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Eric Ng, économiste

«Je ne vois pas quelles priorités économiques peut avoir un gouvernement qui entrera en campagne électorale…»

4 janvier 2024, 20:00

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«Je ne vois pas quelles priorités économiques peut avoir un gouvernement qui entrera en campagne électorale…»

L’économiste Eric Ng est convaincu qu’il n’y aura pas de cinquième et dernier Budget du présent gouvernement, dont les largesses économiques et sociales ont été constantes. Il qualifie de non-sens économique la décision du gouvernement d’aider les entreprises ayant un chiffre d’affaires de moins de Rs 100 millions à payer la hausse du salaire minimum et la compensation salariale.

L’année 2024 sera marquée par des élections générales. Peut-on parler de priorités économiques quand on sait pertinemment bien que l’économie sera reléguée au second plan?

À la suite de la décision du gouvernement d’augmenter considérablement le salaire minimum national à Rs 16 500 et la pension de vieillesse à Rs 13 500 aux plus de 75 ans dès janvier 2024, je pense que nous allons vers des élections générales avant juin et qu’il n’y aura donc pas de cinquième budget sous la présente législature. Dans ce scénario, je ne vois pas quelles priorités économiques peut avoir un gouvernement qui entrera en campagne électorale dès la rentrée, si tant est qu’il n’y soit pas déjà entré. De toute façon, ses priorités n’étaient pas économiques depuis quatre ans, compte tenu de l’absence de véritables réformes structurelles de l’économie. Je ne peux pas imaginer que cela va changer au cours de la dernière année de son mandat.

Il va de soi que tout gouvernement en fin de mandat sera contraint de se livrer à certaines largesses économiques et sociales pour amadouer son électorat. Comment faire la part des choses entre les impératifs économiques et l’opération «labous dou» ?

Précisons que les largesses économiques et sociales ont été une constante de ce gouvernement depuis 2019 pour rester populaire. La pandémie de Covid-19 fut du pain béni pour lui pour distribuer de l’argent à la population et au secteur privé – de l’argent qui provient de la création monétaire (money printing) par la banque centrale. Les ménages et les entreprises s’y sont tellement habitués ces dernières années qu’un éventuel arrêt des largesses de l’État sera vu comme étant anormal… Les largesses sont devenues la norme de la politique budgétaire.

Ce n’est pas à la veille des élections générales que le gouvernement cherchera à faire la part des choses entre les impératifs économiques et la distribution de «cadeaux monétaires». Il continuera à jouer au bolom Nwel dans les mois à venir. Les impératifs ne seront ni plus, ni moins politiques. Ce n’est qu’après les élections que les impératifs économiques seront pris en compte. Et croyez-moi, le poêlon sera très chaud.

Il y a beaucoup d’appréhensions de la part d’entrepreneurs privés sur l’impact de la hausse du salaire minimum et du nouveau quantum de la compensation salariale sur leur trésorerie, le tout à être payé aux salariés en janvier 2024. Estimez-vous qu’objectivement ce sujet devrait constituer une des priorités des dirigeants du pays pour éviter une crise sociale ?

Le gouvernement vient d’annoncer qu’il va aider les entreprises ayant un chiffre d’affaires de moins de Rs 100 millions à payer la hausse du salaire minimum et la compensation salariale. En d’autres mots, ce sont les contribuables qui vont supporter ces hausses salariales. C’est un non-sens économique. L’État vient enlever aux entreprises une contrainte salariale qu’il a lui-même imposée !

Je peux comprendre qu’un gouvernement donne des incitations fiscales aux entreprises pour qu’elles investissent dans de nouveaux équipements. Je peux encore accepter qu’il leur accorde des aides à l’exportation pour qu’elles trouvent de nouveaux débouchés. Mais un État qui paie une partie des salaires des firmes privées… Il aurait aussi bien pu faire des affaires à la place du secteur privé !

Le gouvernement voulait sans doute éviter une crise sociale due à la forte hausse des prix. Mais en imposant un surcoût salarial aux entreprises, il accroît les risques d’une plus grave crise sociale, soit une combinaison d’inflation galopante et de chômage croissant. On commençait à sortir de la crise provoquée par le Covid, mais il se trouve maintenant qu’on n’est pas sorti de l’auberge.