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Djihadistes mauriciens: des amis de Zafirr et Lubnaa Golamaully racontent

8 octobre 2016, 22:27

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Djihadistes mauriciens: des amis de Zafirr et Lubnaa Golamaully racontent

L’histoire de Zafirr Golamaully et de sa sœur Lubnaa a ébranlé le pays récemment. Ces deux jeunes Mauriciens, qui ont fréquenté des «star schools», se sont radicalisés et ont rejoint les rangs de l’État islamique. Si leurs parents sont désemparés après avoir appris la nouvelle, leurs amis peinent à comprendre comment ils en sont arrivés là. Nous sommes allés à leur rencontre et tous parlent de deux jeunes sans aucune idée extrême.

Zafirr, connu comme «Gola» par ses camarades de classe, a étudié au collège Royal de Curepipe de 2001 à 2007, avant de quitter Maurice pour Dubaï en 2014. Selon un de ses plus proches amis de l’époque, il était un jeune homme ordinaire, fan de rock. «C’était la personne la plus stable que je connaissais», confie-t-il. Zafirr, selon ses dires, s’intéressait de près à l’actualité internationale et avait, à l’époque, une très vaste connaissance géopolitique. Cependant, «à partir de 2012, il a commencé à croire de plus en plus dans les préceptes du Coran et prônait l’instauration d’un califat, explique notre interlocuteur, mais sans pour autant parler de violence ou de terrorisme.C’était simplement un idéal». La dernière fois que cet ami d’école a vu Zafirr Golamaully, c’était en 2014. Mais même là, il ne lui a fait part d’aucune intention de quitter le pays. «Il était toujours normal.» Alors qu’est-ce qui a poussé ce fan de rock à devenir un extrémiste? Le jeune homme ne saurait le dire. Il s’étonne même de l’extrême radicalisation de son ami.

Un ex-élève du collège Royal de Curepipe ajoute, lui, qu’il a constaté des changements dans le comportement de Zafirr Golamaully dès 2010. «Ses posts sur les réseaux sociaux ont pris une autre tournure. Il a aussi commencé à arborer une barbe à cette époque», se souvient-il. Mais à l’école, il se rappelle de Zafirr comme étant un jeune brillant. «Il n’était pas le plus studieux, mais il était très intelligent.»

Un autre ami de Zafirr Golamally, qui était au collège Royal de Port-Louis (RCPL) et qui le voyait souvent lors des leçons particulières, parle de quelqu’un de calme et d’introverti. «Il était intelligent et doué, surtout pour les langues», soutient le jeune homme. La dernière fois qu’il l’a vu, c’était en 2013 à la mosquée. «Zafirr s’était laissé pousser la barbe.» Mais d’après lui, la barbe était loin d’être un signe religieux. «Zafirr était fan de rock et c’était pour suivre la tendance qu’il arborait une barbe.» Il ajoute que Zafirr n’a jamais été quelqu’un faisant partie du mainstream. «Il avait un look et une manière de penser qui étaient toujours différents des autres», poursuit-il.

Un poème du jeune homme publié chez «Point barre» lorsqu’il avait 19 ans.

S’ils n’ont jamais eu de discussion concernant la religion, cet ex-élève du RCPL confirme n’avoir jamais constaté de tendances extrêmes chez Zafirr. «Mais même en Syrie, il faut savoir ce qu’il fait!» Pour lui, il est très probable que le jeune homme soit pro-Erdogan et se bat contre les Kurdes. «Il y a plusieurs possibilités, il ne faut pas tirer de conclusions hâtives», fait-il valoir. La dernière fois qu’il avait eu des nouvelles, il avait appris que Zafirr était parti pour Dubaï pour poursuivre des études de médecine, avec un groupe d’amis de Maurice. Il est d’avis que la radicalisation de son ami s’est faite hors du pays car «Zafirr est parti sans aucune idée de participer à une  guerre sainte».

Lubnaa, la sœur de Zafirr Golamaully, est également présentée comme une fille normale, sans aucune vélléité radicale. Une de ses amies, habitante de la région de Vacoas, affirme qu’elle a toujours été une fille «moderne et normale». «Quand nous étions encore au collège, Lubnaa se maquillait et n’a jamais porté le voile», dit-elle. Cette élève d’un collège d’État, qui a fréquenté Lubnaa lorsqu’elle avait 17 ans, peine à comprendre où et quand la jeune fille a commencé à avoir des idées extrémistes. Outre le collège, les deux filles prenaient des leçons de Coran ensemble. «Elle parlait peu, mais était toujours d’humeur joyeuse. Elle riait beaucoup», se rappelle cette amie.

La dernière fois qu’elle a vu Lubnaa, c’était à la mosquée, pendant le ramadan de 2014. «Je suis persuadée que le changement ne s’est pas fait à Maurice car elle a quitté le pays sans ces idées.». Une autre amie se dit tout aussi choquée. Elle connaît Lubnaa à travers son père, Rechad Golamaully, qui était son enseignant de chimie. «C’est une famille calme et ouverte d’esprit. Je n’arrive pas à comprendre ce qui a mal tourné.»