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Premiers travailleurs engagés: un saut dans le passé

2 novembre 2014, 09:35

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Premiers travailleurs engagés: un saut dans le passé

Qui étaient ces 36 premiers travailleurs engagés qui sont arrivés le 2 novembre 1834 ? Et qui ont débarqué à Port-Louis deux jours plus tard, le temps de compléter les formalités administratives? Des pionniers qui, grâce à leur labeur dans les champs, ont inauguré la Grande expérience des Britanniques, qui, avec l’engagisme, ont trouvé là un système pour remplacer la main-d’œuvre servile après l’Abolition de l’esclavage. Une stèle où sont inscrits les noms de ces 36 premiers travailleurs engagés sera dévoilée, ce dimanche, lors de la commémoration du 180e anniversaire de leur arrivée.

 

Direction les Archives de l’immigration indienne, conservées au Mahatma Gandhi Institute (MGI). Des archives qui sont inscrites, depuis la semaine dernière, dans le Registre Mémoire du monde de l’Unesco. Des registres qui font donc partie du patrimoine documentaire de l’humanité.

 

SALAIRE MENSUEL DE CINQ ROUPIES

 

Sauf que les séries de documents, au MGI, ne recensent l’immigration indienne qu’à partir de 1842. C’est ce que nous explique Vishwanaden Govinden, l’un des responsables aux Archives. «Avant cette date, l’engagisme était une entreprise privée. C’est à partir de 1842 que les autorités coloniales s’en sont chargées.» Les documents concernant les 36 premiers engagés se trouvent, eux, aux Archives nationales, à Coromandel.

 

Des chercheurs se sont penchés sommairement sur les cas de ces premiers immigrants. «Nous avons déjà essayé, mais nous n’avons pu retracer la majorité de ces immigrants», dit seulement Vijaya Teelock. La liste de leurs noms est disponible dans Labour Immigrants in Mauritius, A Pictorial Recollection. Leur sirdar se nommait Sooroop. Parmi les autres noms à côté desquels il y a une croix : Bhoodhoo, Champah, Bhudhram, Juttoo, Choytun, Gungaram, Chota Muggoo, Dookhun, Sookhun, Callachaund et Lungoor. Ce premier contingent était entièrement masculin.

 

Ces travailleurs sont décrits dans les documents comme étant des «Hill coolies». «C’est parce qu’ils venaient des montagnes, de régions telles que Hazareebaugh et Ranchee, dans le Bihar», souligne Vishwanaden Govinden. 

 

Labour Immigrants in Mauritius, A Pictorial Recollection nous renseigne à ce sujet. Ces travailleurs ont été engagés par George Arbuthnot, représentant de Hunter Arbuthnot & Co, pour une durée de cinq ans. Le Contrat avait été établi devant le Chief Magistrate McFarlan, au poste de police de Calcutta. Leur salaire mensuel est de cinq roupies et ils ont reçu six mois de paie d’avance. Une roupie par mois est retenue, pour  les frais du voyage, jusqu’à ce que le montant couvre le retour à Calcutta. Dans le cas de figure où les travailleurs restent en tant qu’employés à la fin de leur contrat de cinq ans, la somme retenue  leur est rendue. Le sirdar a droit, lui, à Rs 10 par mois, alors que son assistant perçoit Rs 8 par mois.

 

«QUATRE DHOTIS»

 

Le Chief Magistrate lit et explique le contrat aux engagés avant leur départ, avec l’aide d’un interprète. Ils embarquent, à bord de l’Atlas du capitaine Hustwick, le 15 septembre 1834, et rejoignent la colonie le 2 novembre 1834. Direction la propriété de James Edward Arbuthnot, à Belle-Alliance, près de Piton, dans le district de Rivière-du-Rempart. Aujourd’hui, un monument érigé sur l’ancienne propriété d’Antoinette – rebaptisée Phoolyar Nagar – rend hommage à ces travailleurs.

 

Selon le Dictionnaire de biographie mauricienne, James Edward Arbuthnot (1809-1868) avait déjà «importé» un groupe de 39 laboureurs libres trois mois plus tôt, soit en août 1834, «sans que les autorités le sachent au préalable». Un groupe qui est arrivé à bord du navire Le Sarah. En 1853, Arbuthnot contribuera à la création de la Chambre d’agriculture. De mai 1856 à sa mort, le 29 septembre 1868, d’une dysenterie, il sera membre du Council of Government. Il est enterré au cimetière St.Thomas, à Beau-Bassin. 

 

Un article paru dans Le Cernéen du 14 novembre 1834 – soigneusement conservé par Vishwanaden Govinden – indique qu’en sus du salaire de ces immigrants, «les vivres et les vêtements leur sont fournis. À chaque homme, deux livres de riz, une demi-livre de dholl, deux onces de sel, un peu d’huile et de tamarin ; et à chaque femme les mêmes objets, moins une demi-livre de riz. Et à chaque individu et par an, quatre dhotis, un chudder, deux couvertures, une veste et deux bonnets». Qu’est-il arrivé à ces travailleurs? Sont-ils restés après leur contrat de cinq ans ou sont-ils repartis vers leur pays d'origine? L’histoire ne le dit pas.