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Consommation

Cigarettes : mauvaise qualité et contrefaçon déplorées

26 avril 2024, 22:00

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Cigarettes : mauvaise qualité et contrefaçon déplorées

(Photo d'illustration)

Depuis que les «Public Health (Restrictions on Tobacco Products) Regulations 2022» sont entrés en vigueur le 31 mai 2023 et que les paquets de cigarettes sont devenus neutres, plusieurs doléances pleuvent. Parmi celles-ci, la mauvaise qualité des cigarettes qui est décriée par les fumeurs...

«Je ne peux plus fumer la marque de cigarette que j’avais l’habitude d’acheter car je trouve que le goût a changé. Mais aussi, je fume beaucoup plus de cigarettes car j’ai noté que ma cigarette se termine bien plus vite et est beaucoup plus ‘légère’ qu’auparavant», explique une jeune fumeuse. Elle n’est pas la seule. La grogne la plus entendue, c’est que les cigarettes ne sont plus aux normes. Si bien que de nombreux fumeurs ont commencé à se tourner vers un marché noir et à dépenser plus pour pouvoir avoir leur marque habituelle (voir plus loin), alors que d’autres se sont tournés vers la cigarette électronique qui est également vendue sur un marché parallèle.

Avec la colère qui se fait actuellement sentir à ce sujet, c’est le député de Linion Moris, Nando Bodha, qui s’y est penché. Cela, en posant une question au ministre des Finances, Renganaden Padayachy, au Parlement mardi. Il voulait connaître la quantité de cigarettes importées depuis janvier 2023 jusqu’à ce jour, en indiquant le montant payé à cet effet, le pays d’origine et le montant des taxes perçues à ce titre. triages.png Les cigarettes nouvelle formule semblent être d’une qualité douteuse Le Grand argentier a déposé des documents en ce sens mardi. Et les chiffres donnent le tournis. Du 1er janvier 2023 au 17 avril 2024, Maurice a importé 1 558 361 600 cigarettes pour un montant de Rs 4 039 935 801 et a récolté Rs 11 246 464 073. Les pays producteurs sont la Belgique, la Bulgarie, la Chine, la République tchèque, l’Allemagne, l’Italie, l’Inde, le Kenya, la Corée du Sud, la Lituanie, le Luxembourg, Madagascar, les Philippines, la Pologne, La Réunion, la Roumanie, la Serbie, le Monténégro, l’Afrique du Sud, la Turquie, les États-Unis ou encore le Vietnam. À une question de Nando Bodha, le ministre des Finances a ajouté que le Kenya, cependant, reste le principal fournisseur de cigarettes à Maurice.

Le membre de Linion Moris a alors voulu savoir si le ministre était au courant des «fake trademarks» en provenance du Kenya. Suite à quoi, Renganaden Padayachy a soutenu qu’il n’en était pas au courant et qu’il y avait notamment un contrôle de la Mauritius Revenue Authority (MRA) dessus. Nando Bodha a aussi évoqué une expérience qu’il a faite avec certaines cigarettes et qu’il a décelé des différences. Il a pris deux cigarettes de la même marque mais une avec le nouvel emballage et l’autre avec l’ancien et il dit avoir noté qu’il y a plus de «bouts de bois» dans la nouvelle cigarette.

«Je ne fume pas, mais les fumeurs m’ont fait comprendre que la qualité et le goût n’étaient plus pareils. Nou pa kapav plis konsomater lor tax apré donn zot enn sigaret ki pa bon kalité.» Il a ainsi demandé au Parlement que la MRA fasse une étude «forensic» concernant le contenu. Renganaden Payadachy lui a répliqué qu’après avoir regardé les photos dont parlait Bodha, il allait demander à la MRA d’initier une enquête en ce sens.

Nous avons à notre niveau approché la cellule de communication de la MRA pour demander si l’on pouvait savoir si la MRA a remarqué une différence dans la qualité des cigarettes importées. De plus, nous informer sur les mesures prises par le service des douanes pour garantir la qualité des cigarettes importées. Mais nous n’avons pas eu de retour à hier à cet effet.

Les boutiquiers se frottent les mains

Entre-temps, ce sont certains boutiquiers qui se frottent les mains et qui tirent profit de la situation. Certains d’entre eux peuvent toujours mettre la main sur les marques préférées des fumeurs, mais pour pouvoir y avoir accès, il faut débourser beaucoup plus. Comme un paquet de Pall Mall qui peut être écoulé jusqu’à Rs 270, un paquet de Dunhill Switch qui est à Rs 310 peut se vendre, lui, à Rs 380. «Ki serti? Cela n’aide pas à réduire la consommation de cigarettes dans le pays mais aide plutôt à enrichir certains», explique toujours un fumeur.

D’ailleurs, pour pouvoir répondre à la demande, quelques boutiquiers n’hésitent pas à faire un plus gros stock. Si avant ils avaient moins de cigarettes à vendre, aujourd’hui, la vente est doublée en ce qui concerne les marques de renom. *«Kan dimounn koné ki ou éna enn mark ki pa pé gagné, zot pa pran enn sel paké, zot pran plisir, zot gardé.» *

Les consommateurs, eux, font la tournée des boutiques pour voir où ils peuvent se procurer leur cigarette fétiche. D’autres encore ont changé drastiquement d’habitude en se tournant vers la cigarette électronique (le vapotage), qui est aussi vendue sur le marché noir et coûte dans les Rs 3 000 pour un vape de * «9 000 puffs»*, par exemple.

Umarfarooq Omarjee : «la différence de goût est due à moins de goudron» omarjee.png

D’emblée, le directeur d’OMJ Commercial, importateur de cigarettes, avance qu’il est difficile d’avoir de la contrebande à Maurice. «Contrairement aux pays continentaux, nous n’avons que deux points d’entrée, c’està-dire l’air et la mer. Nous n’avons pas de frontières. Donc, il est difficile de faire entrer des cigarettes de contrebande», avance Umarfarooq Omarjee (photo). De plus, sur chaque cargaison, il y a plusieurs niveaux de contrôles, allant de la MRA au ministère de l’Agro-industrie. Les règlements imposent aussi que chaque paquet de cigarettes doit avoir un numéro permettant de retracer sa production. Concernant le goût qui a changé, il confirme que la possibilité est réelle. «Avant 2022, nous avions les règlements datant de 2008, qui étaient très flexibles. Nous sommes passés de cela aux règlements de 2022, qui sont très stricts et proches des lois en vigueur en France, en Angleterre ou en Australie. Parmi eux, il y a désormais une limite sur le goudron que la cigarette peut contenir. Il doit être de 10 mg. Auparavant, il n’y en avait pas, donc, nous avions des cigarettes qui pouvaient aller jusqu’à 14 mg», explique-t-il. Le consommateur a donc l’impression de consommer un nouveau produit, qui est moins fort. La différence est plus prononcée, dit-il, pour ceux qui sont passés des cigarettes aromatisées, désormais interdites aussi, aux cigarettes normales. Puis, il y a aussi les techniques de fabrication. «Chaque fabricant a son propre blending. Deux cigarettes de deux marques différentes peuvent contenir le même taux de goudron, mais comme la fabrication diffère, le goût ne sera certainement pas le même.»

Pour être conformes aux règlements, beaucoup d’importateurs ont dû revoir leurs produits. Umarfarooq Omarjee souligne qu’il ne peut plus importer certaines marques à cause des règlementations sur la taille. Les cigarettes slims sont donc interdites. «Puis, certaines marques sont fabriquées en Asie, qui ne suivent pas les règlements européens. Donc, nous avons changé de marque pour importer des cigarettes produites en Europe, plus précisément en Bulgarie ou au Luxembourg», dit-il. Quant au Kenya, plusieurs fabricants de cigarettes ont leurs usines sur le continent africain.