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Roshan Jhummun : «Je suis fier d’être un ‘backbencher’, un rôle de chien de garde dans notre démocratie»

10 mai 2025, 20:00

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Roshan Jhummun : «Je suis fier d’être un ‘backbencher’, un rôle de chien de garde dans notre démocratie»

Roshan Jhummun, député du n° 13 (Rivière-des-Anguilles–Souillac).

L’élu du Parti Travailliste est celui qui a posé la question sur les honoraires de Sattar Hajee Abdoula, mardi. Cela a permis au Premier ministre de révéler les sommes astronomiques perçues ainsi que les possibles conflits d’intérêt. Ancien enseignant d’économie avec 25 ans d’expérience dans le secondaire, il se distingue aujourd’hui par ses interventions incisives au Parlement et sa fidélité indéfectible à son parti.

🔵Qui est Roshan Jhummun pour ceux qui ne le connaissent pas ? Je suis originaire de Plaine-Magnien. J’ai grandi au sein d’une famille modeste dans le camp sucrier de Mon-Désert–Mon-Trésor, jusqu’à l’âge de 20 ans. Depuis toujours, j’ai cru que seule l’éducation pouvait m’aider à avancer dans la vie. Aujourd’hui, cela fait 15 ans que je vis à Pinewood Wooton. Tout ce que j’ai obtenu dans la vie, je le dois à l’éducation. Je suis surtout connu comme enseignant d’économie avec 25 ans d’expérience. J’ai enseigné dans plusieurs collèges privés et publics, et j’ai terminé ma carrière comme recteur intérimaire au Quatre-Bornes SSS.

Malheureusement, on m’a poussé à démissionner. J’avais demandé une retraite anticipée, mais comme on savait que j’allais être candidat pour l’Alliance du changement, l’ancien gouvernement a exercé des pressions pour que je parte. J’ai ainsi perdu tous mes bénéfices. J’ai toujours aimé la politique. Sur ma page Facebook, il y a même une photo de moi avec le Dr Navin Ramgoolam quand j’avais 16 ans. C’était un rêve d’enfant.

🔵Pourquoi avoir quitté l’éducation pour entrer en politique ?

Je m’étais déjà accompli dans ma carrière d’enseignant. J’ai eu l’honneur de former de nombreux élèves, certains devenus lauréats. J’ai ensuite cherché un nouveau défi. La politique m’a toujours attiré, surtout les débats parlementaires que je suivais depuis mon jeune âge. Mes parents étaient de fervents partisans du Parti travailliste (PTr) et j’ai grandi dans cette culture politique. J’ai toujours été fidèle au PTr et au Dr Ramgoolam.

🔵Pourquoi avoir choisi le PTr ?

J’adhère pleinement à sa philosophie. C’est un parti qui a un passé glorieux, un présent solide et, j’en suis sûr, un avenir prometteur. Il a été dirigé par des figures emblématiques. Pour moi, c’est dans la logique des choses, presque un héritage ancestral d’y appartenir.

🔵Êtes-vous satisfait de votre rôle de «backbencher» ? Ne souhaitiez-vous pas devenir ministre ou ministre adjoint ?

Chacun obtient ce qu’il mérite en temps voulu. Être backbencher, c’est déjà un grand défi. C’est un rôle qui demande un travail de recherche intense chaque semaine. Il faut préparer des questions, les appuyer par des faits. C’est un rôle de chien de garde au sein de notre démocratie. Mes interventions sont aujourd’hui davantage tournées vers les abus du régime précédent. Mais le moment viendra où nous devrons aussi interroger nos propres collègues pour garantir la transparence. Je suis direct et je refuse la démagogie. Bien sûr, tout le monde rêve d’être ministre. Mais je trouve que le Premier ministre a formé un excellent cabinet. Tous les ministres actuels méritent leur place. Pour ma part, je suis encore en apprentissage et je suis fier de ce que je fais.

🔵Vous êtes à l’origine de la question parlementaire sur Sattar Hajee Abdoula, qui a provoqué des étincelles. D’où vous est venue l’idée ?

Je suis, à ce jour, le seul député à avoir osé poser des questions sur Sattar Hajee Abdoula et JeanMichel Lee Shim. J’ai aussi soulevé des questions sur SMS Pariaz, PADCO, Air Traffic Terminal, MIC et ce que j’appelle le monkey business à Maurice. Chaque fois, je fais mes recherches moi-même. Concernant Sattar Hajee Abdoula, il faut savoir qu’il a vendu nos avions à des prix dérisoires. Les Rs 287 millions évoqués ne représentent que les montants officiels – il y a sans doute bien plus derrière. Il a touché beaucoup de commissions.

Je compte également poser des questions sur Navin Beekharry et Nundun Gopee, deux intouchables de l’ancien régime. Je veux démontrer à la population comment certaines dérives et actes de corruption ont été dissimulés. Je suis surpris que personne ne se soit penché sur le cas de Sattar Hajee Abdoula avant moi. On est pourtant au pouvoir depuis un moment. J’ai encore plusieurs questions prêtes à son sujet. Malheureusement, selon les standing orders, chaque député ne peut poser que quatre questions par semaine. Or, j’en ai souvent huit à dix prêtes à soumettre.

🔵En tant qu’ex-enseignant, quel est votre regard sur la réforme éducative de l’ancien régime ?

C’était un fiasco total, comme je l’ai dit dans mon discours sur le programme gouvernemental. On a supprimé le pré-vocationnel pour le remplacer par l’Extended Programme (EP), qui a été un échec cuisant. Pendant dix ans, seuls quatre enfants sur 100 parvenaient à réussir. On a voulu imposer le théorème de Pythagore à des jeunes qui voulaient apprendre un métier manuel, comme la menuiserie. Des générations d’élèves ont été sacrifiées. L’introduction des classes mixtes pour les élèves en pleine puberté en grades 7, 8 et 9 n’a rien d’une réforme. Sur le plan académique, cela n’a rien apporté. La Quality Assurance Inspection Division, censée assurer le bon fonctionnement du système, n’a rien apporté non plus. Ils visitent les collèges une fois par mois – c’est une perte d’argent public.

🔵Et maintenant, sous la nouvelle direction ?

Le ministre actuel a pris des initiatives louables. Il a organisé les Assises de l’Éducation, ce qui a permis à divers acteurs de faire de bonnes propositions. J’espère qu’il ira jusqu’au bout. On voit déjà certains changements. Par exemple, au ministère, il y a eu un remaniement des responsables qui soutenaient aveuglément l’EP.

🔵Que pensez-vous des problèmes de drogue et de harcèlement dans les écoles ?

Il faut redonner plus de pouvoir au recteur, qui est le chef de l’établissement. Il connaît son personnel, les élèves, et peut prendre les décisions qui s’imposent. Le système actuel est noyé sous les couches administratives. Prenez l’exemple du collège Imperial : il n’y a pas de cas majeurs de drogue ou de harcèlement parce que le recteur y est respecté et a une autorité claire. Je suis aussi contre l’usage du portable à l’école. La technologie contribue à la diffusion de la drogue, du harcèlement, ainsi qu’à la détérioration de l’environnement scolaire.

🔵Quelles sont vos priorités pour votre circonscription ?

La circonscription no 13 est l’enfant pauvre du pays. Il n’y a pas de centre commercial, pas de routes de qualité, aucun hôtel malgré un littoral important, pas de stade, pas de piscine municipale. Les terrains de foot sont impraticables, sans éclairage. Les crématoriums sont vétustes, les cimetières saturés. Sans oublier les problèmes liés à la drogue et à l’alcool. Le projet de Rivière-des-Anguilles Dam est une de mes priorités. J’ai fait une demande au ministère des Finances pour que les backbenchers soient reçus afin qu’on puisse faire entendre les doléances de nos circonscriptions.

🔵Vous êtes économiste de formation. Que pensez-vous de l’économie actuelle ?

Tous les indicateurs sont dans le rouge. L’ancien ministre des Finances, Renganaden Padayachy, a travaillé en comptable, pas en économiste. Il a fait des exercices de crédits et débits, mais sans vision. Il avait parlé du MIC, et aujourd’hui, on en voit les conséquences. Je me souviens des grandes réformes sous Lutchmeenaraidoo, Ringadoo et Sithanen. Mais Padayachy ? Où sont les Padanomics ? Au lieu de donner Rs 20 000 à chaque jeune de 18 ans sans encadrement, on aurait pu leur offrir des actions en bourse. Cela aurait permis de former une génération d’investisseurs. Mais on a préféré créer une génération de zougader. Aujourd’hui, on en paie le prix avec les scandales et les enquêtes du FCC.

🔵Que doit contenir le prochain budget, selon vous ?

Il faut trouver des moyens pour relancer l’économie et réduire les dépenses tout en générant des revenus. Malheureusement, ce sera encore la classe moyenne qui paiera l’addition. Mais en tant que patriote, il faut penser à ce que l’on peut faire pour le pays, pas seulement pour soi-même. Une fois que la situation économique se redressera, les choses s’amélioreront pour tous. Nous devons favoriser les politiques économiquement viables, même si elles ne sont pas politiquement populaires. Le Premier ministre saura faire les bons choix dans cette optique.

🔵Et l’avenir du PTr ?

C’est trop tôt pour parler de la succession du Dr Navin Ramgoolam. Je le trouve en très bonne forme, avec une mémoire exceptionnelle. Il est tout à fait capable d’assurer encore un ou deux mandats comme leader. Le temps nous dira la suite.