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Portrait

Un chef qui veut montrer que cuisine saine ne signifie pas insipide

29 mars 2025, 19:00

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Un chef qui veut montrer que cuisine saine ne signifie pas insipide

Shivam Bhujun, propriétaire du restaurant Le Bazilic à Mahébourg. © Beekash Roopun

Depuis 12 ans, le chef Shivam Bhujun, diplômé de l’école hôtelière sir Gaëtan Duval et qui a peaufiné ses connaissances et compétences sur un bateau de croisières et auprès de chefs de renom à Maurice, régale les touristes dans son restaurant «Le Bazilic» à Mahébourg. Son secret est de proposer des produits de la mer frais, cuisinés dans très peu d’huile. Et ses accompagnements contiennent peu de glucides. Ses visiteurs font régulièrement ses éloges sur les plateformes de voyage telles que le Guide du Routard, Tripadvisor, Lonely Planet, Le Petit Fûté, pour ne citer que ceux-là. Il faut croire que les affaires marchent bien pour lui puisqu’il envisage d’ouvrir un deuxième restaurant, sur le front de mer cette fois.

Le restaurant Le Bazilic, qui a pignon sur rue Maurice à Mahébourg, dégage de bonnes vibrations. Un sentiment qui est renforcé par les murs et le plafond recouverts de bois de coffrage brun, par des volets en bois aux fenêtres, par le bois de palette du mobilier et la décoration vintage, en particulier à l’étage de l’établissement. On sent que le chef Bhujun y a investi beaucoup de temps et d’amour pour mettre ses clients à l’aise.

Cet homme de 39 ans, tient sa passion pour la cuisine de sa mère Dewantee, originaire de Mahébourg. Cette femme au foyer adorait cuisiner pour son mari, qui vient de Rose-Belle, et pour leurs trois fils, leur mijotant notamment des bouillons de petites vielles ou leur préparant un salmis de mangouacs et d’autres spécialités de la cuisine kreole. Shivam a un frère aîné, Ravi, qui est un ingénieur installé au Canada et un petit frère Dhivash, ingénieur informatique qui vit et travaille aux États-Unis.

Notre interlocuteur a fréquenté le Mootoocoomaren Sungeelee SSS jusqu’en Form V et dans ses temps libres, il allait regarder sa mère cuisiner. C’est donc naturellement qu’il a voulu se perfectionner en cuisine, se faisant admettre à l’école hôtelière sir Gaëtan Duval pour suivre les cours de NTC 3, soit l’apprentissage de base. Il suivait cette formation théorique une fois la semaine à l’école et le reste du temps, il était en stage dans les cuisines de l’hôtel Le Preskil. «C’était dur mais je voulais aller au bout de mes cours», raconte-t-il. Il est encouragé par un cousin qui remarque ses efforts et qui lui prédit qu’il aura un jour son propre restaurant à Mahébourg.

Cuisiner pour de grands groupes

Son NTC 3 obtenu, Shivam Bhujun suit la formation du NTC 2 pour devenir chef de partie et apprend à faire des sauces, des fonds, des taillages, du live cooking. Son enseignant à l’école n’est autre que le chef Josian Troubat. En parallèle, il effectue un stage de deux mois à l’Heritage Golf & Spa et il aime beaucoup ce qu’il fait. «À partir de là, j’étais un vrai commis de cuisine.» Lorsqu’il réussit son NTC 2, il se dit qu’il doit acquérir de l’expérience en voyageant et en cuisinant pour un grand nombre de personnes. Shivam Bhujun prend alors de l’emploi chez Princess Cruises. Pendant six mois, il est affecté aux cuisines du bateau de croisières Grand Princess. Il travaille 12 heures par jour, préparant avec l’équipe le buffet du petit déjeuner et étant affecté à la Steak station en soirée. Bien que Shivam Bhujun ne soit resté que six mois sur le Grand Princess, il a maîtrisé les cuissons des viandes.

À la fin de son contrat, il a regagné Maurice et a travaillé deux mois au Labourdonnais Hôtel aux côtés de Nizam Peeroo avant de recevoir une offre de Shanti Maurice. «Ma plus longue expérience de travail a été chez Shanti Maurice où je suis resté cinq ans et j’ai beaucoup appris aux côtés des chefs, notamment le chef autrichien Willybald Reinbacher, qui n’avait pas son pareil pour valoriser les fruits de mer en les alliant aux fruits tropicaux, le chef thaïlandais Alex Tie, qui m’a appris le meilleur des plats thaïlandais et le chef Philippe Jego, Meilleur ouvrier de France, qui a obtenu une étoile Michelin.» Ce frottement lui permet non seulement de devenir un bon chef mais aussi d’utiliser très peu d’huile de cuisson et de réduire les glucides comme accompagnements. Shivam Bhujun est convaincu que «you are what you eat. J’ai compris que l’on peut manger des plats à la fois sains et délicieux et que l’un n’empêche pas l’autre.»

En 2013 et à 27 ans, il se sent fin prêt à voler de ses propres ailes et cherche un local à louer. La chance veut qu’il en trouve un juste en face du restaurant Les Copains D’abord à la rue Maurice à Mahébourg et dont l’ancien occupant était aussi un restaurateur. «Ces deux restaurants qui se font face étaient les premiers de Mahébourg et attiraient de nombreux touristes.» Shivam Bhujun commence par louer le rez-de-chaussée du bâtiment dont il retape les intérieurs avec du bois de coffrage et du bois de palettes. Sa mère lui donne un coup de main en cuisine, de même que Sounita Daby, contemporaine de sa mère, recrutée par sa tante.

Il choisit un calembour comme nom pour le restaurant, à savoir Le Bazilic, soit le kreol «baz» et le condiment si parfumé. Un nom qui n’est pas étranger au fait que son père, retraité du Central Electricity Board, cultive sous serre du basilic thaïlandais, qui est plus parfumé et qui a un goût prononcé d’anis en notes finales. Comme il est basé à Mahébourg, il propose une carte très variée comprenant différents poissons et crustacés qu’il va chercher auprès des pêcheurs, parcourant des kilomètres parfois pour obtenir des vielles rouges, du filet de Vacoas, des langoustes, des crevettes. «Je ne travaille qu’avec des produits frais. Je propose des poissons grillés au beurre, un vindaye de fruits de mer et j’utilise notamment de la moutarde à l’ancienne et très peu d’huile. Je fais aussi des plats thaï comme le curry vert, le pad thaï mais aussi des burgers avec des galettes d’agneau ou végétariennesfaites maison. Je prépare mes propres pâtes à la Bolognaise et mon propre pesto aussi.» Son plat le plus demandé est le poisson mariné avec plusieurs épices et cuisiné au four dans une feuille de ravenala.

Son enseigne lui attire immédiatement une clientèle touristique. En 2017, un Français qui vient manger chez lui avec sa famille le complimente pour sa cuisine et au cours de leur conversation, Shivam Bhujun apprend que son restaurant a été recommandé par le Guide du Routard.

Bonnes critiques

Peu après, il est en mesure de louer l’étage du bâtiment et de l’aménager avec des bois recyclés et une décoration vintage de très bon goût. Et d’une quinzaine de couverts, il en propose une cinquantaine. Le Bazilic, qui fait non seulement une entrée remarquée dans le Guide du Routard mais aussi dans TripAdvisor, Lonely Planet, Le Petit Fûté, Evasion, devient une référence pour les touristes de passage et aussi pour certains Mauriciens friands de poissons et de fruits de mer frais.

Si la pandémie du Covid-19 affecte son restaurant, c’est surtout l’échouement du vraquier MV Wakashio sur le récif de Pointe-d’Esny, qui ébranle les restaurants de la région et Le Bazilic n’est pas épargné. «Il nous a fallu aller chercher nos poissons et crustacés frais dans d’autres régions de l’île. Mais malgré les assurances données, il y avait une certaine méfiance aussi bien chez les touristes que les Mauriciens par rapport aux produits de la mer. Cela a pris un certain temps pour redémarrer.» Les affaires ont fort heureusement repris pour lui, surtout après que les analyses d’eau de mer prélevées par les Japonais ont révélé que la situation était revenue à la normale.

En 2024, Le Bazilic a obtenu un Certificat d’Excellence de TripAdvisor. Comme Shivam Bhujun veut donner la chance aux jeunes de faire leurs armes en restauration et en cuisine, il a obtenu de l’école hôtelière sir Gaëtan Duval un certificat l’autorisant à former des jeunes. Il emploie actuellement trois jeunes comme serveurs dont Alina et Danusha alors qu’en cuisine, il est notamment épaulé par Rayyan, un jeune de 20 ans, fraîchement émoulu de l’école hôtelière et qui a obtenu une distinction en NC 3. «Nous sommes huit en cuisine actuellement.» Lui fait le va et vient entre la cuisine et les salles du restaurant pour accueillir et converser avec les clients.

Il change souvent sa carte pour y introduire de nouveaux plats. Il s’est d’ailleurs rendu en Inde avec son père en janvier dernier et a fait venir un chef indien dans les cuisines du Bazilic. «Je veux ajouter quelques spécialités indiennes sur ma carte, dont du butter chicken, des naan, du dhal makhani, des momos (raviolis), notamment de cerf, car Ferney n’est pas loin de nous et on peut y trouver du cerf frais. On proposera aussi du salmis de cerf.»

Shivam Bhujun se refuse d’abrutir les clients en leur proposant un trop grand nombre de plats sur la carte. Il se contente d’une quinzaine. Le Bazilic tourne au quotidien à partir de 11 h 30 jusqu’à 21 heures. Shivam Bhujun caresse le rêve d’ouvrir un autre restaurant et cette fois sur le front de mer. Il s’est déjà mis en quête d’un local. Sa mère étant décédée l’an dernier, qui pourrait le seconder si son rêve prenait forme ? «J’ai pleinement confiance en Sounita Daby. Elle m’a beaucoup soutenu et je sais que je peux lui laisser les rênes du Bazilic et me reposer sur elle. Et je sais aussi pouvoir compter sur mon équipe.»

Il est satisfait de la façon dont ses affaires marchent, même s’il trouve que les autorités devraient aider davantage les jeunes entrepreneurs en simplifiant les procédures et la délivrance de permis.

Son souhait est qu’un plus grand nombre de Mauriciens viennent découvrir sa cuisine. «Il y a beaucoup de diabétiques et de personnes pré-diabétiques à Maurice. Les gens doivent comprendre que l’on peut manger bien et sain sans un trop plein d’huile ou de glucides. Il ne faut pas oublier que la santé passe par l’estomac.» Message reçu cinq sur cinq…

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