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Mahatma Gandhi Institute

Salon de Mai : la grève des étudiants d’il y a 50 ans dérange encore en 2025

12 mai 2025, 17:00

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Salon de Mai : la grève des étudiants d’il y a 50 ans dérange encore en 2025

Grève des étudiants du 20 mai 1975 : comme le pont était bloqué, les élèves venant des hauts ont rejoint ceux de Port-Louis par la Grande Rivière Nord-Ouest

L’odeur du gaz lacrymogène est arrivée jusqu’à des narines sensibles au Mahatma Gandhi Institute (MGI). Au point de changer le thème choisi initialement pour le Salon de Mai, qui était 20 Mai 75, en le remplaçant par un terme générique neutre : Legacy.

Un demi-siècle après la grève des étudiants qui a culminé par un affrontement entre les collégiens et la police sur le pont de Grande Rivière Nord-Ouest cela fait encore du bruit à Moka. Alors que la School of Fine Arts du MGI s’apprête à vivre un moment phare de son calendrier: le Salon de Mai, grand-messe annuelle où jeunes talents exposent aux côtés d’artistes confirmés. La 42e édition est annoncée pour le 30 mai au 21 juin prochain.

Après le changement de thème, un collectif d’artistes – qui préserve son anonymat – a vivement crié son désaccord. «Pour des raisons obscures, ce thème fort 20 Mai 75 a été remplacé par Legacy après la date limite de soumission. Pourquoi ce changement ? Probablement pour des raisons politiques. Qui a ordonné ce changement ? Nous, artistes locaux, sommes profondément déçus par le manque de professionnalisme du Salon de Mai cette année. Autrefois prestigieux événement annuel, cette année, il ressemble davantage au Salon de Mécontentements et au Salon de la Médiocrité.»

Le thème 20 Mai 75 avait été choisi par l’équipe du commissariat d’exposition de la School of Fine Arts. La date butoir pour soumettre la proposition de participation était fixée au 22 avril dernier. Cette année, c’est l’artiste et chargé de cours Krishna Luchoomun qui agissait comme commissaire d’exposition. Des recoupements indiquent qu’il s’est retiré après le changement décrié. On ne sait pas qui a repris la responsabilité du commissariat d’exposition.

Avant d’être proposé aux artistes dans un communiqué daté du 26 mars, posté sur le site du MGI, le thème 20 Mai 75 a bien été validé par qui de droit, au sein de l’institution. Le changement aurait par la suite été décidé à un autre échelon administratif. «Nous protestons fermement contre cette pratique antidémocratique, qui porte atteinte à la réputation du MGI et porte gravement atteinte aux intérêts des artistes locaux», s’insurge le collectif d’artistes. Il précise que s’il préserve son anonymat, c’est pour des «raisons évidentes de répression». Ce qui est d’autant plus perturbant, non seulement pour l’état de la liberté artistique, mais aussi pour celle de la liberté académique.

Pourquoi est-ce qu’une manifestation d’il y a un demi-siècle, qui a débouché sur le droit de vote à 18 ans et surtout, sur l’éducation secondaire gratuite, est-elle jugée un thème inapproprié pour une exposition en 2025? Cela bien après que les artistes aient déjà été informés de ce thème.

En 1975, les collégiens solidaires étaient descendus dans la rue pour protester contre les inégalités du système éducatif. Aurait-on des craintes que ce thème ne réveille les collégiens d’aujourd’hui, jusqu’à les pousser à se déconnecter des réseaux sociaux pour se manifester hors réalité virtuelle ? Quelles sensibilités – politiques ?- souhaite-t-on ménager avec ce changement qui traduit une frilosité qui n’est pas nouvelle au MGI. On se souvient de l’autoportrait aux seins nus de Palvishee Jeewon, intitulé The rise of women power, qui a été pudiquement caché derrière un bandage, l’après-midi du vernissage du Salon de Mai en 2022. Nous avons invité le ministère de l’Éducation à fournir une explication. Celle-ci est attendue.


Le manifeste

Nous reproduisons le texte de Krishna Luchoomun justifiant le choix de 20 Mai 75 comme thème de la 42e édition du Salon de Mai. Le commissaire d’exposition s’est retiré de l’organisation de cette exposition annuelle depuis.

«20th May 1975 may not mean much to younger generations; however, it undoubt- edly remains a date of great resonance for baby boomers in our island nation. It marks a pivotal moment in our history, particularly for those who were secondary school or university students at the time, as it represents the first-ever student revolt in Mauritius.

Tens of thousands of students took charge of their future, marching on Port Louis from various corners of the island to protest against a flawed, outdated, and unequal education system that was ruining Mauritian society, already grappling with unemployment and a high cost of living.

The May 75 movement ushered in significant reforms within the education system, notably the establishment of free education for all students, one of the most progressive measures taken by any government since Independence. Furthermore, it catalyzed political initiatives aimed at advancing social progress in Mauritius.

The May 75 generation risked their lives to bring about positive societal changes. It was a time characterized by forums and discussions on both national and international issues, and, most importantly, by action!

For this year’s Salon de Mai, we invite artists to engage in a critical reflection on the significance of unity, solidarity, and social engagement as foundational elements in fostering a more just, inclusive, dynamic, and resilient society. These themes are essential for addressing the multifaceted challenges we face at local, regional, and global levels.

We seek to hear your voice through paintings, prints, sculptures, mixed media, installations, and digital media, exploring the crucial role of civil society, youth, creatives, and intellectuals in confronting contemporary issues, including but not limited to war, oppression, injustice, freedom of expression, the climate crisis, economic inequality, biodiversity loss, digital security, and erosion of democratic values. Make yourself heard!»

** Point de vue. Amrita Dyalah : «je n’ai jamais participé au salon de mai»**

Je n’ai jamais participé au Salon de Mai». Affirmation d’Amrita Dyalah, artiste et galeriste. «Que ce soit clair, mo pa bizin sa». Elle ajoute toutefois «mo pa enn terib», en précisant qu’elle ne veut froisser personne. «Mais je ne suis pas d’accord avec la façon de faire de l’organisation de ce salon. Il y a trop de critères à respecter. Cela décourage les jeunes talents dès le départ. Certains sont démotivés quand leur travail est refusé. J’ai participé à des expositions à l’étranger, il n’y a pas autant de règles.» Malgré les invitations à participer au salon, malgré sa présence régulière aux vernissages annuels du salon, Amrita Dyalah n’y a pas accroché l’une de ses œuvres. «L’édition où Nirveda Alleck a agi comme commissaire d’exposition était pour moi la plus réussie. C’était la meilleure organisation et le meilleur choix d’œuvres.» C’était en 2023, pour les 40 ans du Salon de Mai. Une édition qui avait aussi fait son lot de mécontents, à cause du choix esthétique et intellectuel de privilégier l’art contemporain. Cette année, elle estime que «Krishna Luchoomun sait ce qu’il fait, il a l’esprit ouvert. Cela aurait donné une très belle expo.»

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