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Le kreol morisien s’installe mais de quel KM… parle-t-on ?

2 mai 2025, 22:00

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Le kreol morisien s’installe mais de quel KM… parle-t-on ?

La population mauricienne dans son ensemble approuve le nouveau statut du kreol morisien (KM) parlé par 95 % des habitants. C’est le véritable ciment d’un mauricianisme toujours en devenir. Il y aura toujours des voix contre cette évolution.

Un comité de spécialistes doit abattre un gros travail pour adapter le KM aux travaux parlementaires. Des travaux qui avanceraient lentement et dont le citoyen n’est pas tenu au courant. Faudrait mettre les bouchées doubles ? La speaker semble s’en être rendue compte. Aussi, elle a pris le taureau par les cornes en instituant un ou des comités pour hâter l’introduction du KM au Parlement élu par… le peuple.

Embûches à éviter

Les parlementaires devront éviter la vulgarité, voire les grossièretés. Gare aux harangueurs patentés. Voilà qui justifie l’introduction des cours aux parlementaires qui le désirent. Ils seraient nombreux. La question fondamentale demeure : quel type de KM va-t-on utiliser car nous savons tous qu’il existe divers types de créole parlé. Balayons ce qu’on appelle le gro kreol souvent parfumé aux effluves de l’alcool ou suite à des bagarres. Encore faudrait-il ici ne pas tomber dans le préjugé trop longtemps constaté chez ceux qui considèrent que le KM est une langue vulgaire. Les tenants de cette aberration attendent au tournant.

La réplique est simple. Toute langue peut être vulgaire, même celle de Shakespeare. Avez-vous essayé de compter le nombre de fois que le mot tant honni fuck figure dans les chansons de rap sur lesquels on danse même. Faites le décompte aussi pour ass. La langue française peut également être vulgaire. Passons sur les chansons paillardes dans certaines fêtes bien arrosées. Sans le vouloir, nous employons même des termes français sur lesquels il faudrait tirer la chasse d’eau.

Pas la peine de citer des exemples p… ! Oups désolé. Est vulgaire celui qui veut l’être, et ce, dans n’importe quelle langue. Pourquoi alors incriminer seulement le KM ? Qu’en penserait le génial Serge Gainsbourg et même Brassens ? Vous voulez des chansons fes… tives dans la… langue de Molière ? Alor pa zis KM ki kapav vulger. Nek an KM ki sap lor kal?

Sur le plan musical, il faudrait mettre de côté quelques ségas dont nous sommes les seuls à saisir le double sens. Et les touristes qui reprennent ces paroles en s’initiant au séga sur la piste pendant que les locaux rigolent en douce. Vous avez oublié Séga sousou dans les années 70 ou plus récemment celui sur le fait de pomper le pneu crevé de la bicyclette ? Allons, ne soyons pas des hypocrites.

KM francisé

Ou si vous préférez, français créolisé avec aussi des anglicismes pour concocter enn kari brouye. C’est notre quotidien au bureau, au domicile, à la radio ou au JT. Nous allons même parfois ajouter quelques mots en malgache sans le savoir ou empruntés à Bollywood. Paisa naiba! C’est ce qui fait aussi tout le charme de notre KM.

Pour pratiquer le créole francisé, encore faudrait-il maîtriser la langue française, ce qui n’est pas donné à tout le monde. Nous voilà donc obligés d’utiliser un KM châtié et non francisé ou anglicisé. Compliqué non ?

Attendez, ce n’est pas fini. Un bon nombre de nos compatriotes admettent qu’ils ne savent pas s’exprimer correctement en KM. Interrogez vos proches, vos amis et vous serez surpris par leur réponse. On nous a tellement bourré le crâne pendant des années qu’il ne fallait pas s’exprimer en KM, que c’était vulgaire, mal élevé, qu’il fallait bannir ce patois dans la bonne société. Un certain nombre n’a peut-être pas eu droit à l’environnement du créole, d’où leurs lacunes. Comment rectifier le tir maintenant ?

KM aseptisé

Un plus grand danger guette le KM. Il ne faudrait pas que nos parlementaires ne s’expriment plus que dans un KM aseptisé, voire stérilisé. Bref, un créole tellement lisse qu’il en perd toute sa verve, sa créativité, ses néologismes, ses idiomes ou expressions propres au KM et non empruntés au français ou à l’anglais, bref son piment qui fait son originalité. Voilà l’objectif.

Les formateurs auront un rôle essentiel à jouer sur ce terrain. Il ne faut pas lui enlever tout son carburant, ce qui fait son essence. Certains s’exprimeraient alors uniquement en anglais ou en français comme il est stipulé dans les standing orders. Seuls quelques backbenchers emploieraient le KM. Petar kanon vinn fizet. Il ne faut pas rater ce tournant historique. Pou bizin zot aprann vre kreol avec tous ses atours. Le KM doit surtout garder tout son humour, même caustique. Des éclats de rire, preuves d’une démocratie. D’où le fait qu’il va falloir choisir de quel KM parle-t-on ? D’un ersatz ou de l’authentique dans lequel le peuple se reconnaîtra aisément.

Enfin, il faudra dissiper toute crainte que cela se ferait au détriment de l’anglais ou du français. Peur d’une baisse de niveau de ces deux dernières langues. Cette baisse existe déjà tant au primaire qu’au secondaire. Le ministère de l’Éducation après une grande consultation préconise un certain nombre de mesures pour rehausser le niveau et baisser l’indiscipline. Mais ce sont là d’autres sujets de préoccupation.

Pa koz ninport!