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Interview
Patrick Belcourt : «Le peuple mauricien accepte d’être patient et patriote mais il ne faut pas prendre les Mauriciens pour des imbéciles»
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Interview
Patrick Belcourt : «Le peuple mauricien accepte d’être patient et patriote mais il ne faut pas prendre les Mauriciens pour des imbéciles»

Patrick Belcourt, leader d’En Avant Moris. © Photos : Anenden Camatchee
Dans cet entretien, Patrick Belcourt, leader du parti En Avant Moris (EAM), revient sur sa percée aux municipales, son programme «De l’abandon à l’abondance» et les défis de sa campagne. Élu en tête de liste dans le Ward 2 à Beau-Bassin-RoseHill avec 2 186 voix, il a devancé les candidats de l’Alliance du changement. Sans détour, il affirme qu’il ne cédera pas aux spéculations sur un éventuel ralliement et va se concentrer sur le travail sur le terrain.
🟦Avant tout, félicitaions pour votre victoire…
Merci, ça me permet de remercier les habitants de Beau-Bassin-Rose-Hill, les citadins du ward 2 dont Plaisance, Stanley, Camp-Levieux qui ont cru en moi. Je pense que le message d’En Avant Moris est passé.
🟦Revenons sur la campagne notamment l’épisode où on avait déchiré la banderole d’EAM. Vous pensez que c’était une tentative de freiner la course de votre parti en anticipant que vous pourriez perturber ce 120-0 ?
Disons que le but principal n’était pas de casser le 120-0. Il y a des choses bien plus importantes que ça, d’où la raison pour laquelle EAM est venu avec un programme pour apporter l’espoir, l’espérance et sauver notre ville. 120-0 est secondaire.
🟦Après les élections, comment abordez-vous cette percée dans la municipalité ?
J’y vais dans un état d’esprit positif car c’est un honneur et une responsabilité d’apporter l’espérance de ces citadins. On a discuté durant les dernières années et je suis optimiste et motivé de travailler avec notre feuille de route pour la municipalité et le pays.
🟦La stratégie de politique de proximité a-telle finalement aidé surtout que le 1er mai En Avant Moris a procédé à un dépôt de gerbes pour les travailleurs et non un fameux grand meeting ?
Ce n’est pas normal qu’un petit pays comme nous ou une ville comme Beau Bassin-Rose-Hill ait autant de problèmes. En 2025, il n’est plus l’heure de faire du oneman-show avec enn dimounn ki koze koze koze. La clé c’est d’écouter le peuple.
🟦Pourquoi cette envie de toujours dire que vous allez prendre l’électorat du MMM ?
Le but ce n’est pas de prendre l’électorat de qui que ce soit. Le but d’EAM c’est d’aider les personnes tombées dans le désespoir qui n’attendent rien de la classe politique. Quand vous regardez l’état du marché de Rose Hill ou Atrium, c’est le signe que nous avons beaucoup à faire. Kan dimounn ena problem, nou pa gete ki landrwa li sorti. On est là pour travailler pour tous les Mauriciens. Il y a tellement de potentiel à Beau-Bassin-Rose-Hill. Si tous les élus faisaient leur travail correctement, personne ne serait laissé pour compte car aujourd’hui il est clair que la vie des citadins n’est pas rose. Zot lavi margoz.
🟦Ne pensez-vous pas qu’il n’y a pas que les citadins de Beau-Bassin Rose-Hill qui ont la vie dure mais aussi les candidats de l’Alliance du changement qui n’ont pu faire le fameux 120-0 ?
(Rires) Il faut leur poser la question directement. Si les personnes m’ont élu en tête de liste, c’est que mon message est passé et qu’il faut laisser la partisanerie de côté. Jusqu’ici les citadins n’ont rien bénéficié de ces guerres de leader de parti. Soyons francs, Paul Bérenger est venu, Ivan Collendavelloo aussi mais rien n’a été fait même s’ils étaient en poste. Ce n’est pas parce que vous êtes député de l’opposition que vous ne pouvez pas travailler pour votre ville. EAM n’était pas au Parlement mais on a fait tellement de choses. Je suis motivé pour apporter des idées en collaboration avec les autres élus.
🟦Avec cette victoire, vous confirmez qu’il n’y a pas de petit parti…
Effectivement d’ailleurs je rebondis sur un message que l’Alliance du gouvernement n’a cessé de marteler lors de la dernière campagne. Elle disait Gouvernman ek minispalite bizin dan mem parti. C’est faux. Dans le passé, les municipalités étaient gérées par l’opposition et fonctionnaient bien. C’est la compétence qui fait qu’une ville évolue.
🟦Vingt-quatre candidats d’EAM lors des dernières élections. Avec du recul, comment résu- mez-vous l’aventure d’En Avant Moris ?
On a une équipe motivée et disciplinée… On est un des rares partis qui soit venu avec un manifeste respec- table et non une feuille A4 avec deux ou trois mesures. Vous voyez aussi le problème que rencontre l’Alliance du changement. Ils étaient venus avec beaucoup de promesses. Nous comprenons que tout ne peut pas se faire du jour au lendemain. Le peuple mau- ricien accepte d’être patient et patriote mais il ne faut pas prendre les Mauriciens pour des imbéciles. Il y a des choses qui peuvent être faites rapidement pour le soulager. Quelqu’un dont l’entreprise où il travaille offre l’essence pour qu’il vienne travailler ça va, mais pour celui qui doit tirer de sa poche afin de payer l’essence pour se déplacer pour travailler ou payer les prix exorbitants des produits, je trouve cela déplacé de dire à cette personne de prendre patience.
🟦Vous ne pensez pas que ces promesses non tenues soient liées au document dévoilé par le gouvernement intitulé «State of Economy» ?
À ce moment-là, il n’aurait pas dû faire ces promesses. Si vous regardez le programme d’En Avant Moris, ce que nous proposons pour la culture, le sport ou les petites entreprises, nou pann vinn vann rev. Ce sont des choses réalisables. Le gouvernement doit assumer.
🟦Dans votre programme «De l’abandon à l’abondance», vous évoquez l’aspect sécurité. Dans la conjoncture actuelle où on voit des cas de violence au quotidien, comment comptez-vous mettre en oeuvre votre programme pour renforcer la sécurité ?
Nou pa pe vann rev. Quand on a fait un programme, on savait qu’il fallait travailler en équipe et aussi travailler en collaboration avec le régime en place. Quand nous annonçons un programme pour les artistes, ce n’est pas dans le but de dire que nous allons remplacer un ministère. Au sein d’En Avant Moris, on a ce qu’on appelle le Développement intégré. Souvent il y a des problèmes liés. Hormis le problème d’insécurité, il y a le problème de chômage, de circulation dense le matin, de fléau de drogue. Si vous regardez bien, tout cela est lié. Si avec les élus nous nous asseyons ensemble autour d’une table, on pourrait amorcer ces problèmes-là.
Concernant les poches de pauvreté ou les endroits très habités, on aurait dû faire des bureaux près de ces endroits. Quand une personne travaille près de son lieu d’habitation, il y aura moins de trafic et moins de pollution. Le matin, pour contrôler le trafic, beaucoup de policiers sont mobilisés le matin. Dans d’autres pays développés, le trafic est contrôlé par des jeunes retraités et jeunes tout court. Pourquoi ne pas les former à le faire avec l’accompagnement d’un motard ? Ça va soulager ces policiers qui pourront intervenir en cas de problème de violence notamment les guerres entre étudiants. Avoir son lieu de travail près de sa maison permet à la personne de vivre mieux après son travail pour faire du sport ou autre chose. C’est ce qui s’appelle un cercle vertueux.
Parlons du jumelage. Les Mauriciens sont très appréciés au niveau international car nous sommes vus comme des bosseurs et très accueillants. On peut jouer de ça car on ne va pas tal lame. Plus de 60 % des médaillés sortent de Beau-Bassin-Rose-Hill et rien n’est fait pour ces athlètes. Pourquoi ne pas investir pour les envoyer à l’étranger pour plus de frottements et formation ? Avec Nita Juddoo, on a eu des rencontres avec des maires étrangers prêts à travailler avec Maurice pour des projets. Le Plaza à l’époque respirait la culture. Il y a tellement de talents. Kapav fer kitsoz me bizin met dimounn konpetan. Rol enn minisipal se pa zis met prop, met lamier ou repar sime. Sa osi pa pe fer. Mazinn ou si sa osi pa pe fer kouma ou pou al atann ou ki met an plas proze internasional ?
🟦Quand vous parlez de mettre des bureaux près des maisons des travailleurs, il n’y a pas l’aspect de compétence ?
Oui c’est ce que nous demandons. D’encourager des investisseurs à mettre en place des projets pour avoir des bureaux près de ces maisons. Autre chose : on a un sacré problème de logement à Maurice. Pourtant, le nombre d’espace ou de bâtiments vides qu’il y a à Beau-Bassin-Rose-Hill… D’un côté on a des personnes qui attendent dans une maison. Par exemple, ceux qui louent des maisons à des personnes qui touchent moins de Rs 20 000 de salaire n’auront pas à payer de taxe sur la rente locative et aussi ça permettra à beaucoup de personnes d’avoir un logement décent. Je le propose et je ne sais pas si les ministres des Finances prendront cela au vol.
🟦Les priorités pour Beau-Bassin-Rose Hill tournent autour de quoi aujourd’hui ?
Il faut travailler en collaboration et analyser d’où vient le problème. Nous on a compris qu’il n’y avait pas de transparence autour de l’allocation de contrats. J’ai discuté avec Monsieur Letendrie qui était un conseiller à Beau-BassinRose-Hill. Il m’a dit d’aller voir qui recevait des contrats avant. Beau-Bassin-Rose-Hill et autres ont été victimes d’un problème d’attribution de contrat et autres. Pour aller travailler par exemple, la municipalité pourrait voir avec le ministre du Transport ou la NLTA pour voir comment améliorer les routes pour rendre le chemin piétonnier.
🟦Parlons des artistes justement, comment En Avant Moris compte leur venir en aide ?
Effectivement j’ai discuté avec les frères Durhone ou Bruno Raya. Quand un artiste doit organiser un concert, c’est un parcours du combattant où il doit aller dans douze endroits différents pour les permis. Pourquoi ne pas réunir le tout dans un one stop shop ? Il faut faciliter la vie des artistes car ils ne sont pas là juste pour distraire. Ce sont des acteurs économiques. On a des talents qui peuvent exploser au niveau international mais il faut des festivals pour eux à Maurice.
🟦Il y a une différence entre annonce et mise en place. L’ancien régime avait aussi annoncé un one stop shop…
Oui mais il ne faut pas qu’il y ait d’effets d’annonce. Au niveau d’EAM on a déjà travaillé dessus et je dois voir si les autres élus seront d’ac- cord pour la mise en place.
🟦Et pour combattre la drogue…
Oui justement et toute l’île Maurice en souffre. On avait dit «Bizin kass lérin mafia ladrog» Eski ou trouv finn fer li? Il y a eu beaucoup de slogans mais ça a aidé ? Au-delà des slogans, il faut avoir l’envie de faire bouger les choses. Pourquoi ne pas donner plus de pouvoir aux ONG qui font un grand travail ? Je vais lutter pour qu’au sein de la mairie de Beau-Bassin-Rose Hill il y ait une section où ces ONG pourront opérer. Ce n’est pas Belcourt ou encore madame Batour entre autres qui viennent d’être élus qui vont s’attaquer à cela. Nous devons créer l’espace pour que les personnes compétentes puissent exercer leur métier. Il y a deux rapports au niveau national notamment le rapport Lam Shang Leen mais qu’est-ce qui a été mis en place ? Je vous pose la question. Il y a eu de grandes annonces, des millions puis rien. C’est pour ça qu’il y a un déphasage et désintéressement concernant les élections.
🟦**Vous avez beaucoup d’idées pour les villes et pour améliorer le pays. Ces idées que vous évoquez doivent être mises en place en collaboration avec le gouvernement central et les autres élus municipaux. Comment faire cette collaboration en tant qu’«outsider»?
Je l’ai dit, j’ai été élu sous la bannière d’En Avant Moris. Je serai l’élu de tous les citadins de Beau-Bassin-Rose-Hill et pas seulement ceux qui ont voté pour moi. Pareillement si on peut travailler en collaboration, je le ferai volontiers. C’est important de ne pas faire de la partisanerie mais de le faire en action avec des propositions d’idées.
🟦Le régime en place disait que la communication passerait mieux si «zot bann dimounn elu». Vous en tant qu’«outsider», comment faire pour que cette communication passe mieux ?
Je le ferai… Il y a une chose très importante : redonner l’autonomie aux villes et ce n’est pas pour rien que les maires sont vus comme les premiers magistrats des villes. Il faut aussi donner les moyens de travailler aux maires. Je trouve que le régime en place a bien fait d’enlever les PPS. Je m’explique : à l’époque, il y a 20 ou 30 ans de cela, les villes étaient gérées par l’opposition, par le MMM, et les villages par le MSM. La famille Jugnauth est venue avec les PPS pour contrer cela et enlever tous les pouvoirs des collectivités locales. Première chose que Navin Ramgoolam a faite quand il est arrivé au pouvoir, c’est d’enlever ce rôle de PPS. Néanmoins ce n’est pas suffisant. Il faut donner l’autonomie et le pouvoir à ces personnes pour pouvoir avancer. Les villes doivent être les moteurs du développement économique car c’est le pays qui va en bénéficier. Pour cela, il faut collaborer et la balle est dans le camp du gouvernement.
🟦Comment s’annonce l’aventure après les municipales pour vous et En Avant Moris ?
Je le redis, je suis très fier car nous avons cassé un plafond de verre. Beaucoup de personnes ne s’attendaient pas que face à un des plus grands et gros partis au pouvoir, EAM sans les moyens a pu mettre 24 candidats dans les villes. Nos candidats n’ont pas à rougir de leur performance. Sur trois ans et demi d’existence, on a pu faire ça. Ça s’est accéléré depuis la campagne électorale et beaucoup de personnes veulent adhérer au parti. Nous revoyons nos structures pour les accueillir. Nous avons redonné l’espérance. Ce n’est pas seulement à Beau-BassinRose-Hill mais dans d’autres régions. J’ai eu Jessica Lafleur au téléphone qui va aider dans la circonscription numéro 14 et aussi Alexandre Pougnet qui est avec Idéale Démocrate à Curepipe. On va voir comment aider ces personnes qui veulent aider. Nos projets vont continuer notamment la formation des femmes, les journées récréatives et sportives. Dès que je suis arrivé en tête après les élections municipales, un maire de la ville de Lyon m’a appelé pour me féliciter et pour enclencher les choses pour collaborer.
🟦Sans extrapoler, parlons de faits réels. EAM s’est bâti tout seul en finançant sa campagne elle-même face à ces grands partis que vous évoquez. Dans le passé, vous avez déjà rencontré les leaders de ces grands partis ?
Effectivement et permettez-moi d’ouvrir cette parenthèse. Il y a un an, pour la fête de l’Indépendance on avait mis une plaque commémorative pour Maurice Curé à Curepipe et j’avais dit qu’il fallait arrêter le fanatisme politique. J’étais extrêmement fier car tous les leaders de ces grands partis ont entendu ce message. La première personne qui m’a contacté après c’était Xavier-Luc Duval. Je l’ai dit je n’ai rien contre cela et je ne suis pas fanatisme politique ni partisanerie. J’ai rencontré XLD. Beaucoup étaient scandalisés par cela. Officiellement ça a été exposé mais officieusement j’ai rencontré les autres leaders des grands partis. Nounn koz sa me nou pann koz ticket. Ti ena bokou palab mem. Wi mo ti zwenn Navin Ramgoolam ek Paul Bérenger ek nounn bien koze ek abord problem ki pei pe gagne.
🟦La grande question : les leaders des grands partis vont sûrement revenir vers vous après cette performance…
Non, non, n’allons pas dans les spéculations. Nous venons de faire les élections municipales, concentronsnous sur le travail. Un pays ne peut pas rester en campagne électorale. Trop de personnes souffrent et trop de temps a été perdu. Avec plaisir le moment venu au début de la campagne législative, nous viendrons sur votre plateau pour mettre cartes sur table.
🟦La rencontre avec les citadins après les élec- tions municipales…
Les citadins sont contents et viennent faire part de leur fierté et espèrent avoir plus de moyens désormais. Si je suis arrivé en tête, ce n’est pas uniquement grâce aux adhérents d’En Avant Moris mais aussi des autres partis. Enn zanfan landrwa pou al travay pou zot.
Kot ena lavi ena lesperans. Regroup zot. Nou pei enn ti pei avec 1.4 million. Si nou tir bann zanfan ki ena mwin ki 10 e bann aine ki merit repo, res 700 000. Nou marye pike fer nou landrwa, pei avanse. Pa res lebra krwaze e zis kritike. Nou travay ansam.
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