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Selon le gouverneur de la Banque de Maurice

«Toutes les décisions prises par l’ancien Monetary Policy Committee étaient politisées»

13 février 2025, 09:01

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«Toutes les décisions prises par l’ancien Monetary Policy Committee étaient politisées»

Révélation de taille faite par le gouverneur de la Banque de Maurice à la presse, hier. Rama Sithanen a affirmé que toutes les décisions prises par l’ancienne direction du Monetary Policy Committee (MPC) de la Banque de Maurice étaient politiquement motivées et faites sur instruction. Il n’a toutefois pas cité le nom de la personne qui aurait donné ces directives mais ceux qui suivent ce dossier ont deviné de qui il s’agissait.

Face à la presse après la première réunion du Banking Committee, qui fait suite à celle du Monetary Policy Committee (MPC), le 4 février, Rama Sithanen, entouré de ses deux adjoints, soutient que la réunion du MPC du 20 septembre dernier ne devait pas avoir lieu. Or, elle s’est tenue sur instruction et c’est au cours de cette réunion qu’il a été décidé de réduire le taux directeur de 50 points de base alors que les techniciens en modélisation économique de la BoM avaient recommandé une hausse du taux directeur.

«Ce comité a fait exactement le contraire de la hausse du taux, mesure recommandée par la FED américaine. Aujourd’hui, avec la hausse du taux directeur à 4,5 % nous avons corrigé cette situation.» Le gouverneur de la BoM s’appuie sur une note pour affirmer que «the no change policy was dictated by a mere political reason and not by economic imperatives».

Il n’y est pas allé de main morte pour affirmer que cette surpolitisation des décisions à la BoM, sous la présidence d’Harvesh Seegolam, a fait que cette institution ait laissé un lourd héritage au moment de sa prise de fonctions, le 15 novembre. «Nous aurions pu également faire The State of the Bank of Mauritius comme The State of the Economy. Nous ne l’avons pas fait.» Il a rappelé que cette situation est liée à l’excès de liquidités sur le marché, un montant de Rs 150 milliards, réalisé principalement à travers la planche à billets. Or, Rama Sithanen constate que l’injection de ces Rs 150 milliards dans le circuit économique, dont une partie par le biais de la Mauritius Investment Corporation à hauteur de Rs 81 milliards et le reste pour financer le déficit budgétaire, a fait flamber l’inflation.

Excès de liquidités

Si à l’arrivée de la nouvelle équipe de direction à la BoM, l’excès de liquidités s’élevait à Rs 34 milliards, la banque s’est employée à absorber une partie pour se retrouver aujourd’hui à seulement Rs 15 milliards. Cependant, Rama Sithanen maintient que cette opération a un coût énorme pour la BoM. Qui dit excès de liquidités dit également dépréciation de la roupie, qui a perdu 20 % de sa valeur vis-à-vis du dollar entre 2020 et 2024. Mais avec des pressions inflationnistes, près de 28 % au cours de la même période. Le gouverneur a ajouté que ces deux facteurs ont impacté négativement sur le coût de la vie de la population alors qu’une roupie en chute libre n’a fait que dégrader le déficit de la balance commerciale.

Rama Sithanen est revenu sur la décision de hausse du key rate à 4,5 % à l’issue de la première réunion du MPC sous la nouvelle équipe, qu’il juge graduelle et balancée. Car il ne faut pas oublier que la banque a aussi un mandat pour contrôler l’inflation, donc les prix, stabiliser la roupie et promouvoir la croissance. «En réduisant le différentiel entre le taux d’intérêt sur le dollar et la roupie suivant la hausse du taux directeur, nous avons réalisé trois objectifs. D’abord, nous avons encouragé les opérateurs à échanger leurs devises, ce qui viendra régler, dans une certaine mesure, le manque de devises sur le marché. Ensuite, nous avons incité les Mauriciens à épargner, avec un taux d’épargne, qui a augmenté de 50 points de base,et finalement, c’est une mesure qui permettra, à terme, de réduire l’excès de liquidités dans le circuit.»

Tout compte fait, Rama Sithanen estime qu’il est nettement mieux pour un employé de percevoir un salaire de Rs 30 000 mensuellement face à une inflation de 3 % et un dollar échangé à Rs 46 qu’un salaire de Rs 31 000 face à une inflation de 7 % et un dollar à Rs 50.

Le patron de la BoM est conscient qu’il n’est pas facile de remettre de l’ordre dans une institution marquée par cinq ans de mauvaise gestion. Cependant, il croit que «the direction of travel is good». D’ores et déjà, il est satisfait que la nouvelle équipe ait pu stabiliser la roupie face au dollar, bien que celui-ci se soit apprécié au niveau international à la suite de l’élection de Donald Trump comme président des États-Unis.

Quid de la disponibilité de devises sur le forex, plus particulièrement le dollar ? Le flux de devises augmente mais cela prendra du temps pour régler un «backlog» de plus de quatre ans, avec notamment une mauvaise politique monétaire privilégiant une dépréciation accélérée de la roupie. «Nous sommes aux commandes de la banque depuis trois mois. Avec les mesures prises pour enlever les distorsions sur le marché, nous sommes confiants de pouvoir résoudre ce problème de pénurie de devises.»