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Patrimoine National I Grand-Bassin devient sanctuaire spirituel

De quoi laver les fautes de la «stag party» ?

15 décembre 2023, 14:00

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De quoi laver les fautes de la «stag party» ?

Le site du Grand-Bassin est majoritairement constitué de terres de l’État, sous la responsabilité du service des Bois et Forêts.

Le vendredi 8 décembre, le Conseil des ministres a annoncé que Grand-Bassin sera classé patrimoine national, sous le nom de «Ganga Talao Spiritual Sanctuary». Est-ce une mesure d’assainissement après le scandale de l’affaire «stag party» ?

Grand-Bassin avait déjà une aura religieuse. Le voici officiellement en odeur de sainteté. Le vendredi 8 décembre, le Conseil des ministres a annoncé que le site sera inscrit sur la liste du patrimoine national. Après la promulgation des règlements «appropriés», le site sera connu comme le Ganga Talao Spiritual Sanctuary.

Ce projet est mentionné dans le Budget 2023-2024, intitulé Oser & Protéger, présenté le 2 juin. Une ligne y dit que «pour revaloriser et protéger le paysage culturel, nous allons prévoir la création d’un parc spirituel à Grand-Bassin».

Qui est le propriétaire du Ganga Talao Spiritual Sanctuary ? Le ministère des Arts et du patrimoine culturel indique que le site est majoritairement constitué de terres de l’État, sous la responsabilité du service des Bois et Forêts du ministère de l’Agroindustrie. «Les associations obtiennent des baux pour leurs temples.» En sus d’être un sanctuaire spirituel, «c’est aussi un site naturel. Il faut aussi protéger sa biodiversité».

Qu’est-ce qui change avec l’inscription du Ganga Talao sur la liste du patrimoine national ? «Le site sera désormais légalement protégé. Il y aura des contrôles concernant les développements sur place. Il y a eu des constructions illégales dans le passé. Désormais, parmi les autorisations à obtenir, il faudra celle du National Heritage Fund (NHF) avant d’aller de l’avant avec tout développement.»

L’annonce que Grand-Bassin devient un patrimoine national suscite une série de questions chez Armaan Shamachurn, président de SOS Patrimoine en péril. À commencer par la définition même de parc spirituel sous la NHF Act, «ce qui n’existe pas encore dans cette loi».

«Où commence Grand-Bassin, où s’arrête-t-il ? Dans sa forme actuelle, la liste du patrimoine national contenue dans la NHF Act ne fournit pas de fiche technique avec les sites inscrits.» Il note que le même souci s’est présenté quand le quartier de Chinatown, à Port-Louis, était proposé comme patrimoine national potentiel. «Dans le cas du Champ-de-Mars, quand nous avons demandé pourquoi le site dans sa globalité n’est pas classé patrimoine national, on nous a expliqué que cela aurait ajouté des complications administratives aux futurs projets de développement.»

Mais au-delà des considérations purement historiques liées au site, Armaan Shamachurn se demande si cette décision «neserait pas liée à l’affaire stag party. Est-ce une mesure de damage controlpour montrer que les autorités assainissent Grand-Bassin en le transformant en parc spirituel ?»

Ce qui étonne ce défenseur du patrimoine : «De tous les dossiers de demandes d’inscription sur la liste du patrimoine national qui dorment dans les tiroirs du ministère des Arts et du patrimoine culturel, la priorité a été donnée à un site en particulier, Grand-Bassin.»

Un lieu qui a été cité dans le scandale de l’affaire stag party révélé en avril par le whistleblower Keegan Etwaroo. Il a fait une série d’allégations de pots-de-vin contre l’Attorney General et ex-ministre de l’Agro-industrie Maneesh Gobin et l’ex-Parliamentary Private Secretary (PPS) Rajanah Dhaliah pour l’octroi d’un bail pour un terrain de chasse à Grand-Bassin. Il a notamment raconté comment il aurait organisé une fête – la stag party – dans un chassé à Grand-Bassin.

Ce scandale a entraîné l’arrestation de Rajanah Dhaliah par l’Independent Commission against Corruption. Il a démissionné comme PPS tout en gardant son siège de député. Fin août, un remaniement ministériel a remplacé Maneesh Gobin par Vikram Hurdoyal au ministère de l’Agro-industrie. La stag party a aussi donné lieu à des poursuites judiciaires entamées par le pandit Vivek Pursun.

Armaan Shamachurn attend la publication officielle des règlements concernant le Ganga Talao Spiritual Sanctuary pour savoir s’ils «limitent les activités autour de Grand-Bassin». Il rappelle que SOS Patrimoine en péril a déjà demandé que Grand-Bassin soit classé patrimoine national. En spécifiant que cette mesure devait s’accompagner d’un cadre pour réglementer «l’action du National Task Force concernant Maha Shivaratree qui fait régulièrement couper des arbres pour agrandir les parkings à Grand-Bassin. Est-ce qu’en classant Grand-Bassin comme patrimoine national, ces pratiques vont cesser ?» À titre d’exemple, le rapport annuel de 2018 du service des Bois et Forêts indique que «durant l’année écoulée, environ un hectare de pinus elliottii (NdlR, la variété des pins à aiguilles longues) a été enlevé des terres de l’État à Mangin, Grand-Bassin, pour la création d’un parking».