Publicité
Questions à… Victor Genestar
«Nous sommes prêts à payer pour un permis de vente d’alcool, mais la loi nous en empêche»
Par
Partager cet article
Questions à… Victor Genestar
«Nous sommes prêts à payer pour un permis de vente d’alcool, mais la loi nous en empêche»

Au Chateau Labourdonnais, pendant le festival La Isla, samedi, Victor Genestar (à dr.) a pu compter sur le soutien de Thomas Bordese du festival de La Reunion, Electropicales.
«L’histoire se répète. Le changement tant espéré n’aura pas lieu.» C’est ainsi que Victor Genestar, organisateur du festival la Isla 2068, a annoncé que 48 heures avant le festival, qui a eu lieu le samedi 10 mai, «le couperet de la police est tombé : l’événement est autorisé sans vente d’alcool». Comme cela représente un gros manque à gagner, c’est l’avenir de ce rendez-vous musical qui est en jeu.
Comment se porte le festival La Isla 2068, alors que les restrictions en vigueur avant le 10 novembre 2024 sont toujours appliquées ?
La Isla survit. Nous avons la chance d’être bien accompagnés par tous nos partenaires.
Comprenez-vous pourquoi 48 heures avant le festival du samedi 10 mai, la police annonce sa décision alors que la demande d’autorisation de La Isla 2068 a été soumise plusieurs mois à l’avance ?
Cela fait trois ans que nous avons compris que les autorités considèrent nos demandes au dernier moment. La nôtre a été faite plusieurs mois en avance. Mais il y a toujours des imprévus. Cette fois-ci, alors que nous avons suivi les procédures de longue date, le lundi 5 mai, on nous demande une déposition du responsable de l’équipe de sécurité privée qui sera déployée sur le festival. Les autorités auraient pu la demander il y a un ou deux mois de cela.
C’était un nouveau responsable de la sécurité ?
Nous travaillons avec la même personne depuis dix ans. Nous avons fini par comprendre que la police ne regarde le dossier qu’entre sept à dix jours avant la date prévue de l’événement (NdlR : La Public Gathering Act stipule que la demande d’autorisation au commissaire de police doit être faite pas moins de sept jours ouvrables avant la date prévue de l’événement). C’est le même constat chaque année. Cela fait deux ans que nous nous battons pour que les choses changent, pas uniquement au sujet de la vente d’alcool, mais pour ce qui concerne l’organisation d’événements en général. Depuis janvier 2025, nous sommes en contact avec la nouvelle équipe gouvernementale au bureau du Premier ministre adjoint.
Donc vous êtes allés plus haut que le ministère des Arts et de la culture.
C’est un ministère dont l’agenda est guidé par les fêtes religieuses, c’est triste. Qu’il y ait un ministère de la Culture qui soit un soutien pour les artistes et organisateurs. Ce serait une bonne nouvelle pour Maurice.
Nous sommes allés vers ceux qui à priori pouvaient nous aider, les autres n’ayant aucun pouvoir pour faire bouger les lignes.
Quel accueil y avez-vous reçu ?
L’accueil est très bon, le dialogue est très constructif. Après trois mois d’échanges, les retours étaient très rassurants sur la forte possibilité d’obtenir un permis de vente d’alcool, d’où notre énorme frustration à 48 heures de l’événement, quand l’interdiction de la vente d’alcool a été à nouveau appliquée. Nos interlocuteurs au gouvernement ou dans la police y croyaient plus que nous. On espérait qu’une solution serait trouvée, mais il n’y en a pas eu. Nous avons perdu un temps précieux dans des démarches administratives interminables. Depuis au moins trois ans, il n’y a pas une seule manifestation hors zones hôtelières et bars qui a obtenu un permis de vente d’alcool en bonne et due forme. Soit il y a eu des arrangements, un bricolage, avec un restaurant qui a le permis de vente d’alcool. Soit, il y a eu des dessous-de-table. Le système actuel ouvre la porte à l’illégalité et pénalise les plus professionnels.
Nous, on pense au modèle du Sakifo, à des festivals en Europe, en Asie, dans des villes qui ont de l’avance sur Maurice. Aujourd’hui, nous sommes parmi les derniers festivals à continuer d’exister.
C’est tout de même incroyable : nous réclamons un cadre légal, nous sommes prêts à payer pour un permis en bonne et due forme pour la vente d’alcool, mais la loi actuelle nous en empêche. Par contre, de manière opaque, d’autres événements parviennent à opérer en vendant de l’alcool.
Cette nouvelle interdiction de vente d’alcool c’est encore un manque à gagner conséquent pour le festival. Quel est son avenir ?
Dans le monde des festivals de musique, que l’événement soit avec ou sans alcool n’empêche pas le public de boire. Si on autorise la vente d’alcool, nous avons une équipe de sécurité pour assurer que tout se passe bien.
Nous avons proposé que des associations soient présentes à la sortie du festival pour sensibiliser le public au covoiturage, avec des alcotests. Nous avons un public suffisamment responsable pour boire librement.
Il y aura d’autres éditions du festival ?
Si on ne le fait pas, La Isla Social Club n’existe plus. J’ai créé un festival qui rassemble du public de tous horizons. Je l’ai pensé sans frontières, ce sont les autorités qui nous imposent des barrières. Nous ne pouvons pas exister et grandir sans la vente d’alcool. Dans le monde des festivals de musique il n’y a pas de business model qui fonctionne comme ça. Nous sommes satisfaits du retour du public (NdlR : environ 3 000 personnes), mais comment séduire de nouveaux publics notamment des touristes avec un festival qui est pénalisé. Nous gardons espoir que la loi et les mentalités changent mais quelle lenteur. Si l’an prochain la situation n’a pas évolué, il faudra réduire la voilure avec un festival moins conséquent. Puis prendre une décision : soit continuer, sans ambitions soit arrêter.
Publicité
Publicité
Les plus récents




