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Propriétaire de chevaux

Hippisme : Entre passion et réalité financière

28 juin 2025, 19:00

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Hippisme : Entre passion et réalité financière

■ Le paddock du MTC retrouvera son activité après deux années.

Quel turfiste ne s’est pas imaginé descendre sur la piste du Champ-de-Mars sous la clameur de la foule pour ramener son coursier dans le box gagnant du Mauritius Turf Club (MTC) ? S’ils sont nombreux à caresser ce doux rêve, une bonne assise financière reste incontournable pour ne pas se brûler les ailes.

«Na pa krwar ou pou vinn ris ar sa. Boukou finn vini ek boukou finn ale koumsa», nous explique un gros propriétaire du giron, qui a souhaité garder l’anonymat. De tout temps, les courses hippiques ont été une affaire de gros sous et par les temps qui courent, il faudrait, selon lui, réfléchir à deux fois avant de se lancer dans une telle aventure. «Il faut vraiment avoir la passion des chevaux car cela demande un gros investissement initial, sans compter les frais mensuels pour maintenir cet athlète – car c’est bien d’un sportif que nous parlons ici – en bonne santé.»

Du coup, il faudrait que le stakesmoney (dotation de courses) soit suffisamment élevé pour encourager le propriétaire de chevaux – maillon essentiel de l’industrie – à continuer à investir. «Soyons francs: sans nous, il n’y a pas de courses ! Ces dernières années, le stakesmoney a connu une baisse drastique. There are big expectations from the MTC», estime notre interlocuteur, pour qui la parenthèse People’s Turf a causé bien des désagréments aux propriétaires de chevaux, notamment avec certains propos jugés «maladroits» envers une certaine frange de ces stakeholders vitaux de l’industrie.

«Stakesmoney» dérisoire

Mais qu’en est-il de l’aspect financier justement ? Il faut dire que la facture peut donner le tournis. Entre le prix d’achat du coursier, sa quarantaine, son fret et tous les frais annexes, dont le salaire d’un jockey étranger qui peut coûter en moyenne Rs 300 000 par mois, il faut compter une petite fortune pour que le rêve de devenir propriétaire se matérialise. Et c’est sans compter les frais mensuels (keeps) que tout propriétaire s’acquitte envers l’entraîneur de son cheval pour le maintenir en bonne santé (voir tableau). «Rien que les frais de la quarantaine en Afrique du Sud et le fret peuvent coûter au bas mot Rs 800 000 à Rs 900 000. De cette somme, il faudra rajouter environ Rs 25 000 pour acheminer un coursier de Johannesburg vers Cape Town pour qu’il prenne l’avion pour Maurice.»

Le jeu en vaut-il finalement la chandelle ? Le betting devientil inévitable pour équilibrer les comptes ? «Tous les gros propriétaires ne sont pas des parieurs invétérés. Mais la réalité financière finit par vous rattraper. Avec du stakesmoney dérisoire, le betting devient bien souvent une partie intégrante de la vie d’un propriétaire.» Quitte à s’associer à des bookmakers clandestins ? «Il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier, mais vous voyez un gros propriétaire se balader avec disons Rs 100 000 en liquide sur lui ?» À ce titre, notre interlocuteur estime que les nouvelles législations à venir concernant notamment l’internet betting ne pourront qu’être salutaires pour l’industrie.

Par ailleurs, une réduction substantielle de la betting tax permettrait de faire «respirer» ce secteur d’activité. La volonté du gouvernement à accorder une licence de totalisator au MTC est saluée car elle ne pourra qu’aider à renflouer l’organisateur, mais l’industrie a besoin de bien plus pour se relever. «Les décisions tardent trop. Prenez le fret, par exemple. Il avait été question de pourparlers avec différents prestataires pour revoir le système d’importation. À ce jour, aucune avancée majeure, ce qui est vraiment dommage.»

Il serait aussi important de rappeler que tout aspirant propriétaire doit passer par la case Personal Management License (PML), renouvelable chaque trois ans contre une somme d’environ Rs 15 000 actuellement (voir la checklist en annexe).

Si celle-ci a été décriée pour son usage à caractère politique dans le passé, notre interlocuteur soutient que le maintien de la PML est nécessaire pour s’assurer que l’intégrité règne au sein de l’industrie. «Il ne faudrait cependant pas s’arrêter là. Il serait souhaitable que les autorités fassent le ménage pour permettre au MTC de se remettre sur pied. Tous ceux qui ont contribué à sa chute devraient être mis à l’écart. Ce n’est que de cette façon que l’on pourra redonner de la crédibilité au secteur hippique.»

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Infos requises pour la Personal Management License (PML)

⚫ Détails sur l’emploi du demandeur

⚫ Source des revenus

⚫ Curriculum vitae

⚫ Trois dernières fiches de paie

⚫ Relevé bancaire des six derniers mois

⚫ Dernière déclaration d’impôts

⚫ Business Registration Number

⚫ Déclaration des avoirs et dettes

⚫ Certificat de moralité

Arveen Nagadoo : «Il faut au moins Rs 886, 000 pour acquérir un bon cheval»

Le horse ownership n’est toutefois pas qu’une affaire de gros propriétaires car ils sont des centaines à vivre leur passion, selon leurs moyens, en se regroupant ou en faisant partie d’un syndicat. Ce concept, qui connaît un certain succès en Afrique du Sud, pourrait bien s’appliquer au turf mauricien. Les Rules of Racing en font d’ailleurs provision.

Arveen Nagadoo, qui devrait avoir son écurie cette année, est familier du concept. «Je suis le nominee pour le River Palace Syndicate en Afrique du Sud, qui regroupe une cinquantaine de propriétaires. Chacun gère son syndicat à sa façon, mais notre modèle consiste à ce que les propriétaires prennent au minimum 5 %-10 % de parts dans un cheval avec l’idée d’amener les chevaux à Maurice par la suite. Comme je démarre mon écurie au Champ-de-Mars cette année, le syndicat est en mode pause actuellement. Ce n’est que vers la fin de cette année que nous ferons de nouvelles acquisitions sur le marché des yearlings.»

Selon le jeune professionnel, la syndicalisation permet d’acheter plus de chevaux de qualité vu que l’investissement est pris en charge par plusieurs propriétaires. «Pour un coursier compétitif, il faut compter au moins Rs 886 000 aujourd’hui alors que dans le passé, vous pouviez trouver un bon cheval à Rs 507 000 environ. Plus il a des qualités, plus son prix sera élevé. Il faut y ajouter la TVA de 15 % sur le coût du cheval. Imaginez que vous achetez un cheval à Rs 1 million, il vous faut trouver Rs 150 000 additionnelles pour la TVA, sans compter le fret, les coûts relatifs à sa quarantaine en Afrique du Sud, etc.»

Quid du profil de ces propriétaires ? «Ils sont de plus en plus jeunes à vouloir devenir propriétaire. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce n’est pas l’aspect du betting qui les motive. Ils sont régulièrement au training à mes côtés. C’est une énorme source de motivation pour moi. Et le retour du MTC a définitivement apporté un nouvel engouement car on voit beaucoup de gens qui reviennent, de même que de nouveaux investisseurs. Retrouver le paddock et enjoy les courses dans les loges est quelque chose qui a toujours un certain attrait.»

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