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Qatar: les polémiques vues par une expat mauricienne

25 novembre 2022, 21:00

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Qatar: les polémiques vues par une expat mauricienne

Depuis le début de la Coupe du monde, au-delà des équipes, deux camps s’affrontent. D’une part, il y a ceux qui estiment que l’événement est entaché du sang de travailleurs étrangers, entre autres, et d’autre part, il y a ceux qui pensent que le boycott est une hypocrisie. Au milieu de ces débats, il y a les Qataris. Et les expatriés qui y vivent. Parmi eux, Vanessa Bignoux, une Mauricienne qui y vit avec son époux et ses enfants depuis cinq ans. Elle revient sur le quotidien au Qatar…

Son leitmotiv : il y a des brebis galeuses partout et il ne faut pas généraliser. Le Qatar est un pays comme n’importe quel autre, et Vanessa Bignoux s’est fait un point d’honneur pour se concentrer sur le côté positif. Et la mort des travailleurs étrangers, elle en pense quoi ? «Ça, il faut demander aux pays qui boycottent. Par exemple, à cette compagnie française qui a été mise en examen ce mois-ci dans le cadre d’une enquête sur les conditions des travailleurs étrangers qu’elle employait sur les chantiers au Qatar», dit-elle. Les travailleurs étrangers, poursuit notre compatriote, sont bien traités et les conditions sont respectées. Parmi celles-ci, l’offre d’un logement et un salaire minimum de 1 000 riyals. «Mais après, c’est comme partout. Il y a toujours ceux qui font une entorse aux règlements. Même à Maurice − et dans tous les autres pays −, vous avez ce genre d’employeurs. Et ça, personne ne cautionne, peu importe le pays», dit-elle.

Revenant sur l’enquête sur la compagnie française, elle fait ressortir que, selon les lois du pays, des étrangers peuvent opérer au Qatar en partenariat avec les Qataris sur une base de 49 % à 51 %. «Généralement, ce sont les étrangers euxmêmes qui gèrent les boîtes. Donc, lorsqu’on parle d’entorse, c’est souvent la faute des employeurs étrangers !» Et ceux recrutés pour figurer dans les vidéos promotionnelles ? Selon elle, ce sont des fans. La supportrice de l’équipe de Brésil ne s’avance pas à dire si ces personnes ont été recrutées ou pas, mais fait remarquer que, dans tous les pays, au Qatar comme à Maurice, il y a des fans des équipes qui défilent, font la fête, et figurent dans les vidéos sans que personne ne questionne leur nationalité.

Mais il n’y a pas que les travailleurs étrangers. Le droit des femmes et des minorités a aussi été évoqué à maintes reprises. Qu’en est-il réellement ? «On peut sortir en bretelles ou en short, si c’est ça que vous voulez savoir.» Cependant, précise-t-elle, il faut rester décent, que ce soit pour les hommes ou les femmes. Elle se souvient d’ailleurs de la fois où son époux s’était fait refouler à l’entrée d’un mall car il était en short. «Là où il y a des restrictions, ce sont les bureaux officiels. On ne peut pas y être avec zepol ou molé deor.»

Au Qatar, il y a aussi les plages. Certaines d’entre elles sont réservées aux femmes. Sur d’autres, le bikini est autorisé alors qu’ailleurs encore, les deux-pièces sont proscrits mais le maillot de bain est autorisé. N’est-ce pas là une atteinte à la liberté ? «Lorsque nous sommes à Rome, nous faisons comme les Romains. Nous ne parlons pas d’un pays où les femmes sont tuées ou doivent rester à la maison. Elles peuvent sortir ; elles conduisent ; elles travaillent. Comme partout. Il faut vraiment ne plus écouter les théories et venir ici pour voir comment cela se passe.»

«One Love»

La FIFA a interdit le brassard OneLove en soutien à la communauté LGBT, dont les droits sont inexistants au Qatar. «Mais il y en a, des homosexuels. Cela se voit, cela se sait. Même moi, j’en connais plein, que ce soit des Qataris ou des étrangers. Ils vivent normalement. Personne ne les arrête dans la rue», affirme Vanessa Bignoux. Mais la pratique est officiellement interdite et passible de la peine de mort. Encore une fois, c’est la théorie. «En fait, la loi existe. Mais tant que personne ne dénonce, il n’y a pas de sanctions. C’est une politique de ferm lizie. C’est aussi le cas à Maurice ! Au cours des récentes années, personne n’a été tué pour son orientation sexuelle.» D’ailleurs, elle fait ressortir qu’il y a même des couples qui vivent ensemble car il n’y a aucune loi interdisant deux hommes ou deux femmes de cohabiter. Mais il est interdit à un homme et une femme non-mariés de vivre ensemble. Encore une fois, dit-elle, la pratique de ferm lizie s’applique et les couples qui vivent en concubinage ne sont pas arrêtés, sauf s’il y a une dénonciation officielle. «Il n’y a pas de policiers qui vont les chercher dans leur maison.»

L’autre grande question est l’alcool. À deux jours du début de la Coupe du monde, la vente de bière aux abords des stades a été interdite. Mais il y a des «fanzones» où c’est autorisé. Vanessa Bignoux dit que les passants ne le sauront pas au premier regard car la publicité pour l’alcool est interdite et, de ce fait, il n’y a pas d’indications. «Mais, encore une fois, c’est un pays musulman. Les dirigeants ne vont pas aller contre la culture de leur peuple», défend-elle. En règle générale, l’alcool et le porc ne sont vendus qu’à deux endroits dans le pays. L’un est à Doha et l’autre au Pearl. Les musulmans, y compris les visiteurs, n’ont pas le droit d’en acheter. Quant aux autres, ils ont un permis qui leur donne le droit d’en acheter une certaine quantité par mois. «En gros, on peut acheter l’équivalent de Rs 50 000 d’alcool. Ce qui est énorme.»

Vanessa Bignoux est catégorique. Tous les expats du Qatar disent qu’ils vont y rester deux années ou trois, et finissent par s’installer sur la durée. Cela n’aurait pas été le cas si le pays était renfermé et ne respectait pas le droit des citoyens et des étrangers. D’ailleurs, depuis le début de la Coupe du monde, elle a vu une affluence de touristes venus pour l’événement. «Oui, il y a des choses à améliorer. Mais les choses avancent. Le pays s’ouvre plus au monde extérieur alors, qu’ailleurs, c’est le contraire. Il y a un repli.» Raison pour laquelle elle ne quittera pas le Qatar de sitôt…