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«Dubaï unlocked»

Le ministre de l’Environnement et ses investissements en béton…

26 mai 2024, 17:30

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Le ministre de l’Environnement et ses investissements en béton…

Kavy Ramano possèderait un appartement de luxe au sein de Noora Residence 1, à Dubaï, valant Rs 11,5 millions.

Le nom et la photo de Kavy Ramano se sont retrouvés avec ceux de trafiquants de drogues, tueurs, dictateurs, dirigeants corrompus et financiers de terroristes.

Son nom figure parmi une liste de personnalités internationales qui ont acheté des propriétés de luxe à Dubaï. Le ministre de l’Environnement Kavydass Ramano n’a pas voulu donner des explications aux journalistes de l’Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) pour son appartement valant Rs 11 millions dans cet émirat réputé pour la protection des criminels et politiciens véreux.

Rappelons que le ministre est aussi notaire. Son cabinet fonctionne toujours et l’on dit que c’est lui qui le dirige alors que c’est un autre notaire, non moins connu, qui signe les contrats, en l’occurrence, Soodesh Roopun, frère du président de la République, qui s’est taillé une réputation dans le métier mais pas pour les bonnes raisons.

Selon les documents de l’OCCRP, qui regroupe des journalistes qui enquêtent sur la corruption et le crime organisé, notre ministre-notaire possède un appartement de luxe à la Noora Residence 1, valant $251,600 soit Rs 11,5 millions. Aménités incluses ? Piscine, sauna, jacuzzi, fitness room, et parking souterrain, où Kavy Ramano peut garer sa voiture, dont on ignore, pour le moment, le modèle.

14 Propriétés pour un ministre

L’appartement est loué on ne sait à qui. Cette location devrait rapporter une jolie somme à Kavy Ramano. Plus intéressant, ce complexe a été construit en 2014 par l’International Merchant House Real Estate Development qui, selon l’OCCRP, serait lié à Khabibulla Abdukadyr, un oligarque kirghize qui se serait enrichi par la contrebande et le crime, entre autres. L’appartement dubaïote ne serait qu’un pied-à-terre de Ramano, qui ne l’utiliserait que lors de son passage aux Émirats arabes unis. Car le ministre de l’Environnement possède 12 autres propriétés dans notre petite île plus une autre France. C’est en tout cas ce qu’il a déclaré à l’Independent Commission Against Corruption (ICAC) sous la Declaration of Assets Act (voir liste). Si Kavy Ramano fait bien mention de propriétés en France et à Dubaï, l’endroit précis où elles se trouvent n’est pas mentionné. De plus, l’ICAC souligne que ces deux propriétés à l’étranger n’avaient pas encore été enregistrées à l’époque où Ramano avait juré un affidavit en ce sens en 2019. Ce qui veut dire qu’il vient d’acquérir ces biens.

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On ne sait si la propriété dont Ramano avait fait mention en 2019 dans son affidavit est bien la Noor Residence 1 dont parle l’OCCRP, ou si c’est une autre. Nous avons voulu avoir cette précision du ministre de l’Environnement et savoir s’il loue l’appartement de Noor Residence 1 ou s’il le laisse vide quand il n’est pas à Dubaï. Cependant, le ministre n’a pas répondu à nos appels et messages; sa cellule de communication a fait comprendre à un collègue avant-hier qu’il se trouvait à l’étranger.

Toujours est-il que normalement, le principal concerné, tout comme les autres politiciens et nominés politiques, devront jurer un nouvel affidavit 5 ans après le premier, soit en juillet pour Ramano, surtout s’il est réélu aux prochaines législatives. On devrait alors en savoir un peu plus. La loi impose aussi qu’un affidavit soit juré pour chaque propriété acquise ou vendue durant ces 5 ans. Or, il semble que Ramano n’ait effectué aucune transaction foncière durant ce laps de temps. Se serait-il concentré sur son travail de ministre ? Nous voulions aussi le lui demander s’il avait répondu à nos sollicitations…

Trusts, holdings et cie

Pourquoi Dubaï ? C’est une juridiction, disent les journalistes de l’OCCRP, plutôt laxiste en ce qui concerne la demande d’informations concernant l’origine des fonds utilisés pour acquérir des biens dans cet émirat. Mais surtout, il est difficile d’obtenir des extraditions de là-bas. Un exemple en est la demande de l’Afrique du Sud pour l’extradition d’Atul et Rajesh Gupta – qui avaient phagocyté l’économie sud-africaine avec l’aide de l’ex-président Jacob Zuma – qui est restée lettre morte malgré l’existence d’un traité d’extradition entre ces deux États. Quant aux réformes pénales effectuées par Dubaï pour sortir de la liste grise, dit un chercheur, elles n’ont pas apporté la transparence sur le marché immobilier dubaïote. «The reforms do not change what makes the real estate market so attractive for storing wealth» concernant «buyers’ ability to disguise their ownership behind trusts, holding companies, and foundations».

Sérieusement ?

Un agent immobilier de Dubaï a en tout cas expliqué aux journalistes-investigateurs qu’il y a des personnes qui ne savent pas où planquer leur argent. «Si elles placent leurs millions dans une banque, elles auront à répondre à des centaines de questions. Alors que si elles les ‘investissent’ dans l’immobilier, et vendent ensuite la propriété, elles peuvent déposer la somme dans une banque sans être inquiétés.» Bref, l’immobilier agirait comme une machine à laver. Lorsque les journalistes d’OCCRP ont demandé des explications aux autorités dubaïotes, ils ont reçu la réponse rassurante et vague suivante : «The country takes its role in protecting the integrity of the global financial system extremely seriously.» Un peu comme ce que l’on entend ici, à Maurice.

Sassoufit !

L’article de l’OCCRP parle des familles africaines Obiang, Bongo et Sassou-Nguesso qui font l’objet de poursuites en France dans les affaires de biens mal acquis et qui ont beaucoup investi dans l’immobilier à Dubaï. Cela, après avoir dilapidé l’économie de leur pays – Guinée Equatoriale, Gabon et Congo-Brazzaville. Ces familles sont aussi accusées de dépenser leur argent mal gagné dans des voitures de sport, jets privés et appartements de luxe à Paris notamment alors que la population de leur pays vit dans une grande misère. Le journaliste explique que de tels dirigeants planquent toujours leur argent dans des juridictions comme Dubaï, et le jour où ils sont chassés du pouvoir, eh bien, ils s’enfuient pour rejoindre leurs biens mal acquis à l’étranger. Est cité, Denis Christel Sassou-Nguesso, le fils du dictateur du Congo qui a acheté pas moins de quatre appartements de luxe dans la Pentominium Tower à Dubaï. Jusqu’à ce que les activistes du groupe «Sassoufit» l’aient dénoncé.