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Accord sur Agaléga : une multitude de versions

27 avril 2024, 17:00

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Accord sur Agaléga : une multitude de versions

«The Government of India has never, directly or indirectly, officially or unofficially, given its consent to make the agreement public», a dit le Premier ministre Pravind Jugnauth à l’Assemblée nationale mardi, en réponse à une question de Kavi Doolub. La question portait sur l’accord signé entre Maurice et l’Inde et si le gouvernement envisageait de le rendre public.

Pravind Jugnauth a été catégorique. L’accord ne sera pas rendu public. Dans sa réponse, il a aussi cité une interview d’Abhay Thakur, l’ancien haut-commissaire de l’Inde à Maurice, qui disait qu’au-delà de la transparence, il y a d’autres éléments à prendre en considération, comme la propriété intellectuelle, la confidentialité ou encore, la sécurité. Dans la foulée, le Premier ministre a rappelé que même sous des précédents gouvernements, il y a eu des accords qui n’ont pas été rendus publics.

Piste de 1,4 à 3 km

L’accord sur Agaléga a été signé le 11 mars 2015, lors de la visite de Narendra Modi à Maurice dans le cadre de la célébration de la fête de l’Indépendance. À ce moment-là, la seule information disponible a été qu’il s’agissait d’un accord pour le développement d’Agaléga. Le 31 mars de la même année, Paul Bérenger, qui était leader de l’opposition, a adressé sa Private Notice Question (PNQ) sur le sujet au Premier ministre d’alors, sir Anerood Jugnauth. Mais c’est Prem Koonjoo, ministre de la Pêche et de l’économie bleue, qui y a répondu. Il a informé les parlementaires que l’accord ne comprenait pas de contrat de bail. À noter qu’à l’époque, il était question d’avoir une piste de 1,4 km pour pouvoir accueillir deux ATR-72. Il n’était pas encore question de rendre l’accord public, mais le ministre a dit que l’Article 3 de ce document laissait la porte ouverte à d’autres accords concernant les infrastructures.

La même année, Vishnu Lutchmeenaraidoo, ministre des Finances, a parlé de ces projets de développement pour la première fois dans le discours budgétaire sans donner les détails. L’autre PNQ importante sur le sujet est survenue le 16 juin 2017. Pravind Jugnauth, Premier ministre, a informé l’Assemblée nationale que l’accord signé en 2015 a déjà été validé par le précédent gouvernement dès octobre 2014. Il a aussi annoncé que la piste d’atterrissage était désormais de trois kilomètres et serait conçue pour accueillir des avions de types B737-900 et Airbus 321.

«The Indian Minister of Foreign Affairs stated that India has no objection…»

Mais en 2018, un nouvel élément est entré en jeu. Sushma Swaraj, alors ministre des Affaires étrangères de l’Inde, était en visite à Maurice. Lors de sa rencontre avec Xavier-Luc Duval le 19 août de cette année-là, elle a dit que l’Inde n’avait aucune objection à rendre l’accord public. Xavier-Luc Duval a réitéré ces propos à plusieurs reprises. Lors de sa PNQ du 26 juillet 2022, il a demandé la raison pour laquelle l’accord ne pouvait pas être rendu public, surtout que l’accord d’origine de 2015 était d’un montant total de Rs 800 millions et que les coûts étaient passés à au moins Rs 9 milliards. «(…) What is the objection now to file all the addendums to this, especially since the then Minister of Foreign Affairs of India has stated publicly that India has no objection to full publicity being given to this project (..)», avait-il dit. Lors de la même séance, il est revenu sur ce même point, disant: «I would like to remind the Prime Minister that the Indian Minister of Foreign Affairs stated in Mauritius that the Republic of India has no objection to all this being made public. Then, given that that has been made publicly, what is the objection of the Republic of Mauritius to making this public?»

D’ailleurs, un an plus tard, soit le 17 octobre 2023, lors d’une autre PNQ, le Premier ministre a corrigé Xavier-Luc Duval en ajoutant à sa réponse : «You said that the Minister of Foreign Affairs had publicly stated that India has no objection to make it public. Afterwards, I have enquired. This is not correct; this is not true. Minister Jaishankar has told me that they are not agreeable to make it public. So, it is good that I am able to correct this.» Lors de sa conférence de presse qui a suivi la PNQ ce jour-là, Xavier-Luc Duval a à nouveau affirmé que la conversation avait eu lieu entre Sushma Swaraj et lui, et non l’actuel chef de la diplomatie indienne. Quelques mois après, Abhay Thakur a contre-dit ces propos dans une interview alors qu’il quittait son poste à Maurice. Sa réponse a été reprise par Pravind Jugnauth au Parlement. «Iwould add that any statement that the Government of India is willing to disclose bilateral agreements on GoI-assisted projects, whereas the Government of Mauritius is not willing to do so, is factually incorrect», a dit l’ancien haut-commissaire.

Rappelons qu’Arvin Boolell a aussi confirmé que la ministre Sushma Swaraj lui avait tenu les mêmes propos. Il est allé plus loin en disant que lors de sa rencontre avec Subrahmanyam Jaishankar en 2021, alors qu’il était le leader de l’opposition, ce dernier avait aussi confirmé que l’Inde était d’accord pour rendre l’accord public.


L’accord original déposé au parlement

À la demande de Paul Bérenger lors de la PNQ du 31 mars 2015, Prem Koonjoo a déposé une copie de l’accord défini avant les élections de 2014, mais signé en 2015. La seule clause de confidentialité figure à l’Article 8, qui impose que les deux pays doivent s’échanger des informations en bonne foi et que ces dernières doivent être utilisées pour les travaux associés au projet de développement d’Agaléga. «The transmission of any such information by a party to a third party shall be subject to the written consent of the other party», dit l’accord. Pour rappel, Sushma Swaraj et Subrahmanyam Jaishankar ont dit à deux leaders de l’opposition successifs qu’ils n’avaient aucune objection à ce que l’accord soit rendu public.

Lors de la PNQ du 26 juillet 2022, Xavier-Luc Duval a avancé que l’accord original avait été déposé à l’Assemblée malgré cette clause et qu’il ne comprenait pas pourquoi le gouvernement était réticent à déposer les accords périphériques qui ont été signés car le projet était déjà passé à Rs 9 Mds. «This Memorandum of Understanding was for a project worth Rs 800 M. (…) Since we have an outdated Memorandum of Understanding, what is the objection now, to file all the addendums to this (…)?», a-t-il demandé.

Pour rappel, ce premier accord prévoyait une piste de 4 000 pieds, une jetée, un générateur et une station de désalement de l’eau, entre autres. Depuis, plusieurs autres accords ont été signés car le projet a connu plusieurs modifications. La jetée est passée à trois kilomètres, comme annoncé en 2017 (voir texte principal). Entre les deux événements, sir Anerood Jugnauth, alors Premier ministre, a effectué un voyage officiel en Inde, en novembre 2016. Il était l’invité d’honneur de l’International Conference of Chief Justices of the World et lors du déplacement, il a rencontré plusieurs dignitaires indiens. Il était prévu que les deux pays puissent, à partir de cet accord, en conclure d’autres concernant le financement et les ressources humaines, entre autres. Le gouvernement indien avait pour devoir de financer les projets et de mettre à disposition, à la demande de Maurice, le personnel qualifié.

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Feu Prem Koonjoo a déposé l'accord au Parlement le 31 mars 2015.