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Réforme du système électoral: pistes et possibilités

23 mars 2014, 06:00

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Réforme du système électoral: pistes et possibilités

 

Cette fois est-ce la bonne ? Le Premier ministre a, en tout cas, assuré qu’il présentera le White Paper sur la réforme électorale et constitutionnelle avant la rentrée parlementaire prévue mardi. Au conseil des ministres hier, vendredi 21 mars, Navin Ramgoolam a promis de «tenir ses engagements», sans donner davantage de détails sur le document.
 
L’attente populaire veut que ce document lance les pistes d’une réflexion nationale sur trois aspects en particulier : un équilibre plus juste entre le pourcentage de voix obtenues aux législatives et le nombre de sièges à l’Assemblée nationale. Ce qui serait un moyen efficace d’assurer la représentativité des minorités ethniques, tout en se débarrassant du Best Loser System (BLS). Ainsi qu’une plus grande présence de femmes au Parlement.
 
Si aucun détail de ce que proposera Ramgoolam dans son livre blanc n’a filtré à ce jour, l’express vous propose de revenir sur les solutions proposées par les rapports les plus récents sur la réforme électorale : celui d’Albie Sachs datant de 2002, de Guy Carcassonne en 2011 et de Rama Sithanen en 2012.
 

Pourcentage de votes/nombre de sièges

 
L’une des critiques principales faites au système actuel, dit First-Past-The-Post (FPTP), est son injustice. La majorité simple suffit à rafler tous les sièges d’une circonscription alors que le perdant, peu importe le pourcentage de votes obtenu, n’a rien. L’histoire politique de Maurice regorge d’exemples de résultats déséquilibrés : en 1982, le Parti travailliste récolte plus de 30 % des votes mais n’obtient aucun siège. En 2010, alors que l’Alliance du coeur est crédité de 42,01 % de suffrages, elle n’obtient que 20 sièges, y compris les deux Best Losers.
 
Pour assurer plus d’équité dans l’allocation des sièges, la proposition la plus radicale nous vient de Guy Carcassonne. Ce dernier propose d’éliminer le FPTP pour un système de Proportional Representation (PR) pur. Selon sa formule, l’électeur n’a qu’une seule voix. Il vote pour un parti, plutôt que pour trois candidats. Ce système assure que le pourcentage de sièges obtenus est quasi identique au pourcentage des votes.
 
Il propose de redessiner les circonscriptions pour n’en garder que 10 ou 12, équilibrées sur le plan ethnique avec quatre à sept élus chacune. La liste proposée par chaque parti est dite «fermée» et est hiérarchisée. Les électeurs ne peuvent modifier cette hiérarchie. Un parti qui récolte 55 % des voix dans une circonscription à sept élus, par exemple, fait entrer les quatre premiers de sa liste au Parlement.
 
Le rapport Sachs est plus nuancé, proposant un mélange de FPTP et de PR. Les 62 élus au FPTP sont conservés ainsi que les 20 circonscriptions plus Rodrigues, mais une Party List fermée contenant 30 noms y sont ajoutés. Le modèle proposé et baptisé PR Model C veut que la dose de proportionnelle joue un rôle compensatoire. En clair, cette méthode vise à aligner le nombre total de sièges, incluant le FPTP et le PR, sur les votes obtenus.
 
Par exemple, un parti qui récolterait 40 % des votes, mais seulement 30 % des sièges au FPTP, obtiendrait la différence de 10 % à partir de sa Party List, par ordre de préférence. Le Select Committee institué à la suite du rapport Sachs et présidé par Ivan Collendavelloo recommande par contre que les électeurs votent pour trois candidats, plus pour un parti pour les besoins du PR.
 
Le rapport Sithanen se présente comme une version remaniée du modèle Sachs. Le FPTP est conservé, ainsi que la Party List qui est toutefois ramenée à 20. Une formule à laquelle les principaux partis politiques semblent réceptifs. Mais Rama Sithanen innove dans le calcul utilisé pour choisir les candidats de la Party List. Plutôt que de se baser sur le pourcentage total de votes, il propose de ne compter que les votes obtenus par les candidats non élus.
 
C’est ce qu’il appelle les Wasted Votes. Le but est de ne pas prendre en considération une seconde fois les votes obtenus par les candidats élus au FPTP et d’assurer une meilleure stabilité en donnant une majorité confortable que le PR risquerait, selon lui, de compromettre. Il propose un seuil de 10 % de voix pour y accéder ou, alternativement, 5% et trois candidats élus.
 

Représentativité des minorités

 
Comment éliminer le BLS tout en assurant la représentativité des minorités au Parlement ? C’est un des plus gros casse-tête auquel ont dû être confrontés tous ceux qui ont tenté de proposer une réforme électorale.
 
Carcassonne estime que le PR qu’il propose rend le BLS caduc. En redessinant les contours des circonscriptions pour que les ethnies soient représentées dans chacune, il argue que chaque parti politique alignera, dans les circonscriptions des candidats représentatifs des différentes communautés pour ne pas se les mettre à dos. Un postulat qu’ils ont été nombreux à remettre en question.
 
Le 23 décembre 2011, Ram Seegobin de Lalit a qualifié cette formule de «communal catastrophe waiting to happen». Le raisonnement est simple : si un groupe ethnique A est majoritaire dans une circonscription, on peut imaginer que les deux partis principaux qui s’y affrontent proposent en tête de liste trois candidats de ce groupe ethnique sur un total de sept. S’ils décrochent 45 % et 55 % des voix, le résultat sera que six des sept élus seront du groupe ethnique A. Sans compter que cette formule a été critiquée car elle permettrait de donner de l’essor aux partis communaux et religieux.
 
Le rapport Sachs se montre par contre très conservateur sur la question de représentativité des minorités et semble réticent à toucher au BLS. «We do not regard it as central to the introduction of PR that the BLS be either retained or abolished», dit-il. Sachs conseille tout de même de «subsume» le BLS à travers le nouveau système électoral proposé et surtout en ouvrant le dialogue avec ceux qu’une telle perspective effraie. Le comité Collendavelloo ne retiendra pas cette recommandation : il préconise d’élire les huit Best Losers après l’allocation des sièges basés sur le PR.
 
Pour Rama Sithanen, la solution est dans le compromis. S’il est d’avis que toute discrimination communale doit être enlevée de la Constitution, il affirme fermement que les objectifs du BLS doivent être maintenus. Ce qui est faisable en conservant les circonscriptions actuelles, dont certaines sont faites pour assurer l’élection de groupes ethniques particuliers et en comptant sur le bon sens des leaders politiques pour s’assurer que leur Party List reflète toutes les composantes de la société mauricienne.
 

Représentativité des femmes

 
Les trois rapports majeurs de ces 10 dernières années sur la réforme électorale font la part belle à la représentativité des femmes au Parlement. Le nombre de députés femmes à l’Assemblée nationale est loin des engagements pris par Maurice au niveau international.
 
Carcassonne propose un moyen d’assurer une meilleure présence féminine en politique de manière mécanique : parmi les deux premiers candidats d’un parti dans une circonscription doit obligatoirement figurer une femme. Les chances qu’au moins deux femmes soient élues par circonscription deviennent assez grandes.
 
Rama Sithanen propose plutôt qu’il n’y ait pas de quota légal, misant une fois de plus sur le bon sens et la bonne volonté des leaders politiques. Les partis politiques devraient donc proposer une candidate dans chaque circonscription, mais aussi une femme pour chaque séquence de trois candidats sur la Party List hiérarchisée. Cette liste doit donc contenir au moins 33 % de femmes ou d’hommes.
 
Sur cette question, Sachs se montre indécis, préférant faire trois suggestions au lieu d’une recommandation précise : d’abord, imposer le quota d’une femme par circonscription, ou alors une femme pour chaque séquence de trois candidats sur la Party List, comme le propose Sithanen et, enfin, en cas de financement public des partis politiques, que la somme déboursée soit motivée par la place faite aux femmes dans les différents partis. Le comité Collendavelloo préconisera que six des 12 premiers candidats de la Party List soient des femmes.