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Kronik KC Ranzé
De la folie de la drogue et de la guerre….
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Kronik KC Ranzé
De la folie de la drogue et de la guerre….

Le combat contre la drogue est, assurément, une des priorités nationales. La déchéance déplorable dans laquelle tombent de plus en plus de concitoyens, surtout des jeunes, traumatise la nation et met à risque son avenir. Un pays avec de plus en plus de zombies drogués ne peut, en effet, que compromettre nos devenirs. Car la drogue engendre des dysfonctionnements en série sur le plan social, avec son lot de violences et de vols, déstabilise les familles, mine la discipline et l’ordre sur nos routes, sur nos chantiers, dans nos usines et même maintenant dans nos écoles.
Il faut réagir de manière très forte. Peut-être même de manière radicale.
Mon instinct suggère de toujours quantifier un problème avant de l’attaquer. Or, les chiffres sur le trafic de la drogue sont, on peut le comprendre, plutôt rares, souvent disparates et peu actualisés.
On peut commencer par un sondage de 2021 des drogués eux-mêmes, peut-être ? (*). Un échantillon de 602 usagers avait le profil suivant : À 29 % jeune (18-24 ans) et à 87 % mâle, 46 % vivaient dans le district de Port-Louis, 76 % travaillaient et 46% n’étaient pas mariés. Cependant, la méthodologie utilisée pour établir l’échantillon était le «Respondent driven sampling» qui facilite certes la tâche de ceux qui interrogent, mais ne garantit pas que l’échantillon représente correctement notre population d’usagers de drogue. L’anglais utilisé, parfois exotique, de ce «rapport» ne facilite pas, non plus, les conclusions …
Un sondage d’Afro Barometer de 2024 indique que la drogue est déjà considérée comme le deuxième plus important problème du pays apres la cherté de la vie. Une majorité jugeait que les initiatives gouvernementales pour réhabiliter les toxicomanes et réduire le trafic de drogue étaient inefficaces. Interrogés sur ce que recommandaient, comme solution, les participants au sondage, ils listaient plus d’éducation et de répression mais aussi, fait marquant, des pénalités très sévères pour les toxicomanes ! On peut comprendre ce manque d’empathie. On ne devient pas souvent drogué par mégarde, mais surtout par choix….
Le rapport ENACT qui surveille la prolifération des crimes sur les 54 pays africains classe Maurice en tête de liste avec l’Egypte, le Nigeria et le Sud Afrique pour le trafic de drogues synthétiques et dans le peloton de tête, avec la Tanzanie, le Mozambique et les Seychelles pour l’héroïne ; ces indexes couvrant (selon les définitions de la page 109) la «production, distribution et vente» de la drogue en question, la consommation étant aussi «considérée». Je ne peux, tout simplement, PAS m’imaginer comment ces statistiques sont disponibles à ENACT …
Une tribune dans l’express du lundi 24 février, signée craintivement «Un ancien Secrétaire Permanent» ( De quoi a-t-il peur ?) fait quelques bonnes suggestions , mais n’évite pas le superflu («…il est essentiel de reconnaître que la toxicomanie est souvent une conséquence du trafic de drogue» ! ou encore qu’il est nécessaire, en effet «d’avoir des officiers d’une intégrité irréprochable», mais met en évidence le plan mental du bureaucrate qui privilégie surtout la forme et la structure. Alors que nous en sommes peut-être au point où il nous faudra du radical pour nous affranchir de cette plaie particulièrement ruineuse. Des camps de réhabilitation obligatoires, derrière des barbelés, pour désintoxiquer et ainsi court-circuiter la demande ? Réintroduire la peine de mort pour les seuls trafiquants de drogue pour réduire l’offre ? Après tout, ils empoisonnent et tuent avec préméditation, non ? Des peines exemplaires pour ceux qui font du «planting» ? La prison à vie pour ceux qui, policiers, politiciens, avocats, magistrats, garde-chiourmes accepteraient d’être achetés par les barons de la drogue ? Que sais-je ? Mais je sens que sans des solutions radicales nous allons continuer à nourrir le monstre à grandes cuillerées… Et que l’on va finir par créer un pays… hallucinant ! Sinon halluciné !
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Jeffrey Sachs est un économiste de renom. Formé à Harvard, il a été professeur à l’université de Colombia et a travaillé dans 130 pays et conseillé des dizaines de leaders mondiaux. Particulièrement connu pour avoir développé, avec les Nations Unies, les 8 «Millenium Development Goals» qui ambitionnaient de réduire la pauvreté, la faim et les maladies sur la planète, sa parole compte, parce qu’il s’investit personnellement pour les moins fortunés et que ses théories économiques ont subi l’épreuve du feu. Sachs maîtrise aussi les détails de l’actualité mondiale et n’a pas la langue de bois…
Dans une récente présentation aux parlementaires de l’Union européenne (**), il donne son point de vue sur l’Ukraine et stigmatise avec courage, son pays, les États Unis, pour son rôle qu’il juge capital dans la guerre actuelle. En deux mots, il rappelle les engagements américains faits à Gorbachev lors des discussions pour la réunification des deux Allemagne, notamment que l’OTAN n’allait pas s’étendre vers l’Est. Cependant l’hubris et l’arrogance américaine à la dissolution de l’URSS les auront fait abandonner cette promesse, les Russes se sentant alors de plus en plus menacés. Ainsi, selon Sachs, l’invasion de février 2022 !
Rien de faux a priori dans ce résumé. Seulement quiconque aura vu le film culte Rashomon du producteur Kurosawa, saura que l’on peut avoir au moins 4 points de vue différents et tout à fait sincères, de 4 témoins visuels du même meurtre !
La situation est compliquée. Pour commencer, il faut rappeler les raisons avancées par Poutine lui-même pour expliquer son invasion. Il a ainsi accusé les Ukrainiens d’avoir été «hostiles». Les faits sont que les Russes ont envahi la Crimée et le Donbass dès 2014, au prétexte de discrimination contre les Russes d’origine qui s’y trouvaient, ce qui est non sans rappeler le Sudetenland de Hitler. Poutine disait aussi s’attaquer aux «nazis» et aux fascistes d’Ukraine, alors que c’est un pays démocratique dont le président Zelensky, est juif ! Finalement, il disait réagir à la menace que l’Ukraine frontalière allait rejoindre l’OTAN (***). Or, au sommet de Bucharest de 2008, la démarche de l’Ukraine pour devenir membre fut bloquée ! C’est toujours le cas.
La «menace» de l’UE paraît plus probable. L’Ukraine est un des pays en négociation avec Bruxelles pour rejoindre l’Europe. Entre 2011 et 2013, les démonstrations pro-démocratie, dites Bolotnaya, secouaient fortement la Russie et les opposants à Poutine, dont Navalny, étaient perçus comme de vraies menaces. Dans ce contexte, un pays, longtemps satellite russe, devenu démocratie et aspirant à rejoindre l’UE était devenu un exemple embarrassant… qu’il fallait régler tôt ou tard. C’est un scénario plausible aussi, d’autant qu’en 2013 le parlement ukrainien approuvait de finaliser un accord d’association avec l’UE, que les Russes pressurisaient le président Yanukovich à ne pas signer, qu’il cédait finalement en novembre 2013, ce qui menait aux protestations spectaculaires du Maidan et à sa fuite vers Moscou. Un vote parlementaire pour que le russe ne soit plus accepté comme une des langues officielles, même si jamais activée, enflammait l’est du pays. La situation est malheureusement bien trop complexe pour être résumée en 500 mots et une vidéo de l’admirable Jeffrey Sachs.
Ce qui est certain, c’est que c’est bien Poutine qui décidait d’être l’agresseur du 24 février 2022. Ce qui est certain c’est qu’au référendum du 1er décembre 1991, sur la question de l’indépendance de l’Ukraine du bloc Soviet, où 84 % des électeurs participaient ; 92,3 % votaient pour l’indépendance, dont 83,9 % dans le Donbass et 54,2 % en Crimée ! (****). Ce qui est certain c’est que cette guerre foncièrement inégale a détruit de nombreuses villes et infrastructures d’Ukraine et, à un moindre degré, de Russie, faisant (personne n’est sûr !), environ un million de morts et de blessés, plutôt russes qu’ukrainiens, même que les Russes ne semblent pas avoir fait de grands efforts pour éviter les pertes civiles. Ce qui est indéniable c’est que les 20 % (approximatifs) de territoire ukrainien occupés dès 2022, après avoir été réduits en 2023, sont revenus sensiblement au même pourcentage début 2025 (Dépendant de qui compte ! Mais qui croire ?). Ce qui me dégoûte par contre, c’est l’avidité et le cynisme avec lesquels la Russie, l’Amérique de Trump, suivis en cela même par l’UE (?), veulent tous, sans être trop gênés, ‘prendre leur part’ des richesses potentielles de l’Ukraine ou du marché colossal qui sera celui de la reconstruction, alors que l’Ukraine est affaiblie et plus pauvre que même notre propre pays. En effet, le PIB/tête de l’Ukraine était de $ 4,737 en 2023 versus le nôtre de $ 11,499.
Quoi que l’on puisse penser de Trump, son initiative de paix, surtout si elle ne récompense pas l’agresseur, sera, pour lui, une réelle consécration. En effet, l’alternative c’est la continuation de la guerre, de la destruction et de la mort …. Or, comme le dit le dicton : «Avec qui d’autre faire la paix, si ce n’est avec son ennemi d’hier ?».
Mais qui voit un Poutine nucléarisé céder sur ses exigences ?
Sûrement pas Zelensky , qui veut des garanties de Trump, qui ne veut pas les donner et qui exige, par contre, plus de ‘reconnaissance’ de l’Ukraine ! Ça ne démarre vraiment pas bien pour le «Nobel de la paix»…
(*) National survey among people who use drugs
(***) La Lituanie, l’Estonie, la Pologne et la Lettonie, membres de l’OTAN étaient déjà à la frontière Russe. Depuis 2024, la Finlande et la Norvège ont aussi rejoint l’OTAN.
(****) Pour mettre en perspective, le vote pour l’indépendance de Maurice n’était positif qu’a 54.7%.
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