Publicité

Kelly Wayne, une artiste romantique

12 avril 2004, 00:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

SUCCÈS inattendu pour Kelly Wayne. L?artiste prolonge son exposition au Caudan Waterfront. Et reçoit la confirmation d?une invitation à exposer à la mairie de St. Pierre, à l?île de la Réunion pour le mois d?octobre.

Si le travail sur le choix thématique laisse un peu à désirer, si la technique, à voir par la conception scénographique, oscille entre un naturalisme somptueux et un réalisme qui transfigure l?objet, l??uvre de l?artiste se révèle malgré tout un art délibérément romantique atteignant peut-être son summum dans ce spectacle au coucher du soleil dans Bonne nuit Flic en Flac, immortalisant ce souvenir dévoilé dans L?amour perdu. Romantique aussi parce qu?elle cherche à exprimer l?inexprimable en refusant d?afficher la séparation entre les apparences et le fond. Elle se révolte contre le scandale de la différence. D?emblée, l?artiste à la recherche de son unité se heurte à la société. Celle-ci, préférant les êtres conformes à ses règles voit en elle une révoltée. Elle lui offre le spectacle de ses propres contradictions mais sans les guérir. Considéré comme un hors-la-loi, l?artiste cherche alors sa consécration dans l?art.

L?essence de son art n?est pas dans le dit, mais dans le vouloir dire. Et ce vouloir dire transmet avec délicatesse un investissement magistral de sa sensibilité. La charge est profondément émotive, somptueusement sensuelle et vise donc à toucher soi-même ainsi que chaque individu personnellement.

L??uvre de l?artiste est affaire de sensibilité. Elle est l?expression de ses rêves. Pas étonnant qu?un de ses tableaux porte le titre La forêt des rêves. Mais, ils sont aussi l?expression d?une révolution de cette sensibilité. Ne dit-on pas que l?artiste romantique est ?l?apôtre du renouveau?, celui qui perçoit avant les autres les formes susceptibles de remodeler le monde à venir ?

C?est justement parce qu?elle perçoit les profondeurs et immensités de l?inconnu, qu?elle a cette capacité de nous parler de ce que nous ne voyons pas encore. De ce fait, elle révolutionne le goût du public. Elle va jusqu?à recréer le mythe, tel celui d?Abel et celui du vampire. En réalité, sur ses tableaux, le vécu dépasse le réel pour rejoindre le mythe.

Singularité artistique

Et si dans son ?uvre le romantisme bruyant est relayé par le romantisme silencieux, c?est sans doute parce que, comme tous les novateurs en art, elle a choisi de créer son public plutôt que de répondre à ses besoins ? d?où cette tendance à vouloir bousculer plutôt que de préserver les codes, comme ceux de la féminité. En effet, refusant les limites, l?artiste élabore ici une nouvelle silhouette féminine qui rend la femme frêle et mièvre ? une sorte d?elfe, entre la nymphe et l?ange. Autant dire, un alter ego. Sur ses tableaux, où coulent les rêves, la courbe qui dessine le corps est la réalisation d?une ?régénération intérieure de toute existence?, pour emprunter une expression de Novalis.

Nul doute, la singularité de Kelly vient de l?origine de sa souffrance. ?Le romantique, écrit Gonzague Saint Bris, est en contradiction totale avec le sentiment général de la société. Il le sait, il en souffre, il n?y peut rien?. En tant qu?artiste romantique, Kelly est quelqu?une qui a été touchée avant les autres. En tant qu?être humain, nature dénaturée, telle qu?elle se la représente dans La femme mystérieuse, c?est quelqu?une qui est touchée à la fois par le drame et un idéal salutaire. Entre le charnel et l?idéalisation, c?est l?immense déchirure, le profond désaccord entre le moi et le non-moi concrétisé dans Transformation de soi.

La vraie vérité de l?artiste, la voici : c?est la blessure initiale et éternelle de son âme. Sur ses tableaux, chaque couleur, devenant l?écriture de cette âme à la recherche de la plénitude d?être, devenant l?écriture de l?artiste à la recherche d?elle-même, traduit sa capacité à s?élancer vers l?infini. Le tableau qui porte le titre de L?allée des flamboyants ? sujet inspiré de la route de Médine ? et celui de Voyage qui évoque le désir de partir vers d?autres cieux pour découvrir d?autres horizons, le montrent bien. Son état d?âme se résume à l?insatisfaction du présent et la quête de quelque chose d?indéfini ? d?où le romantisme est le lys de l?insatisfaction.

Fondamentalement, son art renvoie à une scission profonde entre elle et le monde. Il réclame en même temps quelque chose de supérieur, de poétique. A Maurice, en peinture, si l?avènement du moi est accompli il y a bien longtemps, ce modèle de son éclatement est tout nouveau. Le sens se trouve dans cette déclaration rousseauiste : ?j?étouffe dans l?univers?, semble dire l??uvre de Kelly Wayne.

Heureusement que l?artiste romantique est aussi un artiste moderne en permanence, du fait même que le romantisme a cette particularité de traverser le temps. ?Qui dit romantisme, dit art moderne?, écrivait Baudelaire. Pas étonnant qu?en attendant de trouver des sponsors, l?artiste songe actuellement à son exposition qui aura lieu à la Mairie de St. Pierre sous le titre ?Sexe et peinture?, au mois d?octobre. A suivre...