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Un entre-deux flou
Ashok Subron a savouré sa première PNQ avec les manières d’un syndicaliste, le ton d’un tribun et la posture d’un ministre soudainement confronté au mur de la realpolitik. Vingt-cinq minutes de leçon historique sur la naissance du régime de pension, un retour aux luttes des années 1930, des piques contre le régime MSM, une dénonciation de la rupture de 2020 avec l’abolition du NPF, et puis, enfin, dans les dernières minutes, quelques bribes de réponses aux vraies questions posées.
Mais au-delà du show parlementaire, la posture du ministre et de son parti, Rezistans ek Alternativ (ReA), soulève une question fondamentale : où s’arrête le militantisme et où commence la solidarité gouvernementale ? La réponse laborieuse de Subron à la PNQ, son discours en boucle sur le respect de ses convictions syndicales, et le ton de plus en plus institutionnel de ses camarades tranchent avec les aspirations originelles de ReA. Le parti anti-système s’est-il fondu dans le système qu’il voulait déconstruire ?
Car, soyons clairs : ReA ne se désolidarise pas de la réforme de la Basic Retirement Pension. Il la critique à peine, il l’encadre, il la nuance. Mieux encore, il revendique sa participation aux comités interministériels, envoie des propositions écrites, et admet – après un moment de flottement – avoir été consulté. Le verbe hésitant de Subron face à la question de Joe Lesjongard, suivi d’un «oui» finalement assumé, laisse deviner qu’un recadrage a eu lieu. Navin Ramgoolam n’a pas de temps à perdre avec des partenaires qui veulent jouer aux francs-tireurs. La solidarité gouvernementale n’est pas un menu à la carte.
Et pourtant, Subron et ses camarades veulent continuer à porter l’étendard de la gauche radicale. Ils refusent de participer au rassemblement syndical de samedi, préférant préserver leur «costume de syndicaliste». Une position inconfortable, ambiguë, presque hypocrite : être au pouvoir et dans la rue, proposer et contester, voter et défiler. Un entre-deux flou, mais calculé. Car ReA sait qu’il est trop tôt pour rompre, et trop risqué de s’effacer.
Cette stratégie du «en même temps» commence à s’essouffler. D’un côté, ils invoquent leur fidélité aux principes. De l’autre, ils actent, ils participent, ils co-gèrent. Il ne suffit pas de clamer «je suis entré au Parlement pour changer les choses» lorsque l’architecture du changement reste au stade de brouillon. La réforme constitutionnelle, fer de lance de leur campagne, serait bientôt activée. Le droit de recall ? Toujours en jachère. L’abolition de la déclaration ethnique ? Silence radio. Et pendant ce temps, les partenaires de l’alliance raflent les tickets, distribuent les postes et s’imposent dans les comités clés.
Le double discours devient donc un jeu dangereux. Car à trop vouloir le beurre, l’argent du beurre et la posture de martyr, ReA risque de tout perdre. Les syndicats commencent à se détourner. La base militante, elle, s’interroge. Et les électeurs de 2024, qui ont cru à une rupture, voient s’installer une cohabitation molle avec l’ordre établi.
Il faut appeler les choses par leur nom : ReA est aujourd’hui un rouage du pouvoir. Ce n’est ni un reproche, ni une trahison en soi. Mais encore faut-il l’assumer. Encore faut-il gouverner avec clarté. La posture actuelle – participer sans avaliser, critiquer sans rompre, contester sans s’opposer – n’est pas tenable sur la durée.
Subron aime rappeler ses combats. Il a raison. Mais la politique exige plus que de la mémoire. Elle exige des choix, des positions claires, du courage stratégique. Et dans ce moment de bascule, où le gouvernement navigue à vue sur des eaux budgétaires tumultueuses, la sincérité politique devient un impératif.
Le temps des excuses s’achève avec le Budget 2025-2026. Le flou ne fait plus recette. Les électeurs attendent des actes, pas des allusions. Et ReA devra choisir : rester le poing levé d’une gauche critique au sein d’un gouvernement qu’il assume pleinement, ou redevenir le poil à gratter d’une opposition éthique, en dehors des dorures ministérielles.
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