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Angelo Gopee, directeur général de Live Nation, France

La réussite à l’international d’un enfant de Maurice

19 avril 2025, 22:00

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La réussite à l’international d’un enfant de Maurice

Vu de l’extérieur, on pourrait penser que le Mauricien Angelo Gopee, directeur général de Live Nation France, a la baraka. Mais à l’entendre se raconter, on réalise que pour en arriver là, il y a eu un gros travail derrière. Bien qu’il vive à Paris et voyage souvent, Maurice est toujours dans ses pensées. Il y vient plusieurs fois par an, en parle à tous ceux qu’il côtoie et veut faire s’y produire des vedettes internationales. A terme, son objectif serait d’être nommé ambassadeur de Maurice à Paris pour que cette institution ait sa place dans la cour des grands.

Angelo Gopee est né à Vacoas, il y a 55 ans. Il a un frère aîné, Jean-Marie. Les Gopee habitent La Caverne. Son père Cyril est peintre en bâtiment. Pour pouvoir réaliser son rêve d’avoir une maison à lui, ce dernier et son épouse Hilda quittent Maurice pour la France, confiant leurs enfants à leurs grands-parents.

Le couple Gopee s’installe dans le quartier de Belleville à Paris et travaille très dur. Il retient deux souvenirs de sa tendre enfance à Maurice. Il y a d’abord celui de son grand-père l’emmenant avec lui à la boutique lorsqu’il va boire. «Il me déposait sur le comptoir devant lui et buvait, tout en ne me quittant pas des yeux. Il se faisait engueuler par ma grand-mère en rentrant.» Et celui de sa grand-mère, qui était souvent à l’église, animant le mouvement charismatique.

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Les Gopee viennent récupérer leurs enfants quand Angelo a trois ans. Ils vivent deux ans à Belleville avant que le père de famille n’achète une maison à St Ouen. La vie est dure mais les enfants Gopee ne manquent de rien. «Mes parents nous ont inculqué des valeurs et on se satisfaisait de peu», se souvient-il. Ses parents se serrent la ceinture et parviennent, après plusieurs années, à acheter une maison à La Preneuse.

C’est à 11 ans qu’Angelo Gopee et son frère redécouvre Maurice car ses parents les envoient auprès de leur grand-mère en vacances pour deux mois. Il retrouve sa famille élargie et ses cousins. «Ce fut des vacances extraordinaires.» Angelo Gopee grandit et pour se faire de l’argent de poche et voyager, lui et son frère montent l’association l’IZB. Et un samedi par mois, de midi à 17 heures, ils organisent un après-midi dansant payant sous le préau d’un collège. A l’époque, la culture musicale émergente est le rap et le hip-hop et ils font les jeunes des banlieues les découvrir. A l’âge légal de 18 ans, Angelo Gopee organise des soirées au cours desquelles leurs parents tiennent le bar et leur oncle s’occupe de la sécurité. Avec les premiers bénéfices de ces évènements, lui et son frère organisent un premier voyage en Hollande.

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Coach de tennis

Angelo Gopee n’étudie pas jusqu’au baccalauréat car il veut être coach de tennis. De ce fait, il participe à un programme sports-études où il paie ses études en se levant à 3 heures pour être coursier et livrer des journaux. Avec l’argent des soirées, il se rend, avec une cinquantaine de jeunes de l’IZB à New-York et y rencontre des artistes. A la suite de ce premier voyage, ils organisent leur premier concert, le 9 juin 1989 à l’Elysée-Montmartre. A la surprise générale, ils remplissent la salle de 1500 places rien qu’avec du street marketing.

Mais Angelo Gopee, qui a Maurice dans la peau, retrouve son île natale pour travailler comme coach de tennis. Le président de la fédération d’alors l’engage pour qu’il donne des cours à Triolet et comme il a le contact facile, au bout de deux semaines, les joueurs boudent l’autre coach pour suivre son cours. Le trajet épuisant entre Vacoas et Triolet en autobus a raison de ses meilleures intentions. Il repart pour Paris. Au milieu des années 90, ses parents regagnent Maurice pour jouir de leur retraite.

Angelo Gopee se met à organiser des concerts plus régulièrement. L’une des premières opportunités qui se présente à lui en 1993 est lorsque le patron de Polygram (Universal Music) l’appelle. «On lui aurait rapporté que j’étais le spécialiste du rap et il m’a contacté pour me proposer d’être label manager. J’ai dit oui. Ce qui m’a permis d’avoir une vision et un autre statut social.» Trois ans plus tard, il décide de repartir à 100 % dans le live et organise de grosses tournées pour des groupes comme IAM, NTM, les Fugees, les Back Street Boys, les Black Eyed Peas, entre autres.

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En 1999, après de multiples déceptions d’entreprenariat, Angelo Gopee regagne Maurice et fait une incursion inattendue dans la politique, d’abord comme Campaign manager pour Alan Ganoo qu’il contribue à faire élire, puis comme son conseiller lorsque celui-ci est nommé ministre des Utilités publiques. Marié et père de deux enfants, Tamia, aujourd’hui 27 ans, qui travaille dans le service Events chez Dior, et Joshua, 25 ans, producteur de vidéos – il serait sans doute resté à Maurice si son beau-père, qui possédait une agence de voyages à Paris, n’était pas décédé subitement. Son épouse ne voulant pas laisser sa mère toute seule, lui et les siens repartent pour Paris pour aider son beau-frère Christian Davy et sa belle-soeur Miline à gérer l’agence de voyages à laquelle Angelo Gopee adjoint un tour-opérateur, rebaptisant le business Île Maurice Voyages. C’est ainsi qu’il fait venir de grands groupes à Maurice comme Jacadi, le Figaro, le Monde.

En 2004, Angelo Gopee reçoit un appel qui va le ramener vers la musique. «Mon interlocuteur m’a proposé de produire le concert de Britney Spears. J’ai accepté. Le Zénith était rempli.» Lui et plusieurs amis ont alors monté la société Nous Productions et ont produit des artistes comme Robbie Williams, Rihanna, Kanye West, Lady Gaga, The Pussycat Dolls, Justin Timberlake pour ne citer qu’eux.

Son aventure avec Live Nation de Los Angeles a démarré après un coup de fil, le 30 novembre 2009. Live Nation est le plus grand organisateur de concerts, de spectacles, de festivals, boîte de management et de billetterie au monde, qui a à son actif l’organisation de 48 000 concerts par an dans 43 pays. Une offre d’ouvrir une filiale à Paris et d’en être le Chief Executive Officer ne se refuse pas. Angelo Gopee l’a saisie. Ayant démarré à deux, ils sont aujourd’hui 150 collaborateurs à Live Nation France, qui produit 3 000 concerts par an.
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Angelo Gopee est constamment en déplacements pour aller voir les artistes qu’il produira quelques mois plus tard en France, en découvrir de nouveaux et se familiariser aux nouvelles tendances musicales. Comment arrive-t-il à prendre le pouls du public pour savoir ce qui marchera ou pas ? «On ne le mesure pas. C’est un métier de schizophrène. Cela ne s’apprend pas.»

Appelé à évoquer sa légendaire discrétion et sa simplicité, il est persuadé que cela vient du fait qu’il soit Mauricien. «Nous, les Mauriciens, nous sommes réservés et au service des gens. Les meilleurs métiers de service sont entre les mains des Mauriciens. Ce sont des gens qui savent rester à leur place. Je suis à ma place derrière la scène et pas sur la scène. Maintenant, si on a besoin de moi pour parler, encourager, aider et transmettre, je serai là à 100 %.»

Il n’a pas de but ultime dans la vie. «J’avance au quotidien. Ma passion c’est le travail. Je me lève, j’écoute de la musique, je lis les journaux car tout a un impact sur nous. C’est primordial dans ce qu’on fait. On prend des risques. La plupart du temps ça marche. Le plus important dans mon travail c’est de découvrir des artistes, de manager des gens, les écouter, les mettre dans des conditions de travail optimales, les faire progresser et les rendre heureux. Ma devise est prendre soin de soi c’est prendre soin des autres.»

Absence d’infrastructure pour concerts

En tant que fils du sol, il aurait voulu produire des concerts et spectacles à Maurice comme il l’a fait avec Bharati en 2008, avec l’acteur et humoriste Thomas N’Gijol l’an dernier et ce mois-ci avec Devdas. Le plus gros problème à Maurice, dit-il, c’est le manque d’infrastructures adéquates pour la tenue de concerts et le développement des artistes et de la culture locale. «Il manque cruellement une salle de 1 500 à 2 000 places», estime-t-il.

Et les stades ? «Le moins mauvais est le stade Anjalay mais les normes de sécurité, de sûreté, les règlements des pompiers ont changé et il faudrait y faire un état des lieux et à partir de là faire des recommandations.» Lui et son équipe ont fait cela en Martinique dans les Antilles françaises et cette île a désormais le plus grand lieu de concert des Caraïbes. Il a d’ailleurs fait le rappeur Kalash s’y produire. «Si on l’a fait en Martinique pourquoi ne peut-on pas le faire à Maurice ? Il n’y a pas de volonté de politique culturelle à Maurice. Le seul lien entre la culture et la politique est que les politiques se servent de la culture pour faire de la politique.»

Angelo Gopee voulait faire le chanteur Sting se produire à Maurice cette année et le chanteur britannique est d’accord mais là encore, ils ont buté sur le lieu pour un tel concert. Est-ce fichu ? «C’est reculer pour mieux sauter. Espérons qu’il y aura des changements à ce niveau avec le nouveau gouvernement».

Angelo Gopee a quitté Maurice vendredi dernier pour Los Angeles afin de voir le début de tournée de la chanteuse Beyonce, qu’il produira en juin à Paris et examiner toute la logistique derrière. Il passera la fête de Pâques avec sa mère Hilda à Maurice et repart le lendemain pour aller préparer les concerts de Beyonce puis ceux de DJ Snake au stade de France et celui de Dua Lipa à la Défense. Après quoi, il produira Billy Eilish, Imagine Dragons, Linkin Park, Chris Brown, Kendrick Lamar, Black Pink, entre autres.

D’ici juillet, il aura complété sa biographie intitulée «Bac-1», qui paraîtra aux éditions Clique en décembre. Un titre en référence au fait qu’il n’ait pas obtenu son baccalauréat. «La seule chose que j’ai demandé à mes enfants, c’est d’obtenir leur bac.» Ils l’ont écouté. Avec ce livre, il veut dire aux jeunes qu’il est possible, avec de la volonté, de réaliser de belles choses et que «les échecs et les défaites sont le début des plus belles victoires.»

Il négocie actuellement avec le J & J auditorium pour y faire rejouer Devdas à l’occasion des fêtes de fin d’année et est en discussion avec la Mauritius Tourism Promotion Authority. Il pense à une dizaine de représentations.

Il fait tellement la promotion de Maurice là où il passe qu’il pense sérieusement que la prochaine étape dans sa vie sera d’être nommé ambassadeur de Maurice à Paris. «Je le suis déjà officieusement. J’organise des soirées pour l’indépendance de Maurice, je reçois régulièrement pour encourager les gens à investir à Maurice. Je veux mettre Maurice en avant. Ma seule projection dans le futur c’est d’être ambassadeur et au service de mon pays. Il y a tellement de choses à faire avec la France, avec l’Europe, notamment pour éradiquer la pauvreté à Maurice. Ce n’est pas possible d’avoir des villas à quatre millions d’euros sur les côtes Nord et Ouest et en face de ces morcellements luxueux des maisons en tôle dépourvues d’infrastructures. La justice sociale est importante. Je veux que les Mauriciens soient aussi fiers de leur île que je le suis et continuer à être exemplaires et à vivre en paix et en harmonie.»