Le lancement officiel de la Bank of China (Mauritius) Limited en tant que clearing bank pour le renminbi (RMB) marque une étape décisive dans l’ambition de Maurice de devenir un hub financier de référence entre l’Afrique, la Chine et l’Inde. Cette initiative, saluée par le gouverneur de la Banque de Maurice (BoM), Rama Sithanen, lors de la cérémonie d’inauguration hier à l’hôtel Inter-Continental, à Balaclava, s’inscrit dans un contexte de recomposition des flux commerciaux mondiaux et de diversification des instruments de règlement.

Désormais, les banques et les opérateurs économiques mauriciens disposent d’une nouvelle option de règlement en monnaie chinoise pour leurs transactions transfrontalières. À l’heure où les chaînes d’approvisionnement et les marchés financiers sont confrontés à des turbulences persistantes, la décision d’ancrer à une monnaie alternative comme le RMB permet, selon le gouverneur de la BoM, de mieux gérer les risques de change et de sécuriser les flux commerciaux. Le renminbi s’impose progressivement comme une devise internationale majeure, notamment dans le règlement des échanges, le financement du commerce et comme actif de réserve. Son attrait grandissant découle notamment de la volonté des entreprises de se prémunir contre la volatilité des devises dominantes, en particulier le dollar américain, souvent utilisé comme devise pivot. Le recours au RMB offre ainsi un avantage stratégique : il agit comme une couverture naturelle contre les fluctuations de taux de change et réduit les coûts liés à la couverture de change (hedging).

Le timing de cette opération est significatif. En 2024, la Chine est restée le premier partenaire commercial de l’Afrique pour la 16e année consécutive, avec des échanges bilatéraux ayant atteint un record de USD 295 milliards, en hausse de 12,4 % sur les cinq premiers mois de 2025. Dans ce contexte, la mise en place d’une infrastructure locale de compensation en RMB à Maurice constitue un atout compétitif, facilitant les paiements directs avec la Chine en renforçant les relations commerciales.

Ge Haijiao, président de la Bank of China Limited, a souligné que le nouveau rôle de cet établissement bancaire concrétise un consensus bilatéral et s’inscrit dans une dynamique de consolidation des échanges économiques. «La Bank of China s’engage ainsi à améliorer la qualité et l’efficacité de ses services afin de construire un pont solide pour faciliter les transactions commerciales et monétaires entre Maurice, la Chine et plus largement, les marchés régionaux», a-t-il dit.

Sur le plan systémique, la BoM évalue également l’intégration du RMB dans son système local de règlement automatisé afin de permettre des règlements en temps réel en monnaie chinoise. Cela améliorerait significativement l’efficacité des paiements et réduirait les délais de traitement pour les opérateurs économiques. Cette initiative s’inscrit aussi dans une dynamique panafricaine plus large. En tant que banque de règlement du Regional Payment and Settlement System (REPSS) du Common Market for Eastern and Southern Africa, la BoM explore la possibilité d’y intégrer le RMB comme monnaie de règlement. Par ailleurs, dans le cadre de sa présidence de l’Association des banques centrales africaines (AACB), elle œuvre à l’intégration des systèmes de paiement du continent, avec des passerelles envisagées vers les infrastructures du Pan-African Payment and Settlement System (PAPSS) piloté par l’Union africaine et Afreximbank.

En parallèle, un accord bilatéral de swap de devises entre la BoM et la Banque populaire de Chine offre une réserve de liquidité précieuse en RMB, à activer en cas de stress de marché. Il assure un accès direct au RMB sans passer par des devises tierces, renforçant ainsi l’autonomie financière de l’île.

Ce lancement n’est pas un rejet des partenaires financiers traditionnels, mais une diversification judicieuse. Dans un monde multipolaire, la capacité à offrir plusieurs options de règlement en monnaie nationale devient un levier stratégique pour la souveraineté économique et l’intégration régionale. Pour Maurice, c’est l’opportunité d’inscrire son avenir dans un nouvel ordre économique plus équilibré, plus inclusif et mieux adapté aux réalités du Sud global.