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Activiste des droits humains récompensé en Angleterre

Parcours du Mauricien Pliny Soocoormanee, lauréat du prix «Positive Role Model LGBT+»

7 janvier 2025, 09:27

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Parcours du Mauricien Pliny Soocoormanee, lauréat du prix «Positive Role Model LGBT+»

Pliny Soocoormanee se bat pour plusieurs causes dans le monde.

Cette année, l’un des lauréats du prix le plus prestigieux dans le domaine de la défense des droits humains en Angleterre est un Mauricien. Pliny Soocoormanee, militant de longue date, a reçu le trophée de Positive Role Model LGBT+ le 4 octobre, lors de la cérémonie des gagnants.

«Il y avait 90 000 nominés et 125 sélectionnés. Déjà, le fait d’être parmi les sélectionnés était suffisant pour moi. Je ne m’attendais pas à repartir avec le trophée», confie l’activiste. Son discours, il l’a préparé une quinzaine de minutes avant d’être appelé sur scène. «À ce moment-là, tout semblait irréel. Je suis hyperactif de nature ; je marche vite, je parle vite. En marchant vers le podium, je me disais que je devais me contrôler. Je me contrôlais tellement qu’on m’a dit de faire vite», raconte-t-il en riant. Le rire se poursuit lorsqu’il se remémore la dernière fois où il a remporté un prix. C’était en 2009, lorsqu’il a été désigné meilleur employé à temps partiel de la chaîne de fast-food où il travaillait. «Disons qu’il y a eu du chemin depuis…»

Sa victoire lui semble d’autant plus surréaliste car Pliny Soocoormanee explique qu’il n’a pas toujours été activiste. Il est tombé dans ce rôle un peu par hasard. Lorsqu’il est arrivé en Angleterre, non seulement il ne connaissait personne, mais il n’avait même pas fait son coming out. Tout a commencé en 2012, lors de la campagne autour de la loi concernant le mariage pour tous en Angleterre. «Il y avait bien évidemment des gens contre, avec des arguments qui ne tenaient pas la route. Ils parlaient de la fin de la civilisation, entre autres.» Son compagnon de l’époque avait fait un post sur Facebook pour dénoncer ces arguments. «Je lui ai demandé ce que cela allait changer. Il m’a dit de faire quelque chose moi-même.» C’est ce qu’il a fait.

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Pliny Soocoormanee a organisé une journée de signature de pétition à l’université de Wolverhampton, où il étudiait. Il a invité les conseillers municipaux et les élus parlementaires de la région. Il a aussi organisé une rencontre entre les habitants de la ville et les élus pour leur demander de voter pour la loi. Sur les trois élus, deux ont voté pour. Pendant cette période, il a également contacté plusieurs organisations régionales et nationales, dont la Peter Tatchell Foundation, l’une des organisations non gouvernementales (ONG) les plus influentes, qui milite pour les droits humains et des LGBT. «Peter Tatchell a été l’un des premiers à répondre. Il m’a donné des conseils sur la manière de procéder et m’a informé qu’il y aurait peut-être une ouverture à la fondation. Un an après, j’ai été interviewé et depuis, j’y suis.»

Durant ses années au sein de la fondation, certaines actions l’ont particulièrement marqué. Il se souvient de l’une des premières manifestations auxquelles il a participé. C’était pour le droit des Arabes Ahwaz. Avec Peter Tatchell, le fondateur de l’ONG, et d’autres activistes, il a mené une action contre une rencontre à Londres. Cela a fini par une détention policière. «À l’époque, j’avais peur ; je craignais la déportation», dit-il. Puis, avec d’autres militants, il a mis en place la première marche des Fiertés à Wolverhampton. «C’est une petite ville. Le jour de cette marche, il pleuvait. Il y avait peut-être une vingtaine de personnes.»

Les choses ont évolué au fil des années. Aujourd’hui, d’autres organisations ont pris les rênes, et la marche est plus conséquente, plus inclusive et attire même des contre-manifestants. Ou encore, l’année dernière, lorsqu’il était en Inde, lors de la rencontre du Comité olympique pour décider de l’attribution des Jeux de 2036. «Le but était de dire aux organisateurs qu’il fallait prendre en considération les droits humains lors de cette attribution.» Il s’est retrouvé, toujours avec Peter Tatchell, en house arrest dans son hôtel. Et pendant les moments où il pouvait sortir, il était suivi par des policiers en civil. «Je me rendais bien compte que c’était quand même un traitement de faveur, car si nous étions des activistes locaux, la police ne nous aurait pas traités de la même manière.»

Plusieurs casquettes

Lorsque le fondateur était à Moscou ou au Qatar, Pliny Soocoormanee a travaillé en coulisses pour assurer la logistique du voyage et des actions menées dans ces pays. Plus récemment, il a manifesté contre la visite de l’émir du Qatar à Londres. C’était une petite manifestation. «Mais nous avons eu une couverture de la BBC. Nous n’avons rien stoppé, mais le roi et l’émir nous ont vus. Le message est passé», dit-il.

Depuis son arrivée à la fondation, il a grimpé les échelons et est aujourd’hui Executive Officer de l’organisation. Mais il a plusieurs casquettes. Guider les demandeurs d’asile dans les méandres de l’administration fait partie de ses responsabilités. C’est d’ailleurs le volet de son travail qui le touche le plus. «Je me sens fier lorsque je reçois des mails de réfugiés que j’ai aidés, et qui me disent qu’ils ont désormais une nouvelle vie, que j’ai été le premier à les écouter et à croire en leur histoire. Cela veut dire que j’ai fait quelque chose de tangible.»

Cependant, il ajoute que même aujourd’hui, il ne pensait pas recevoir un prix pour cela, car dans sa tête, il faisait juste ce que n’importe qui d’autre aurait fait. «J’essaie de soulager les souffrances. Même lorsque je ne peux pas aider une personne, j’apporte un soutien moral. J’écoute et je conseille.» Mais il y a toujours des moments de doute, des moments où il est assiégé par le syndrome de l’imposteur, car il y a toujours ceux qui lui disent que ses actions ne changent pas des vies.

Le National Diversity Award regroupe plusieurs catégories de défenseurs des droits humains. Pliny Soocoormanee explique que son travail au sein de la Peter Tatchell Foundation l’a mis en contact avec des groupes souvent oubliés. Il a mené une campagne pendant la guerre au Sri Lanka, un conflit méconnu selon lui. Son prix, il l’a dédié au groupe d’activistes LGBT afghans Roshaniya. Dans son discours, il a aussi mentionné l’oppression du peuple palestinien. «La cause palestinienne n’est pas nouvelle. Peter Tatchell soutenait le peuple palestinien depuis le début du conflit, avant même ma naissance.»

Et Maurice ? L’activiste estime que la victoire concernant le jugement sur la section 250 de la Constitution est énorme, mais le combat ne s’arrête pas là. Désormais, il faut l’égalité dans tous les domaines.