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Le défi du global

8 février 2017, 08:05

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Le Brexit passe en troisième lecture aujourd’hui au Parlement britannique. Nous sommes donc déjà passés à une autre réalité. Un des pays les plus influents de la planète est activement engagé dans une démarche de fermeture de ses frontières. À en lire les prévisions des économistes, c’est une décision qui pourrait se payer cher. Puisque, même si le Royaume-Uni se veut encore «global», le résultat pourrait se traduire par une économie plus fermée.

De notre lointain poste d’observation de ces bouleversements en Occident, les Mauriciens ont choisi de prendre le contre-pied de la tendance. L’économie mauricienne reste solidement rivée au modèle capitaliste et libéral, solidement attachée à l’idée d’ouverture, quitte à aller encore plus loin dans ce sens.

Si nous sommes prompts à réaffirmer cet ancrage à ce modèle, sommes-nous prêts à en assumer la mise en œuvre? Pas si sûrs…

À Maurice, notre définition de l’ouverture a toujours été paradoxale. Notre développement a eu lieu dans un contexte postcolonial très particulier, notamment sur le principe de non-réciprocité. Au nom d’un passé colonial ou au nom de notre pauvreté relative, les pays qui nous ouvraient leurs marchés n’étaient pas tenus d’exiger que nous leur renvoyions l’ascenseur. Nous pouvions continuer d’imposer des droits de douane dissuasifs et protéger notre industrie.

 

Et même si ce privilège a été érodé année après année sous l’influence de l’Organisation Mondiale du Commerce, les droits de douane demeurent encore la bouée de sauvetage de maintes entreprises. Au grand dam des idéologues libéraux qui estiment que les emplois perdus à la concurrence internationale dans certains secteurs, seraient compensés par des emplois dans le secteur de services. L’ouvrier sur la chaîne de production attend encore, pour sa part, d’en être convaincu. L’ouverture, dans ce contexte, demeure un défi que les Mauriciens ne sont pas pressés de relever.

L’autre exemple de paradoxe a été notre ouverture à la libre circulation des personnes. Combien n’avons-nous pas fait d’efforts pour accueillir à Maurice des retraités en quête d’exil fiscal, des acheteurs d’appartements qui jurent de ne pas travailler. On les aime, les étrangers, quand ils sont oisifs et improductifs. On les aime moins quand ils apportent leur énergie, leurs méthodes, leurs idées. Nous vivons encore dans l’idée que l’étranger devrait disposer de compétences «différentes», «rares». Qu’il a pour mission de former le Mauricien et ensuite de s’en aller. L’étranger qui exercerait le même métier que le Mauricien avec une autre méthode, une autre approche n’a, pour sa part, pas les faveurs de ses collègues ou de l’administration publique. L’étranger au travail demeure, dans la psyche mauricienne, le concurrent à éliminer.

Or, c’est justement de cette possibilité de se confronter à la différence, de cette concurrence de compétences dont a besoin le secteur des services pour stimuler son développement. C’est justement cette capacité d’être poussé hors de sa zone de confort qui fait la trempe des champions. Avons-nous une peur viscérale de l’ouverture? De la concurrence qu’elle entraîne ? À en voir les récentes annonces de nos lauréats, on peut dire que les Mauriciens sont les champions de la concurrence lorsqu’elle s’applique aux examens. Lorsqu’elle conforte notre vision locale du monde. Nous la rejetons lorsqu’elle s’applique au monde du travail. Paradoxe, quand tu nous tiens !

Pour construire notre vision d’un «global» Mauritius, c’est à ce paradoxe qu’il faudra s’adresser.