 2015, soit la moitié du leader.Le rapport de différence entre les deux est par ailleurs sensiblement le même quand on les compare sur la base de leurs chiffres d’affaires. Une surprise ? Pas vraiment, cette dernière affiche une progression lente mais constante depuis plusieurs années ; sa fréquentation n’était que de 6 % à la même période en 2010. Petit à petit, Dream Price a dépassé des enseignes références comme Way, Super U ou Jumbo & Spar. La faute à qui ? Le prix ?

 

Probablement une des raisons de son succès, la proposition d’un prix bon marché, mais aussi d’un modèle de point de vente de proximité, à taille humaine, où le confort d’achat est plus minimaliste et où l’on va à l’essentiel. On appelle cela les hard-discounters, auxquels on peut rajouter des enseignes locales telles que King Savers, Facilité, Masters Express, etc. dont le maillage du territoire commence à être conséquent, ou d’autres plus atypiques comme Lolo qui est un modèle unique d’hypermarché par sa surface, mais de discoun-ter par son positionnement prix.

 

Il est certain que l’une des tendances les plus marquantes du moment est un glissement progressif des consommateurs vers le discount : il totalise aujourd’hui 30 % du marché en fréquentation, contre un toujours imposant 70 % pour les enseignes dites traditionnelles (Winner’s, Super U, Way, Shoprite, Jumbo & Spar, Intermart, etc.). Mais en 2008, ces scores étaient radicalement différents : le hard-discount ne totalisait que 10 % de la fréquentation contre 90 % pour les autres enseignes. C’est donc une nouvelle habitude pour de plus en plus de Mauriciens d’aller chercher le meilleur prix. Pourtant, les grandes enseignes traditionnelles martèlent depuis longtemps qu’elles pratiquent les prix les plus bas. Comment font-elles pour garder le cap et occuper le terrain ?

 

 

Les grandes enseignes ont, depuis toujours, bien mesuré l’importance d’un discours qui fait la part belle au prix. C’est désormais, nous l’avons vu avec la montée des discounters, plus vrai que jamais. Mais dans ce contexte très concurrentiel, le seul facteur prix ne suffit pas : il faut rivaliser de créativité pour apporter toujours plus aux consommateurs, qui voient se multiplier les galeries commerçantes autour des supermarchés, les services, programmes de fidélité, animations, journées thématiques et loisirs. C’est bien un «shopping expérience» que l’on propose désormais dans les grandes enseignes. De ce point de vue, elles se sont pour beaucoup mises à jour, chacune avec leurs spécificités.

 

La grande guerre, quant à elle, continue de plus belle sur le terrain de la promotion et de la publicité. À tel point que la distribution est le secteur numéro un du point de vue des dépenses publicitaires en média. Avec Rs 288 millions dépensées en 2014, il pèse 16,5 % de tout le marché média qui représente Rs 1,75 milliard. À elles seules, les grandes surfaces alimentaires, hyper-supermarchés, pèsent 8 % du total, soit près de Rs 142 millions cette même année. C’est donc plus de 16 % du bruit pu-blicitaire qui résonne pour les enseignes afin de donner envie aux consommateurs de faire leurs courses chez elles. Pour ce faire, c’est essentiellement à travers la presse (46 %) et la radio (41 %)que les messages sont véhiculés, délaissant très largement la télévision (4 %) pourtant toujours le média qui offre la meilleure pénétration dans les foyers mauriciens.

 

C’est à l’occasion des fêtes de fin d’année qu’un tiers des dépenses publicitaires du secteur sont réalisées, une tendance constante depuis plu-sieurs années. La visibilité est un élément critique pour ces enseignes, pour favoriser la préférence de marque et pour générer du trafic en point de vente qui est la condition minimale à remplir pour pouvoir vendre. Pour cela, il y a une arme redou-table qui pourtant peut parfois paraître anodine : le catalogue promotionnel. Il permet pourtant toujours de toucher plus de 40 % des 15 ans et plus (premier trimestre 2015), ce qui en fait un média plus efficace en pénétration que les quotidiens… Cela prouve que ces supports promotionnels sont suivis et utilisés par les consommateurs qui peuvent sélectionner des articles en réclame avant même de faire un pas dans le magasin. C’est un terrain de grandes manœuvres de la part des enseignes : 290 catalogues promotionnels ont été édités en 2014, soit 24 par mois en mo-yenne, totalisant près de 89 000 insertions de produits en promotion.

 

Rapprochées de leurs tarifs enseignes, les insertions promotionnelles correspondraient à un équivalent de plus de Rs 400 millions de la part des annonceurs, ce qui est 2,5 fois plus que les dépenses en publicité média par le secteur agro-alimentaire. Les marques sont les grandes gagnantes de cette visibilité hors-média, certaines sont très présentes comme Bic qui est la marque la plus représentée en catalogue promotionnel en 2014 (plus de 1 000 insertions), devant la marque de distributeur Casino (Jumbo & Spar), le poulet Chantecler, Nestlé et Colgate. Au général, les catégories de produits qui animent le plus la promotion en brochures sont le poisson / les fruits de mer congelés, le riz, le poulet congelé et les jus de fruit. Ce sont les enseignes Super U et Intermart qui occupent le plus la scène en 2014 avec 24 brochures chacun à leur actif, devant l’enseigne Smart. En nombre d’articles, c’est Super U qui propose le plus de produits en promotion dans les brochures suivie d’Intermart et de Way.

 

 

Le secteur est ainsi en présence de trois forces motrices (hors HORECA) : les grandes enseignes qui communiquent très fort sur les opérations thématiques et les promotions pour générer du trafic et qui jouent la carte du «shopping expérience» pour gagner en préférence auprès des clients, et les discounters qui gagnent du terrain avec une proposition très simple et qui leur vaut un succès grandissant : le produit au meilleur prix, tout simplement. Le troisième pilier du marché est le commerce de proximité (boutiques, tabagies) dont l’avenir semble plus compliqué et qui devra reconsidérer sa place dans un marché où il joue pourtant toujours un rôle essentiel dans la distribution des produits et des marques de segments clés. Le consommateur, quant à lui, navigue encore dans des expériences assez nouvelles au regard du développement rapide et finalement récent du commerce moderne à Maurice : il apprend cependant très vite et adopte des comportements qu’il est nécessaire de comprendre aujourd’hui pour mieux adapter les modèles de distribution demain.

 

 

Le commerce traditionnel représente 60 % du nombre des points de vente en opération

 

Avec 29 % du marché en fréquentation à lui tout seul, Winner’s et ses 20 points de vente sur l’île constituent le pilier de la grande distribution

Avec Rs 288 millions dépensées en 2014, le secteur de la grande distribution pèse 16,5 % de tout le marché média qui représente
Rs 1,75 milliard

 

 

Sources et outils exclusifs DCDM Research :

Pige Promo :pige des brochures de la grande distribution (depuis 2013)

Pigé! :pige des publicités radio, TV, presse, billboard et direct mailing (depuis 2011)

DCDM Research Tracking Distribution :entretiens quotidiens auprès des 15 ans et plus, échantillon mensuel de 600 personnes (depuis 2008)

Retail Census 2015 :recensement des points de vente (depuis 2000)

Toutes les analyses du retail sont disponibles dans un rapport exclusif 360° Retail.