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Éclairage

Prêts toxiques ou créances douteuses : Au-delà de Gooljaury et des autres…

5 février 2025, 08:39

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Prêts toxiques ou créances douteuses : Au-delà de Gooljaury et des autres…

L’affaire impliquant Rakesh Gooljaury sur les prêts toxiques accordés par l’ex-Mauritius Post and Cooperative Bank (MPCB), aujourd’hui la MauBank, relayée ces derniers jours dans la presse et sur les réseaux sociaux, avec son arrestation et sa libération sous caution après six jours passés en cellule policière, remet sur le tapis la question cruciale de la gestion des créances douteuses par des banques.

Sans doute, il ne faut pas s’arrêter à Rakesh Gooljaury, personnage énigmatique de la classe politique qui s’est imposé comme une pièce clé dans le dispositif du précédent gouvernement de Navin Ramgoolam, tout comme dans celui de Pravind Jugnauth. D’autres prêts ont aussi été médiatisés ces dernières années, impliquant des personnalités non moins connues comme Teeren Appasamy dans le temps avec la MCB et d’autres encore hors du territoire, comme le fameux prêt kényan de Rs 6 milliards des frères Pabari du groupe Pabari Investments en 2018 au préjudice de la SBM, première banque d’État du pays.

Or, voilà que dans le sillage de l’arrestation de l’ex-Premier ministre, Pravind Jugnauth, samedi soir et de sa libération après quelques heures passées dans le centre de détention de Moka le lendemain, le CEO de My Holiday, Josian Deelawon, arrêté comme son comptable dans ce cas présumé de blanchiment d’argent et qui ne nie pas sa proximité avec le leader du MSM, fait déjà l’objet d’un audit trail sur ses transactions financières. Aurait-il usé de cette proximité pour bénéficier de prêts, comme d’autres, auprès des banques d’État. Pour le moment, tout semble indiquer que non, tout au moins récemment. En revanche, il a été reçu par d’autres établissements.

Cependant, ce qui saute aux yeux, ce que sont toujours des banques avec des capitaux d’État et souvent des nominés politiques à leur tête qui s’illustrent dans des cas des prêts octroyés à des proches du pouvoir, d’un régime à l’autre, et qui se révèlent trop souvent par la suite comme étant carrément non-performants. L’histoire du crash de la défunte Cooperative Bank, baptisée MPCB et rebaptisée MauBank, en est un exemple classique.

Dans le cas du high profile case de Rakesh Gooljaury, on peut reprocher à la direction d’alors une grande générosité à son égard, même si celle-ci s’est toujours défendue que la décision finale reviendrait aux membres du board. Comme on peut comprendre l’étonnement mêlé à la colère de la population face à l’ampleur de ces prêts. Et elle a le droit de se poser haut et fort des questions sur les réseaux sociaux et sur les antennes de radios privées.

Et quid de ceux qui n’ont pas de connexions politiques, qui doivent parcourir de longues épreuves, souvent humiliantes, pour avoir droit à un prêt souvent modique en ayant à fournir une série de documents et autres preuves sur leur vie privée et professionnelle pour juger de leur capacité de remboursement ? Alors que d’autres peuvent se prévaloir tranquillement d’un traitement VIP.

Comprendre les créances douteuses

D’une manière générale, la présence de créances douteuses soulève de nombreuses interrogations sur la capacité des institutions bancaires à se protéger contre ce type de risque, qui peut compromettre leur solidité financière et nuire à la confiance du public.

Les créances douteuses, ou Non-Performing Loans (NPLs), correspondent aux prêts pour lesquels l’emprunteur ne respecte plus ses obligations de remboursement depuis une période prolongée, expliquent les spécialistes. Ces NPLs peuvent survenir en raison de plusieurs facteurs: mauvaise évaluation de la solvabilité de l’emprunteur, fraudes, conditions économiques défavorables ou encore, manque de rigueur dans l’octroi de crédits.

Les prêts conjugués en milliards de Gooljaury illustrent du coup l’importance d’une gestion rigoureuse des risques bancaires. Il est clair que si les banques n’appliquent pas des contrôles stricts, elles s’exposent à des pertes financières massives et à des scandales susceptibles de nuire à leur réputation. La SBM en sait quelque chose, jadis un groupe bancaire-phare du pays.

Pour limiter l’exposition aux prêts toxiques et renforcer leur solidité, il n’y a pas mille solutions: les banques doivent se protéger en mettant en place plusieurs stratégies de prévention et de gestion des risques.Il va sans dire qu’un système de crédit bien structuré repose sur une évaluation rigoureuse des dossiers de demande de prêts.

«Les banques doivent s’assurer que l’emprunteur dispose d’un historique de crédit satisfaisant, que sa capacité de remboursement soit analysée de manière approfondie, ait des garanties solides pour minimiser les risques de défaut et si besoin, qu’elles effectuent des stress tests pour évaluer la capacité des emprunteurs à faire face à des chocs économiques», conseille un expert bancaire.

L’analyse des données permet certes d’améliorer la détection des risques en exploitant les historiques de crédit, les tendances de marché et les comportements des emprunteurs. Comme à l’étranger, les banques peuvent avoir recours, explique-t-on dans les milieux, à l’intelligence artificielle pour prédire les risques de défaut, les plateformes de scoring de crédit avancées pour identifier les emprunteurs à risque ou encore le machine learning pour détecter les anomalies et comportements frauduleux.

Mais plus important encore est que les institutions bancaires doivent se conformer à des règles prudentielles strictes, notamment celles émises par la Banque de Maurice et les normes internationales telles que Bâle III. Ce qui implique des exigences de fonds propres plus élevées pour couvrir les pertes potentielles, une transparence accrue dans la publication des risques encourus et des audits réguliers pour détecter dès le début toute anomalie.

Face à un crédit qui est appelé à devenir douteux, il est crucial de réagir rapidement. Pour cela, les banques peuvent intervenir sur plusieurs claviers. Il faut mettre en place des équipes spécialisées dans le recouvrement de fonds en disposant des biens offerts en garantie et négocier parallèlement des restructurations de dette avec les emprunteurs en difficulté.

Le scandale à la Silver Bank, au centre d’une controverse, hérité par le nouveau gouvernement, impose aux régulateurs de s’acquitter de leur mission correctement. Plus particulièrement à la nouvelle équipe à la Banque de Maurice pour s’assurer que les banques respectent les bonnes pratiques en renforçant ses inspections et en appliquant des sanctions plus sévères en cas de manquements. Ce, pour éviter d’autres scandales à la Silver Bank, et protéger dans un même temps les dépôts des épargnants et des institutions gouvernementales et privées du pays.

On ne cessera de le répéter. La confiance dans le système bancaire repose sur sa capacité à préserver sa stabilité et à anticiper les risques avant qu’ils ne deviennent des crises majeures.