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L’importation parallèle : un remède pour alléger les prix ?
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L’importation parallèle : un remède pour alléger les prix ?

Comment trouver un juste équilibre entre la nécessité de respecter et de protéger les droits de propriété intellectuelle sur les produits pharmaceutiques d’origine, une mesure qui malheureusement est susceptible d’occasionner une situation de monopole par le refus de permettre à d’autres opérateurs d’entrer en scène et le droit fondamental d’un malade de jouir d’une situation de marché où ces mêmes produits circulent librement ? Il s’agit de l’un des deux principaux obstacles à la volonté du nouveau gouvernement de mettre en place un projet de faire de l’importation parallèle des produits pharmaceutiques une réalité. Autrement dit, un opérateur désireux d’évoluer sur un marché où des concurrents bénéficient déjà d’un droit exclusif de distribution de certains produits pharmaceutiques d’origine ne devrait essuyer aucun refus s’il est en mesure de démontrer qu’il peut honorer toutes les obligations requises.
Explications de la Chambre de commerce et d’industrie (MCCI) et de principaux grossistes pharmaceutiques, qui en sont membres, après une réunion avec le secrétaire général de la MCCI, Drishtysingh Ramdenee. «Les discussions», indique ce dernier, «ont mis en lumière diverses considérations. Les acteurs du secteur ont notamment soulevé des points essentiels sur la traçabilité des produits et le respect des normes de qualité internationales, qui sont au cœur de la distribution pharmaceutique.»
Ces principaux grossistes estiment que l’initiative du gouvernement d’avoir recours à l’importation parallèle de produits pharmaceutiques doit «préalablement faire l’objet de consultations approfondies et d’une analyse minutieuse de ses implications pour le système de santé mauricien. Les enjeux concernent, entre autres, la conformité aux standards internationaux et la sécurisation de la chaîne d’approvisionnement».
Pour Chetan Dookun, président de la Pharmaceutical Association of Mauritius (PAM), l’importation parallèle de produits pharmaceutiques ne devrait pas voir le jour sur le territoire mauricien sans la présence préalable d’un ou de plusieurs laboratoires spécialisés dans l’examen minutieux de ces produits et l’identification de leurs composants pour ne pas mettre en danger la santé du public mauricien. «Pour le moment, il faut avoir recours à des pharmacies d’autres pays comme l’Afrique du Sud pour être en mesure d’effectuer ces tests.»
Il estime que le recours à un mécanisme de contrôle de la marge de bénéfice des produits pharmaceutiques par l’ancien gouvernement n’aurait pas donné les résultats escomptés. «Si les autorités parviennent à réduire d’un certain pourcentage la marge de bénéfice d’un produit, il n’est pas interdit d’imaginer que les acteurs commerciaux puissent carrément augmenter le prix de vente du produit.» Pour lui, ce sont l’offre et la demande qui peuvent déterminer le prix de vente d’un produit. Il estime que l’importation parallèle de produits pharmaceutiques, si elle est introduite après avoir tenu compte de tous les facteurs qui lui sont propres, peut contribuer à créer une concurrence qui en définitive devrait bénéficier à la clientèle.
Siddique Khodabocus, président de la Small and Medium Pharmaceutical Importers Association, estime qu’il est tout à fait possible d’autoriser l’importation parallèle de produits pharmaceutiques d’origine pour lesquels certains gros importateurs détiennent le droit exclusif des fabricants pour leur commercialisation sur le marché mauricien. «Il est possible de le faire auprès de ces pays où les fabricants de produits pharmaceutiques de renom ont délocalisé leurs activités comme une stratégie d’étendre leur contrôle du marché mondial et cela, en raison des coûts d’opération relativement moins élevés. L’importation auprès de telles sources permettra au malade mauricien qui, dans bien de cas, a une préférence pour les produits pharmaceutiques de référence de disposer de ces produits à un moindre coût. Le gouvernement ne doit tergiverser pour mettre en place dans les plus brefs délais un système d’importation de produits pharmaceutiques.»
Le président de la Small and Medium Pharmaceutical Importers Association attire l’attention du gouvernement sur un autre problème. «Il faut que le gouvernement se penche sur la hausse des prix des services dans les cliniques privées. Qu’est-ce qui pourrait expliquer la différence de coût des soins, notamment pour un traitement des yeux, entre l’Inde, qui a réalisé d’importants progrès scientifiques dans ce domaine, et Maurice, qui, dans une certaine mesure, reste en retrait ?»
L’autre obstacle auquel le gouvernement doit faire face par rapport à son intention d’autoriser l’importation parallèle de médicaments est la nécessité d’avoir recours à une nouvelle législation. Noren Seeburn, ex-magistrat et exsenior State Counsel, s’oppose à cet argument. Il s’appuie sur le contenu du jugement 2015/ 86 de la Court of Civil Appeal de la Cour suprême qui, selon lui, semble indiquer que l’absence du consentement du propriétaire d’une marque commerciale ne constitue pas une infraction à la loi protégeant cette propriété intellectuelle.
«Les ministères du Commerce, de la Santé et la Mauritius Revenue Authority, qui gère la douane, devront demander un avis légal sur les observations en question auprès du bureau du Solicitor General et en particulier demander son feu vert pour laisser entrer les importations pharmaceutiques sans exiger de consentement du propriétaire de la marque commerciale enregistrée qu’elles portent, sur le territoire mauricien, comme cela a été le cas avant la période qui s’étendait de 2007 à 2010. La probabilité que l’absence du consentement du propriétaire d’une marque commerciale enregistrée à Maurice puisse constituer une infraction est le facteur qui autorise la douane à procéder à la rétention ou à la saisie des produits importés.»
Tant que le gouvernement ne précise pas sa position sur l’importation parallèle de médicaments, le débat reste ouvert. La question reste entière. Il est indispensable de trouver un équilibre entre le respect des droits relatifs aux propriétés intellectuelles et le droit de la population à bénéficier d’une circulation sans barrières des produits pharmaceutiques. Ce n’est pas la première fois qu’un pays est confronté à un tel dilemme. Il s’agit de repérer la formule qui convient à ses besoins spécifiques.
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