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Économie et budget
Deux stratégies, un seul cap
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Économie et budget
Deux stratégies, un seul cap

À quelques semaines de la présentation du Budget 2025-26, l’économie mauricienne se trouve dans un entre-deux assez périlleux. D’un côté, une politique fiscale qui cherche à regagner la confiance des ménages et des investisseurs. De l’autre, une politique monétaire engagée dans une opération de sauvetage pour maîtriser l’inflation et stabiliser la roupie. Deux stratégies apparemment distinctes, mais qui, comme les deux faces d’une même pièce de monnaie, ne prennent leur véritable sens qu’en tandem.
Dans sa réponse au Parlement ce mardi, le Premier ministre et ministre des Finances, Navin Ramgoolam, a esquissé un plan chirurgical de la situation macroéconomique héritée de l’ère précédente. L’inflation, qui culminait à 11,3 % en février 2023, est certes redescendue à 2,5 % en mars 2025. Le redressement est indéniable, mais il reste fragile – en raison des chocs exogènes persistants (dont la guerre commerciale américano-chinoise, les tarifs douaniers imposés par Trump) ; du «backlog» en devises; des effets sociaux latents et d’une politique budgétaire expansionniste (la compensation salariale et les dépenses sociales, entre autres).
Le chef du gouvernement a ainsi énuméré ce qu’il qualifie d’«erreurs de pilotage de la Banque de Maurice avant novembre 2024», notamment le relèvement tardif et insuffisant du taux directeur, l’assouplissement préélectoral jugé «politique», et surtout une monétisation massive du déficit budgétaire par le biais d’une impression de Rs 186,5 milliards. Ces pratiques ont alimenté une spirale inflationniste et une dépréciation accélérée de la roupie, minant la capacité d’achat et les importations vitales du pays.
Selon Ramgoolam, depuis la nomination d’un nouveau management à la tête de la Banque centrale, en novembre 2024, la coordination serait de retour. Le gouverneur Rama Sithanen, ancien ministre des Finances lui-même en pas moins de dix occasions, apporte à la Banque de Maurice une rigueur technocratique teintée de lucidité. Le discours de Sithanen, vendredi dernier, résume bien les tensions du moment : «Le passif légué par une décennie de politiques monétaires désinvoltes et un contexte international marqué par l’imprévisibilité commerciale américaine.»
Face à ce «climat d’incertitude renforcée» («heightened uncertainty»), Sithanen a repris les rênes avec une série de mesures classiques mais coûteuses : relèvement du taux directeur, opérations de stérilisation pour absorber l’excès de liquidités, régulation plus stricte des opérations de change et encadrement des transactions en devises. Résultat : une roupie qui s’est appréciée de quelque 4,5 % face au dollar depuis mi-novembre, et une inflation ramenée sous contrôle.
Mais à quel prix ?
Les opérations du marché monétaire coûtent quelque Rs 10 milliards par an à la Banque centrale, et la disponibilité des devises reste contrainte. Le gouverneur concède un «backlog» non résorbé, notamment dû aux arbitrages spéculatifs opérés par les détenteurs de liquidités à la recherche de rendements en dollars.
Le gouvernement, de son côté, complète cette action par des décisions ciblées: réduction des prix à la pompe, reconversion obligatoire des revenus issus de la vente de villas de luxe, versement du 14e mois et compensation salariale pour préserver le pouvoir d’achat. Autant de mesures fiscales qui soutiennent la demande, mais qui doivent impérativement rester en cohérence avec les signaux envoyés par la politique monétaire.
Car c’est là que réside l’enjeu fondamental du prochain Budget : la politique budgétaire ne peut prétendre à l’efficacité si elle ne s’inscrit pas dans une logique de convergence avec la politique monétaire. L’une oriente la dépense publique et les transferts sociaux ; l’autre module les taux, régule la liquidité et stabilise la devise. L’une agit sur la relance ; l’autre sur la stabilité. Mais toutes deux, dans une économie ouverte comme celle de Maurice, sont interdépendantes.
Il serait donc erroné de réduire, cette fois-ci, le discours budgétaire à un simple exercice comptable. Le Budget 2025-26 devra incarner un pacte de rigueur et d’anticipation. Car si la Banque de Maurice joue les pompiers, le gouvernement ne peut jouer les pyromanes. Dans un contexte de risques mondiaux accrus, il est impératif que la politique fiscale ne sabote pas les efforts monétaires. La crédibilité économique du pays en dépend. Et surtout, la résilience de sa population. C’est en début de mandat, et après les municipales, qu’il faudrait, donc, faire avaler la grosse pilule.
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