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Gestion des finances publiques

Place à une culture de performance

16 mars 2025, 08:33

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Après une décennie de mauvaise gouvernance, d’une administration au petit bonheur, de louvoiements et de décisions irréfléchies, les finances de l’État et celles des corps parapublics battent de l’aile. Aujourd’hui, la dette publique tutoie les 86 % du PIB, alors que le déficit budgétaire est calculé à 6,7 % du PIB pour l’exercice fiscal 2024-2025. Quant à certaines sociétés stratégiques comme Air Mauritius, le Central Electricity Board, la Central Water Authority ou encore Metro Express Limited, elles cumulent des déficits abyssaux et des dettes impayées, se chiffrant en plusieurs dizaines de milliards de roupies.

Bien entendu, l’ancien gouvernement a connu sa dose de déveine avec la Covid-19 qui a poussé l’État à faire tourner la planche à billets, imprimant Rs 140 milliards tantôt pour constituer la Mauritius Investment Corporation en vue de protéger les entreprises systémiques, tantôt pour financer le Budget 2020-2021. Sans compter les Rs 8,6 milliards déboursées par l’État pour assurer le paiement des salaires des employés sous le Wage Assistance Scheme et Self-Employed Assistance Scheme. Ces décisions étaient primordiales car, à l’époque, le pays était menacé de banqueroute.

Or, c’est au sortir de la pandémie, que tout a commencé à déraper. Au lieu d’imposer une discipline de fer et de parler un langage de vérité, l’ancien gouvernement a choisi de s’engager dans une politique fiscale expansionniste pour honorer ses promesses électorales. Sagesse ou folie ? La réponse est évidente. Cette stratégie kamikaze motivée par la volonté des gouvernants d’alors d’asseoir leur pouvoir durablement devait mettre une pression énorme sur les finances publiques, déjà sous perfusion. Dans le même temps, la croissance monétaire donnait lieu à une poussée inflationniste. Un malheur ne venant jamais seul, le jugement du tribunal d’arbitrage international de Singapour poussait la State Trading Corporation à verser des indemnités de Rs 5,7 milliards à Betamax en juin 2021 pour la résiliation du contrat pour le transport de produits pétroliers.

Y avait-il un capitaine à bord du vaisseau amiral pendant ces premières années post-pandémie ? On se le demande. Le Trésor public se servait allégrement dans les réserves des corps parapublics pour lever encore et toujours plus de fonds pour financer l’appétit gargantuesque du gouvernement central. C’est ainsi que les réserves de Rs 7,8 milliards du CEB allaient fondre comme neige au soleil en raison notamment des transferts au Consolidated Fund. La situation à Air Mauritius, on la connaît bien : pour éviter que la compagnie aérienne ne fasse faillite, comme cela a été le cas pour plus d’une soixantaine d’autres compagnies aériennes dans le monde, elle sera sauvée in extremis grâce aux Rs 25 milliards injectées par la Mauritius Investment Corporation comme fonds propres dans Airport Holdings Limited contre une participation au capital de l’actionnariat de 49 %.

Comme l’argent artificiellement créé coulait à flots, on s’en servait avec avidité sans penser aux conséquences du lendemain. Les investigations sur des affaires relevant de la criminalité financière menées par l’Anti-Money Laundering Unit du CCID et la Financial Crimes Commission nous apprennent qu’apparemment, certains mandarins à la Mauritius Investment Corporation se seraient livrés à des malversations, détournant des centaines de millions de roupies au profit de proches de l’ex-ministre des Finances.

À la CWA, c’est également la pagaille. À l’Assemblée nationale, mardi dernier, le ministre des Services publics, Patrick Assirvaden, a vilipendé l’ancien directeur général de la CWA, Prakash Maunthrooa, l’accusant d’avoir comploté avec des officiers de l’organisme pour allouer des contrats de Rs 1,6 milliard sans passer par des appels d’offres. Il est fort probable que Prakash Maunthrooa devra répondre de ces accusations très prochainement au quartier général de la Financial Crimes Commission.

Les placards sont définitivement remplis de squelettes. Pour les grands maux, on attend les grands remèdes. Jusqu’ici, ce gouvernement a montré de bonnes dispositions pour mettre de l’ordre dans les finances publiques et les corps parapublics en divulguant le rapport sur le State of the Economy. Malgré les résistances bureaucratiques, il a mis en marche les grandes manœuvres pour inculquer une culture d’excellence dans la fonction publique. L’introduction du Performance-Based Budgeting dans le sillage de l’adoption du Finance and Audit (Amendment) Bill est une décision à saluer. Car, à l’avenir, pour chaque roupie dépensée sur un programme budgétaire, un ministère devra donner des résultats concrets et mesurables. Cette réforme institutionnelle axée sur la performance est essentielle du fait qu’elle devrait instiller une culture de redevabilité à tous les échelons dans les ministères. Elle témoigne également de notre engagement auprès de Moody’s et du Fonds monétaire international d’initier un processus de consolidation fiscale en vue d’assainir les finances publiques.

Mais tout ne se fera pas d’un coup de baguette magique. Cela prendra du temps pour sortir les corps parapublics du gouffre financier dans lequel ils se trouvent. Le gouvernement central a-t-il les moyens de remettre sur les rails ces canards boiteux ? Faudra-t-il songer à privatiser certaines sociétés d’État, notamment celles ayant une vocation commerciale et stratégique comme Air Mauritius et la Cargo Handling Corporation ? Cela permettra non seulement au gouvernement central de dégager des revenus considérables, mais donnera aussi les moyens à ces sociétés d’améliorer leur efficience et leur productivité.