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Analyse post-budgétaire

Moody’s salue la consolidation fiscale mais alerte sur les risques d’exécution

14 juin 2025, 14:00

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Moody’s salue la consolidation fiscale mais alerte sur les risques d’exécution

Dans une note publiée le 10 juin, l’agence de notation Moody’s Ratings a livré son analyse post-budgétaire, soulignant l’ambition du gouvernement mauricien (note actuelle Baa3, perspective négative) en matière de consolidation fiscale tout en mettant en garde contre des risques d’exécution élevés. Présenté le 5 juin, le Budget 2025–26 marque, selon l’agence, un tournant décisif dans la stratégie de redressement des finances publiques, mais repose sur des paris économiques et politiques audacieux.

Moody’s cite les projections du ministère des Finances visant à réduire le déficit budgétaire de 9,8 % du PIB en 2024- 25 à 4,9 % en 2025-26, avec un objectif de 2,9 % d’ici 2028. En parallèle, la dette gouvernementale, actuellement estimée à 79 % du PIB, devrait descendre à 73 % d’ici trois ans. Pour l’agence de notation, cette stratégie est «positive sur le plan du crédit», dans la mesure où elle pourrait stabiliser la dynamique d’endettement. Toutefois, elle rappelle que l’ampleur de l’ajustement, soit une amélioration de 8,5 % du solde primaire en trois ans, n’a pas de précédent récent à Maurice, ce qui augmente considérablement les risques d’exécution.

Pour atteindre ces objectifs, le gouvernement mise à la fois sur une augmentation significative des recettes fiscales (+ 4,3 % du PIB) et une baisse contenue des dépenses publiques (- 4,4 % du PIB). Le volet recettes repose principalement sur une réforme combinée de l’impôt sur le revenu et sur les sociétés, une extension de l’assiette de la TVA, ainsi que des hausses de taxes sur les produits spécifiques (droits d’accise, redevances diverses).

L’introduction d’une taxe temporaire dite de «contribution équitable» sur les hauts revenus et les entreprises à forte rentabilité constitue également un levier symbolique et budgétaire. À cela s’ajoute une nouvelle source de recettes extérieures via l’accord de location des Chagos avec le Royaume-Uni, qui devrait générer l’équivalent de 1 % du PIB par an.

Croissance essoufflée

En ce qui concerne les dépenses, la marge de manœuvre est plus étroite, car la structure budgétaire demeure rigide : les dépenses sociales, notamment les pensions et les aides aux ménages, représentent à elles seules 33 % du total en 2024-25. Le gouvernement prévoit de réformer le système de la CSG en supprimant progressivement certaines allocations d’ici 2027.

Autre réforme d’envergure : l’augmentation de l’âge d’éligibilité à la pension de retraite de base (BRP), qui passera à 65 ans, aligné sur l’âge officiel de la retraite. Une commission technique sera mise sur pied pour réformer durablement le système de retraite dans un contexte de vieillissement de la population. Moody’s souligne le caractère politiquement sensible de ces mesures, qui risquent de rencontrer une forte résistance sociale.

Le gouvernement table sur une croissance réelle de 3,7 % en 2025-26, qui devrait atteindre 4 % les années suivantes, portée par les investissements dans les infrastructures et la transition énergétique. Moody’s juge ces prévisions «optimistes» compte tenu de la rigueur budgétaire annoncée, qui pourrait peser sur la consommation intérieure et la demande globale. L’agence note également que la croissance mauricienne, historiquement tirée par les dépenses sociales et la consommation, pourrait s’essouffler avec l’extension de la TVA et la réduction des transferts.

L’environnement international reste également incertain. Toute baisse de la demande extérieure pourrait affecter les exportations et le tourisme, compliquant davantage les objectifs budgétaires. Une croissance inférieure aux attentes fragiliserait les recettes fiscales et ralentirait la baisse de l’endettement.

Moody’s conclut que si le gouvernement parvient à respecter son plan, le ratio dette/PIB de Maurice reviendrait dans la moyenne des pays notés Baa. Les paiements d’intérêts resteront stables, entre 9 % et 12 % des recettes, ce qui maintiendrait une certaine viabilité de la dette à moyen terme. Toutefois, le succès de cette stratégie dépendra entièrement de la capacité des autorités à exécuter rapidement les réformes annoncées, tout en gérant habilement les pressions sociales.

Dans ce contexte, le Budget 2025– 26 représente un tournant crucial : soit Maurice engage un réel assainissement budgétaire, soit il continue à naviguer entre promesses de réforme et réalités politiques, au risque d’un nouvel abaissement de sa note souveraine.

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